Autour de l'idée de Rome. Écrivains et touristes du XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.102, pg 97-109

Garms Jörg

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1990 - Volume 102 - Numéro 1 - Pages 97-109
Jôrg Garms, Autour de Vidée de Rome. Écrivains et touristes du XIXe siècle, p. 97-109. L'article esquisse les grandes lignes de l'évolution de l'idée de Rome au XIXe siècle. Après avoir atteint son apogée autour des années 1780-1800, le mythe de Rome, capitale idéale d'une Europe unie par la culture néoclassique, subit des changements dictés par l'évolution de la restauration post révolutionnaire. Y contribuaient d'une part le romantisme catholique de l'autre la pensée laïque et libérale. Dans les deux camps on s'arrête volontiers à la description de la surface, mais en y intégrant toujours des appels à l'histoire, par comparaison, consentement ou refus : ville quasi exotique dotée d'une vie sociale apparemment très vivace et d'un système politique désormais définitivement obsolète, Rome est aussi à l'origine de certains efforts historiographiques de grande ambition, (v. au verso) conditionnés à leur tour par la politique contemporaine. Dans la mesure même où Rome semble s'éloigner de la réalité, la visite et la réflexion deviennent des moments d'attraction irrésistible ou de négation violente de la part des « modernes ».
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: MELANGES_DE_L-ECOLE_FRANCAISE_DE_ROME
• Publié le: 01 janvier 1990
• Nombre de lectures: 76
• Langue: Français

