Charles Bally : de Bergson à Saussure - article ; n°77 ; vol.19, pg 95-104
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Description

Langages - Année 1985 - Volume 19 - Numéro 77 - Pages 95-104
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 58
Langue Français

Extrait

José Médina
Charles Bally : de Bergson à Saussure
In: Langages, 19e année, n°77, 1985. pp. 95-104.
Citer ce document / Cite this document :
Médina José. Charles Bally : de Bergson à Saussure. In: Langages, 19e année, n°77, 1985. pp. 95-104.
doi : 10.3406/lgge.1985.1507
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1985_num_19_77_1507José Médina
CHARLES BALLY : DE BERGSON À SAUSSURE
Devant un titre tel que Le langage et la vie (lre éd., 1913), la tentation est grande
de ne voir qu'une nouvelle formulation de la métaphore biologique du langage :
naturalisme de Schleicher ou transformisme darwinien l. Or, si Bally associe le lan
gage à la vie, c'est pour affirmer que le langage est « expression de la vie » {L.V.,
p. 15) entendue comme « conscience de vivre ». Comme beaucoup de linguistes du
début du siècle, Bally, au début de L.V., livre un rapide aperçu de l'histoire de la
linguistique avant lui et situe du même coup son point de départ :
« Peu à peu, cependant, on se convainc que la langue n'existe que dans les cerveaux de
ceux qui la parlent et que ce sont les lois de l'esprit humain et de la société qui expliquent
les faits linguistiques » {L.V., p. 14).
« Lois de l'esprit humain », « lois de la société », si la linguistique comme science est
possible, elle rencontre nécessairement sur sa route
« la psychologie, qui montre que rien ne se dit qui ne soit aussi pensé, et la sociologie, qui a
guéri les linguistes de la conception naturaliste du langage et a montré qu'il est, au moins
partiellement, un produit de la vie sociale » (ibid. ) *.
Notons en passant la réserve — « au moins partiellement » — concernant la sociolo
gie et arrêtons-nous sur cette psychologie qui, ainsi décrite, nous ramène au problème
philosophique des rapports de la pensée et du langage et nous fait découvrir un Bally
lecteur de Bergson ; en linguistique, il critique la méthode historique parce que
« l'évolution n'explique pas tout le langage » (p. 14) et il revendique une linguistique
statique d'un état de langue correspondant à la conscience des sujets qui la parlent ;
en philosophie, il conteste avec M. Blondel ou H. Bergson — pour ne citer que les
Français — la suprématie de la raison pure.
« Le langage naturel, celui que nous parlons tous, n'est au service ni de la raison pure, ni
de l'art ; il ne vise ni un idéal logique ni un idéal littéraire (...) il est simplement au service
de la vie, non de la vie de quelques-uns, mais de tous, et dans toutes ses manifestations : sa
fonction est biologique et sociale » (L.V., p. 14).
Ainsi, pour cerner le langage, nous faut-il quitter les textes littéraires, dépasser la
logique et, à partir de la parole de tous les sujets parlants, remonter à l'origine : la
vie psychique intuitionnée dans la conscience.
« Je cherche à caractériser les procédés expressifs du français en comparant les éléments
intellectuels de la langue avec ses éléments affectifs. Pour moi la tâche de la stylistique cons
iste à rechercher quels sont les types expressifs qui, dans une période donnée, servent à
rendre les mouvements de la pensée et du sentiment des sujets parlants, et à étudier les
effets produits spontanément chez les sujets entendants par l'emploi de ces types » (ibid.,
p. 59).
* Souligné par nous comme dans les citations qui suivent (sauf mention particulière).
1. Cf. les titres de l'ouvrage de A. Darmesteter, La Vie des mots, (1887) et de l'article de
A. Hovelacque : « La vie du langage » article paru dans La République française (20 juillet
1877).
95 L'opposition intellectuel/affectif, l'attention particulière aux « mouvements de la pen
sée et du sentiment », sans compter les innombrables passages dans lesquels Bally se
réclame explicitement de la psychologie, autant d'indices d'une orientation qui l'asso
cie à Wundt (1904-1920), mais aussi J. Van Ginneken (1907), Séchehaye et plus tard
H. Delacroix (1924) 2. Rien d'étonnant, donc, à ce que Bally remonte de la langue-
