Choix de modèles et développement glottopolitique - article ; n°83 ; vol.21, pg 75-85
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Description

Langages - Année 1986 - Volume 21 - Numéro 83 - Pages 75-85
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

A. Elimam
Choix de modèles et développement glottopolitique
In: Langages, 21e année, n°83, 1986. pp. 75-85.
Citer ce document / Cite this document :
Elimam A. Choix de modèles et développement glottopolitique. In: Langages, 21e année, n°83, 1986. pp. 75-85.
doi : 10.3406/lgge.1986.2497
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1986_num_21_83_2497Elimam Abdou
UA CNRS il64
GRECSO-SUDLA (Université de Rouen)
CHOIX DE MODÈLE
DE DÉVELOPPEMENT ET GLOTTOPOLITIQUE
0.0. La question linguistique, lorsqu'elle est mise en parallèle avec les stratégies de
développement des pays anciennement colonisés, tend généralement à prendre l'aspect
de « simples modalités » à la fois techniques et politiques. Cet article se propose de
soulever un certain nombre d'interrogations relatives aux modalités techniques et poli
tiques de la (re)mise en place de « la langue nationale » au Maghreb.
0.1. A l'échelle d'une nation, les questions linguistiques (pluralité de « codes » ou
de formations langagières, existence d'un véhiculaire de vaste audience, langues de
prestige, etc.) connaissent une maturité que seul le développement de la société per
met et problématise. Nombreux sont les historiens, ethnologues, sociologues et linguis
tes qui reconnaissent le mouvement dialectique qui rattache l'émergence de l'Etat-
Nation à celle de la langue « nationale ». L'unification territoriale, pour n'être pas
éphémère, se doit de se cristalliser sous une forme synthétique : sous la forme d'une
intégration socio-culturelle. Une telle intégration, pour survivre, se réalise (générale
ment) sous la forme du politique, sous la forme d'un centre politique garant de l'inté
grité du territoire et de l'idée de nation. Cette série de mouvements ou de métamorp
hoses sociales semble être une des caractéristiques de la modernité ; l'existence d'un
marché mondial ainsi que de la division internationale du travail, ne font que confir
mer et consolider cette tendance universelle. La médiation par la politique sous la
forme unifiée d'État-Nation semble devenir un passage obligatoire ; d 'autant plus que
les échanges internationaux se règlent et se condif ient à un niveau d'État (souverain) à
État (souverain, aussi). Nous maintiendrons ce cadre général comme repère pour
l'intelligence des développements qui vont suivre.
1.
La souveraineté nationale une fois acquise, l'émergence des États-Nations dans la
scène internationale marque la fin d'une période que nous appellerons
« quantitative », pour faire face à une période que nous appellerons « qualitative ».
J. Fishman (1973) désignait ce processus comme étant le passage de la phase de
« mobilisation » à la phase d'« intégration ». Dorénavant, les États nouveaux doivent
apprendre à compter sur « leurs propres forces » pour intégrer autonomie et reproduct
ion de leur formations sociales et économiques. Une telle entreprise représente un défi
à la fois interne et externe. Externe : se faire admettre par la communauté internatio
nale en tant que nation souveraine et légitime. Interne : mettre en place une autorité
75 (représentant la communauté nationale) se légitimant et aspirant à la légitpolitique
imité du corps social dans sa totalité.
1.1. Le premier objectif de l'autorité politique nationale est de favoriser l'unifica
tion des diverses composantes de la communauté nationale. Le discours nationaliste
change de propos pour « mobiliser » autour des tâches de « reconstruction de la patrie
et de la nation » : transcendance des ethnies et des classes sociales (encore diffuses,
certes) pour le développement national. Or ce dernier est à la fois économique, social,
culturel et politique (c'est-à-dire institutionnel). Pour utiliser une terminologie plus
rigoureuse, disons que le défi interne se pose en termes, théoriques et pratiques,