Extrait

Jörg Garms
Autour de l'idée de Rome. Écrivains et touristes du XIXe siècle
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 102, N°1. 1990. pp. 97-109.
Résumé
Jôrg Garms, Autour de Vidée de Rome. Écrivains et touristes du XIXe siècle, p. 97-109.
L'article esquisse les grandes lignes de l'évolution de l'idée de Rome au XIXe siècle. Après avoir atteint son apogée autour des
années 1780-1800, le mythe de Rome, capitale idéale d'une Europe unie par la culture néoclassique, subit des changements
dictés par l'évolution de la restauration post révolutionnaire. Y contribuaient d'une part le romantisme catholique de l'autre la
pensée laïque et libérale. Dans les deux camps on s'arrête volontiers à la description de la surface, mais en y intégrant toujours
des appels à l'histoire, par comparaison, consentement ou refus : ville quasi exotique dotée d'une vie sociale apparemment très
vivace et d'un système politique désormais définitivement obsolète, Rome est aussi à l'origine de certains efforts
historiographiques de grande ambition,
(v. au verso) conditionnés à leur tour par la politique contemporaine. Dans la mesure même où Rome semble s'éloigner de la
réalité, la visite et la réflexion deviennent des moments d'attraction irrésistible ou de négation violente de la part des « modernes
».
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Garms Jörg. Autour de l'idée de Rome. Écrivains et touristes du XIXe siècle. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie
et Méditerranée T. 102, N°1. 1990. pp. 97-109.
doi : 10.3406/mefr.1990.4085
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1990_num_102_1_4085GARMS JÖRG
AUTOUR DE L'IDÉE DE ROME
ÉCRIVAINS ET TOURISTES DU XIXe SIÈCLE *
En 1894 le jeune André Gide, dans son journal, consacrait à Rome à
peine une page : « Rome nous ennuie » et « Nous regrettons l'Afrique à
chaque instant. Je n'ai jamais rien vu de plus vilain, de plus maussade et
informe que Rome» affirma-t-il dans des lettres à sa mère - et elle répond
it : «... Trois civilisations qui se succèdent laissent chacune des témoins
de premier ordre, mais c'est unique dans le monde!»1.
Autour de 1800, dans l'idéalisme allemand, surtout chez Goethe et
Wilhelm von Humboldt, le vieux thème de Rome centre du monde, lieu
de la connaissance à la fois de l'histoire universelle et de soi-même, avait
atteint son apogée2; puis chez les romantiques, chez Chateaubriand,
Byron et Lamartine surtout, le topos de la vanité du monde, les lamentat
ions et jouissances de la ruine3.
Suivit une chute de telles hauteurs de la pensée et de la poésie. Déjà,
au milieu du XVIIIe siècle, certains voyageurs s'arrêtaient volontiers à la
petite réalité, à la banalité et à la corruption du présent4.
* Relation présentée à l'occasion de la rencontre Da Roma alla terza Roma.
X Seminario internazionale di Studi storici. «Idea giuridica e politica di Roma e
personalità storie he», Campidoglio, 21-23 aprile 1990, organisée par le Prof. Pie-
rangelo Catalano.
1 André Gide, Journal. 1889-1939, Paris, 1965 p. 65-66; Correspondance avec sa
mère 1880-1895, éd. Cl. Martin, Paris, 1988, p. 337, 343, 363.
2 Johann Wolfgang Goethe, Italienische Reise, éd. H. von Einem, Munich,
1978; voir aussi René Michéa, Le voyage en Italie de Goethe, Paris, 1945. Pour toute
le période avant 1825 : Elisabeth et Jörg Garms, Mito e realtà di Roma nella cultura
europea. Viaggio e idea, immagine e immaginazione, dans Storia d'Italia. Annali, 5,
ed. C. de Seta, Turin, 1982, p. 561-662, surtout p. 635-36, 646.
3 Garms (η. 2) 644-45.
4 P. ex. le Président de Brosses, Dupaty, puis Elise von der Recke et Lady
Morgan - voir Garms (n. 2) ; un exemple typique du genre « familier » du XIXe siècle
est Charles Dickens, Pictures from Italy, Londres, 1846.
MEFRIM - 102 - 1990 - 1, p. 97-109. 9 98 JÖRG GARMS
Le poète souabe Wilhelm Waiblinger, à Rome de 1826 jusqu'à sa
mort en 1830, y était bien dans son élément, menant une vie de bohème
dans la ville entre grandeur et quotidien5. Le peintre parisien Antoine
Thomas (à Rome de 1816 à 1818) consacrait un cycle de 72 feuilles au
folklore et aux petits coins : Un an à Rome et dans ses environs, recueil de
dessins lithographiques représentant les costumes, les usages et les cérémon
ies civiles et religieuses des états Romains. Bientôt les pamphlets : les
Tablettes romaines, contenant des faits, des anecdotes et des observations
sur les mœurs, les usages, les cérémonies, le Gouvernement de Rome du
comte de Santo-Domingo en 1824 et Italien wie es wirklich ist. Bericht
über eine merkwürdige Reise in den hesperischen Gefilden als Warnstimme
für Alle, welche sich dahin sehnen de Gustav Nicolai en 1834.
Dans les innombrables «Voyages d'Italie», «Souvenirs», «Images» et
«Impressions» - ce sont des titres de bouquins6 - désormais la volonté
encyclopédique et didactique des grandes guides du dernier tiers du siè
cle précédent - des Richard, Lalande, Volkmann, Roland de la Platière,
Petit-Radel etc.7 - fait défaut.
C'est d'autre part, en même temps que les pamphlets cités, dans la
Revue des Deux Mondes de 1835 que paraît le premier exposé historique
des «reflets de Rome dans les imaginations», comme le dit l'auteur Jean-
Jacques Ampère, plus tard professeur au Collège de France et membre de
l'Académie française8. Il commence son essai par le mots «Rome n'est
pas une ville comme les autres villes : Rome a un charme malaisé à défi
nir et qui n'appartient qu'à elle».
5 Wilhelm Waiblinger, Gesammelte Werke, ed. H. von Canitz, Stuttgart,
21842; Briefe aus Italien an seine Eltern, ed. E. Breitmeyer, Ludwigsburg, 1930.
6 P. ex. : James Fenimore Cooper, Excursions in Italy, Paris, 1838; (Henry
Dufay.) Souvenirs de vacances. Naples, Rome, Florence en 1853, Senlis, 1854; Théo
dore Belamy, Rome, impressions et souvenirs, Paris, 1858; Otto Speyer, Bilder it
alienischen Landes und Lebens. Beiträge zur Physiognomik Italiens und seiner Be
wohner, Berlin, 1859; s.n., Souvenirs d'Italie, Paris, 1865; Henry James, Italian
Hours, ed. H. Mitgang, New York, 1982.
7 Abbé Jérôme Richard, Description historique et critique de L'Italie, ou. . .,
Dijon-Paris, 1766; Joseph Jérôme Lalande, Voyage d'un Français en Italie fait dans
les années 1765 et 1766. . ., Paris, 1769; Johann Jakob Volkmann, Historisch-Kritis
che Nachrichten von Italien. . ., Leipzig, 1770; Jean Marie Roland de La Platière,
Lettres écrites de Suisse, d'Italie, de Sicile et de Malte, Paris 1776-78; Philippe Petit
Radel, Voyage historique, chorographique et philosophique dans les principales villes
d'Italie en 1811 et 1812, Paris, 1815.
8 Jean- Jacques Ampère, Portraits de Rome à différens âges, dans Revue des
Deux Mondes, 1835, II, p. 497-535; III, p. 149-168. AUTOUR DE L'IDÉE DE ROME 99
Au moment de la fin de l'existence politique de Rome on trouvera un
écho à ces termes chez Henry d'Ideville dans son Journal d'un diplomate
en Italie. Rome 1862-1866, paru à Paris en 1873 : «Sans parler de l'attrait
singulier, mystérieux, qui entraîne vers Rome tant de visiteurs qui se
changent souvent en habitants, indépendemment de l'intérêt et du char
me inépuisable que les catholiques, les artistes et les savants trouvent tou
jours dans cette ville étrange, le simple homme de loisir, l'observateur, le
touriste d'un peu d'humour peut découvrir à Rome une source précieuse
d'observations. . .»9. Au «je ne sais quoi» qui laisse paraître les résidus
sous-jacents des grandes idées et du grand passé se superposent les inté
rêts spécialisés : ceux des catholiques, des artistes et des savants, des tour
istes.
Cet état de choses se manifeste dans la littérature par l'accumulation
et la juxtaposition de notions et d'observations, d'histoires et d'anecdotes
- souvent de seconde main, répétitives ou peu variées : sur les proport
ions de Saint-Pierre ou la saleté des rues, la grandeur des Thermes de
Caracalla ou la petitesse du Capitole, les femmes et l'amour, les hommes
et le couteau, l'indolence de la population et la décadence du gouverne
ment, la végétation des ruines