expression à la pensée, s'interroge sur le passage de l'une à l'autre et du même coup
exclue l'histoire de la langue que parle le locuteur sans en avoir conscience.
L'expression de la vie : contre le logicisme et l'intellectualisme.
Bally fait plus que rattacher l'étude du langage à l'étude de l'esprit ou de la pen
sée. Il prend comme norme de vie, garantie de la réalité expérimentale, « vécue », de ses
thèses. En aucune façon, le langage dont doit s'occuper le linguiste ne doit être figé
(celui de la littérature, d'une classe d'individus) ; il doit au contraire être pris dans la
réalité de la vie. D'où le privilège du langage parlé « dans la vie réelle » auquel corre
spond la pensée réelle et subjective aux prises avec la vie et non pas la pure logique de
l'intelligence. Or la philosophie qui précisément oppose l'intelligence à l'intuition,
qui tente de saisir la vie psychologique dans son originalité, au-delà des médiations
réductrices de la logique et des symboles, est celle de Bergson, auquel Bally fait
explicitement référence dans un chapitre de L. V. dont le titre à lui seul est significat
if : « l'intelligence et le langage » :
« L'intelligence au service de la vie enveloppe et dépasse notre logique aux normes géomét
riques ; elle joue avec elle sans s'y asservir : le langage le montre mieux que n'importe
quoi. On pense involontairement à l'intuition bergsonienne, et le langage, dans ses rapports
avec la vie, semble donner raison à M. Bergson quand il dit que « la vie déborde l'intell
igence de toutes parts » et que « notre science est caractérisée par une incompréhension
mutuelle de la vie ». Il semble en tout cas que l'intelligence qui anime le langage soit de
même nature que celle qui ordonne les phénomènes de la vie, en cela surtout qu'elle diffère
essentiellement de la raison logique. Le langage ne se comprend bien qu'en fonction de la
pensée telle que la vie la façonne, et l'on peut se représenter cette pensée comme un orga
nisme dont l'intelligence logique forme l'ossature ; les muscles et les nerfs, ce sont nos sent
iments, nos désirs, nos volontés, toute la partie affective de notre esprit... » (p. 23).
On le voit, Bally n'élimine pas complètement le rôle de l'intelligence dans la pensée
et conséquemment dans le langage, il s'agit seulement d'élargir le champ de la pen
sée, au-delà de la raison logique, à l'affectivité. Reportons-nous aux textes de Berg
son, nous y trouvons les mêmes analyses de l'intelligence en opposition à la vie rap
portée d'abord à l'instinct :
« L'intelligence vise d'abord à fabriquer. La fabrication s'exerce exclusivement sur la
matière brute, en ce sens que, même si elle emploie des matériaux organisés, elle les traite
en objets inertes, sans se préoccuper de la vie qui les a informés. De la matière brute elle ne
retient guère que le solide : le reste se dérobe par sa fluidité même » (Bergson, 1907, p.
166-167).
L'affinité des solides et de l'intelligence est transposée par Bally dans l'expression
« logique aux formes géométriques ». Par là, Bally suit Bergson l'idée que
2. Wundt : Volkerspsychologie (1904-1920) ; J. Van Ginneken : Principes de Linguistique
psychologique (1907) ; A. Séchehaye : Programme et méthodes de la linguistique théorique
(1908) ; H. Delacroix : Le langage et h pensée (1924). La conjoncture théorique de prise en
compte des problèmes du à la charnière du XlXvxx» est marquée par les essais de cons
titution d'une linguistique comme discipline « autonome » et « générale » avec comme terreau
et horizon des problématiques psychologiques. Cf. Langages n° 49 et Avant Saussure (éd.
Complexe, 1978).
96 ne se réduit pas au cerveau et que la mobilité qui caractérise la vie de la l'esprit
conscience (« fluidité ») est hétérogène aux formes solides de l'intelligence. La logique
caractérise le mode par lequel l'intelligence saisit la multiplicité qualitative en lui
substituant une discontinuité quantitative 3. L'instinct plus que l'intelligence est pro
che de la vie, et quand il s'agit de la vie psychique, l'incessante variation de chaque
état psychologique demande une attention plus fine que ; Bergson
l'appelle intuition. En évoquant « involontairement » l'intuition et le

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