d'émergence de rapports sociaux nouveaux. La panacée semble résider dans le choix
« judicieux » d'un modèle de développement ; choix qui incombe au pouvoir politique
central. Quant à la question linguistique, question vitale puisqu'elle est l'enjeu d'une
circulation de la communication politique, elle est « déjà réglée ». Dans les Constitu
tions respectives des trois pays du Maghreb, l'arabe est d'emblée consacré « langue
d'État » (Tunisie), « langue officielle » (Maroc), « langue nationale et officielle »
(Algérie).
N'ayant pas à résoudre de problèmes de nature linguistique, l'unification se pose
donc en simples termes : passer du stade de « l'oralité » (arabe parlé) à celui de
l'écrit. Si la seule et même langue de tous les locuteurs se différencie entre l'écrit et
l'oral, c'est parce que la période de colonisation a « souillé » la langue ; il ne reste plus
qu'à l'épurer, l'élever, la faire se réconcilier avec elle-même. Le temps, l'éducation,
l'accès à une modernité compatible avec son identité et le développement économique
et social seront les seuls remèdes à ce retard historique. Telle est, quant au fond, la
philosophie commune aux trois pays du Maghreb ; c'est dans les formes, le rythme et
les moyens qu'ils divergent.
1.2. Si les idéologies du développement national sont effectivement hétérogènes
dans leurs formes, elles se fondent toutes sur le primat de modèles préconçus au détr
iment du mouvement réel de la société. Nous qualifierons cette idéologie de « techno
cratique » et désignerons son espace de réalisation dans un double mouvement de
réduction (du mouvement social à un modèle de développement) et de substitution
(des pratiques discursives effectives à un « code transcendant »). L'illusoire surdéter
mination de la « technique » et de LA-LANGUE-ARABE néglige le tout complexe de la
formation sociale et économique ; de déterminant qu'il est, ce dernier n'est appré
hendé que comme (sur)déterminé. Une telle question, on le voit, a toujours interpellé
les linguistes en ce sens que les causalités entre langage et société ne cessent de faire
problème. Mais de plus en plus, notamment par la percée récente de la sociolinguisti-
que le primat du corps social semble être de moins en moins contestable. L'idéologie
technocratique, qui tend à dominer au Maghreb, repose donc sur une double faille :
— l'intervention institutionnelle, pour combler l'absence d'adaptation aux normes
sociales ;
— l'instrumentalisation de l'interaction entre les individus, pour combler la non-
reconnaissance officielle des véhiculaires largement socialisés.
La question linguistique n'est, de ce fait, pas facilement « évacuable » ! La sphère
sociale de la production verbale est effectivement le lieu privilégié de l'interaction,
76 aussi de la reconnaissance et de l'identification. Si le langage est la manifestation mais
de la conscience sociale, il devient le ciment de l'intégration socio-culturelle. Non seu
lement il est une mémoire sociale toujours disponible, mais aussi le miroir de l'être
social dans son processus de maturation. L'anthropologie reconnaît deux moments
dans la relation dialectique entre Structure (de la société) et Culture (au sens large du
terme).
Dans un premier temps, la culture renforce et consolide la structure ; dans un
second temps (l'époque moderne) la culture se substitue à la structure. Un tel mouve
ment socio-historique marque, dans un premier temps, la relative dilution des particu
larismes locaux ; dans un second temps l'émergence d'un complexe (croyances,
valeurs, conscience « collective », conativité) ethno-culturel supra -communautaire où
la différenciation sociale prend le pas sur la différenciation culturelle. Mais, quelles
que soient les formes qu'on souhaiterait imprimer à ce processus, il n'en demeure pas
moins historiquement déterminé ; il ne se commande pas à « coups de décrets » !
Cela dit, un certain nombre de percées matérielles peuvent être opérées grâce aux pro
grès de la technologie et des sciences. L'aménagement industriel

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