Charles Morris : le rôle du behaviorisme en sémiotique - article ; n°107 ; vol.26, pg 112-127
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Description

Langages - Année 1992 - Volume 26 - Numéro 107 - Pages 112-127
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claudine Normand
Charles Morris : le rôle du behaviorisme en sémiotique
In: Langages, 26e année, n°107, 1992. pp. 112-127.
Citer ce document / Cite this document :
Normand Claudine. Charles Morris : le rôle du behaviorisme en sémiotique. In: Langages, 26e année, n°107, 1992. pp. 112-
127.
doi : 10.3406/lgge.1992.1646
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1992_num_26_107_1646Claudine NORMAND
Paris X (Nanterre)
URA CNRS 381
CHARLES MORRIS : LE RÔLE DU BEHAVIORISME
EN SÉMIOTIQUE
Men are the dominant sign-using animals.
L'histoire de la linguistique attache le nom de Charles Morris à l'émergence d'une
sémiotique moderne et plus précisément, au sein de celle-ci, à la mise en évidence de la
dimension pragmatique ; mais on ne souligne généralement pas que cette élaboration
prend place dans un cadre entièrement philosophique. La théorie qui traite du langage
à partir du jeu des signes, et que Locke appela sémiotique, s'insère dans une longue
tradition philosophique. Les sémioticiens modernes se réclament peu de ce passé ou ne
le font guère remonter au-delà de Peirce, suivant en cela Benveniste qui commence ainsi
un texte célèbre :
« Depuis que ces deux génies antithétiques, Peirce et Saussure, ont, en complète
ignorance l'un de l'autre et environ en même temps, conçu la possibilité d'une
science des signes et travaillé à l'instaurer, un grand problème a surgi qui n'a pas
encore reçu sa forme précise... Quelle est la place de la langue parmi les systèmes de
signes ? » (1974, 44).
Benveniste, dans le même texte, fait allusion à C. Morris pour qui « la linguistique fait
partie de la sémiotique mais, ajoute-t-il, il ne définit pas la situation de la langue sous
ce rapport » (57, en note). Enfin dans un autre passage Benveniste semble associer
Morris à sa propre élaboration de renonciation en rappelant, au début du développe
ment sur « La nature des pronoms » :
« L'énoncé contenant je appartient à ce niveau ou type de langage que Charles
Morris appelle pragmatique qui inclut avec les signes ceux qui en font usage » (1966,
252).
La familiarité des linguistes avec le philosophe américain s'arrête souvent là ; quant
aux sémioticiens, ils le cantonnent dans le rôle de simple vulgarisateur, voire falsifica
teur, de Peirce l.
1. T. A. Sebeok (1964), dans ses remarques terminologiques préliminaires, présente Peirce comme le vrai
fondateur de la sémiotique moderne mais souligne que C. Morris lui donné sa place parmi les sciences et comme
« organon » de toutes les sciences. J. Kristeva (1971) ne le cite pas et quand elle assure que « la démarche dont
nous nous réclamons aujourd'hui » n'a rien à voir avec la « retombée positiviste du projet formalisateur » hérité
d'Aristote et de Leibniz, c'est à Carnap qu'elle renvoie. Dans la « Bibliographie sémiotique 1964, 1965 », établie
par T. Todorov (ibid.), С. Morris (1964) est cité dans la rubrique « Philosophie du langage » ; O. Ducrot et T.
Todorov (1972) le mentionnent rapidement ainsi que J. Rey-Debove (1978) ; A. Rey (1976), seul, lui accorde
une place véritable et résume ses thèses. On notera à l'inverse les analyses de A. Esbach (1977) en Allemagne
et de F. Rossi-Landi (1972, 1975) en Italie.
Sur les critiques par les spécialistes de Peirce, cf. Rochberg-Halton E. et McMurtrey K. (1981) cité par Deely
J. (1982) ; ce dernier reconnaît le rôle joué dans la diffusion de la sémiotique par ce qu'il appelle « les écrits
sémiotiques bien connus (everywhere-known) de Charles Morris (...) auteur d'ouvrages classiques de 1938
112 Je me propose seulement ici de préciser quelques points de cette histoire récente des
relations entre philosophie et linguistique : que représentait en son temps le programme
sémiotique exposé par Morris ? Quelles questions philosophiques, logiques, morales, la est-elle chargée, selon lui, de résoudre ? A quels mouvements contemporains
ou plus anciens de la philosophie la rattachait-il ? Quelle est la portée et la signification
des remaniements qui apparaissent entre les versions de 1938 et 1946 de sa théorie des
signes ?
La première version de la théorie des signes de Morris paraît en 1938 dans
L'Encyclopédie Internationale de la Science Unifiée 2 sous le titre « Fondations de la
théorie des signes ». Les deux premiers fascicules de cette collection commencent, à
cette date, à concrétiser une entreprise née dès le début des années 30 au cœur du Cercle
de Vienne et plus précisément formulée et lancée par Otto Neurath au premier Congrès
International pour l'unité de la Science à Paris (1935). La portée assignée par Morris à la
sémiotique doit être évaluée d'abord dans ce cadre théorique : réflexions philosophiques
sur la science moderne, son esprit, ses résultats — mais aussi, même si les effets en sont
au premier abord moins apparents, dans son contexte historique : l'installation du
fascisme, les menaces de guerre et le rôle de la propagande politique.
Même si l'entreprise encyclopédique est loin d'avoir pris l'ampleur projetée par son
fondateur Neurath (mort dès 1945), elle n'en a pas moins été un mouvement important
dans l'histoire de ce qui a été appelé Empirisme ou Positivisme logique et elle présente
par rapport à son lieu de naissance viennois des caractéristiques intéressantes 3 ; je
signalerai ici celles qui me paraissent avoir eu un rôle dans la conception de la
sémiotique.
C'est d'abord la dimension internationale : s'appuyant sur une publication et des
congrès internationaux, le « mouvement pour l'unité de la science » (selon l'expression
de Neurath) se donne pour objectif de faire la jonction entre la philosophie continentale
et la philosophie anglo-saxonne, et d'opérer une vaste synthèse. Il s'agit de faire le point
sur les résultats scientifiques modernes, de montrer leur unité fondamentale et de
travailler à consolider et élargir cette unité, en particulier en perfectionnant l'outil
métalinguistique ; on approfondira, dans l'esprit du positivisme viennois et du scien
tisme français mais aussi de l'empirisme anglais et du pragmatisme américain, les
relations de la philosophie et des sciences ; on définira ainsi le rôle d'une philosophie
adéquate au mouvement et à l'esprit scientifique, donc à vocation universelle. Tel est,
dans ses traits essentiels, l'objectif donné à l'entreprise.
Nouvelle philosophie de la science ? Science des sciences ? La question n'est pas
tranchée ; aucune réponse ne pouvait, sans doute, rencontrer l'accord des fondateurs
à 1964 ». C. Déledalle (1983) résume rapidement ses thèses avec une critique allusive à son interprétation de
Peirce. R. Well (1971) est le seul (à ma connaissance) à se féliciter de la modification apportée par C. Morris à
la théorie peircienne du signe lorsque « il traite comme troisième terme de la sémiosis, non un état ou une pensée
dans l'interprète, mais l'interprète lui-même » par où, dit-il, la théorie devient « utilisable ».
2. L'expression utilisée par le Cercle de Vienne était Einheitswissenscha.fi, qu'A. Soûlez (1985) traduit par
Science unitaire. J'ai choisi de traduire l'équivalent anglais adopté par Neurath et Carnap Unified Science.
3. Sur les hésitations terminologiques et les différences de position à l'intérieur du groupe, cf. la lettre d'O.
Neurath (1944) reproduite in C. Morris (1966) (présentation et trad, par Cl. Normand, à par.). On peut s'étonner
de ce que le projet et les réalisations de V Encyclopédie restent très peu connus comparativement aux travaux
précédents des Viennois ; A. Soûlez (1985) ne mentionne pas cette continuation du Cercle de Vienne dans son
introduction qui ne va pas au-delà du début des années 30 (sauf dans la bibliographie à l'occasion des titres
publiée par les différents auteurs concernés). Morris lui-même, quand il présente en 1970 une réédition des deux
textes de 1938 et de 1946 n'en fait même pas état dans le « back-ground » qu'il évoque (7). Il semble que ce
projet très ambitieux était avant tout celui de Neurath ; apr

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