Des lumières du soleil aux lumières du théâtre : Georges Yakoulov - article ; n°1 ; vol.13, pg 5-23
28 pages
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1972 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 5-23
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Valentine Marcadé
Jean-Claude Marcadé
Des lumières du soleil aux lumières du théâtre : Georges
Yakoulov
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 13 N°1. pp. 5-23.
Citer ce document / Cite this document :
Marcadé Valentine, Marcadé Jean-Claude. Des lumières du soleil aux lumières du théâtre : Georges Yakoulov. In: Cahiers du
monde russe et soviétique. Vol. 13 N°1. pp. 5-23.
doi : 10.3406/cmr.1972.1866
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1972_num_13_1_1866ÉTUDES
JEAN-CLAUDE et VALENTINE MARCADÉ
DES LUMIÈRES DU SOLEIL
AUX DU THÉÂTRE :
GEORGES YAKOULOV*
A M. Raphaël Khérumian,
Initiateur de la Société des Amis
de Georges Yakoulov.
Bien que Yakoulov ne soit jamais allé jusqu'aux limites extrêmes de
l'abstraction, ses recherches dans le domaine de la forme et de la philo
sophie de l'art le placent cependant parmi les créateurs les plus inventifs
de l'art russe d'avant-garde. Sa vie tumultueuse est inséparable de sa
création. Un de ses articles est signé « Le Condottiere » et en effet il fut
un personnage de la Renaissance pour qui ont compté les aventures
amoureuses, les libations, la vie dangereuse, la bohème. Même son art
chaotique garde le souci de la forme incarnée, de la chair des choses.
Ce passionné fut sensible à tout ce qu'il y avait d'essentiel et d'original
dans les recherches esthétiques de son époque. S'il n'a pas été un meneur
de jeu entre 1907 et 1914 en Russie, s'il a laissé ce soin aux infatigables
David Bourliouk et Michel Larionov, c'est qu'il n'était pas tenté par ce
rôle, car sa devise était : « Être soi-même et être à part », « être toujours
seul et unique »x. Il n'en reste pas moins vrai que Yakoulov a participé
par ses œuvres picturales et théoriques au bouillonnement général des
arts en Russie au début du xxe siècle et après la révolution de 1917
son nom est devenu un symbole de l'art « de gauche », cible des conser
vateurs.
* La transcription des noms d'artistes russes connus sous une orthographe
précise en Occident reproduit textuellement cette dernière (par exemple, Kandisky,
Chagall). La internationale est réservée aux autres cas et aux notes.
1. « Dnevnik hudožnika. čelovek tolpy » (Le journal d'un peintre. L'homme de
la foule), Žizri iskusstva, 2, 1924, pp. 9-10 ; 3, 1924, pp. 7-9. Cet article a été traduit
en français dans Notes et Documents édités par la Société des Amis de Georges Yakoulov
(147, rue L.-M. Nordmann, Paris-i3e), 2, mars 1969. Les citations de cet article
sont tirées de cette traduction ; ici, p. 20. JEAN-CLAUDE ET VALENTINE MARCADÉ
I. — Des soleils diurnes de l'Orient
AUX SOLEILS NOCTURNES DES VILLES
Georges Bogdanovitch Yakoulov est né en 1884 à Tiflis dans une
ancienne famille arménienne de culture russe. Cette appartenance à deux
cultures marquera toute la pensée du peintre qui durant toute sa vie
sera en quête d'un art où la vision du monde orientale s'unit aux réali
sations techniques de l'Occident. Il parle lui-même de son « atavisme
asiatique », « auquel était étranger le réalisme européen, mais duquel
était proche le symbolisme qui a ouvert [...] un large horizon au fantas
tique décoratif »l. Dès sa plus jeune enfance il se livra à la peinture, tout
en refusant de se plier aux règles des écoles. Cela lui valut d'être par deux
fois exclu d'établissements scolaires : de l'Institut Lazarev à Moscou et
de l'École de Peinture, Sculpture et Architecture où il était entré en 1900
et pour laquelle il ne présenta pas les travaux de contrôle obligatoires :
« Passionné par l'improvisation, je rejetais tout enseignement et l'influence
de l'expérience d'autrui. »a Son service militaire passé au Caucase et sa
participation à la guerre russo- japonaise (1903-1905) le firent entrer en
contact avec la nature orientale et extrême-orientale et avec une culture
particulièrement riche et antique. La nature caucasienne et mandchoue
laissera une trace indélébile sur ses conceptions esthétiques, car il
comprend alors que « c'est précisément le caractère de la lumière qui
est la base du style recherché »8. Il étudie l'art graphique chinois et les
particularités des paysages de la Chine et aboutit à la conclusion que la
couleur de la lumière solaire détermine dans chaque pays la spécificité
de sa civilisation et de sa culture. C'est à son retour d'Extrême-Orient
en 1905 que Yakoulov crée sa théorie de l'origine des styles dont il fit
un exposé en 1906-07 à la Société de libre Esthétique de Moscou, qu'il
lut en 1913 à Robert Delaunay lors de son séjour à Louveciennes, puis
en 1914 au cabaret artistique Le Chien errant (Brodjaâaja sobaka) à
Saint-Pétersbourg. D'après ses propres indications4, son article « Le
soleil bleu », paru en 1914 dans l'almanach Al'cion, est un fragment de
cette « théorie des soleils ». Yakoulov y établit « l'interdépendance de
la couleur, de la forme, de la matière, de la ligne, de la pensée, du son,
de la structure de la nature et de l'art, du goût, de la capacité de voir »6.
Dans sa vision le Soleil tient la première place. C'est de l'action réciproque
du soleil, de la lune et de l'air que se forme le prisme lumineux. Les
rayons du soleil, l'air, le ciel, l'eau, la nature et l'homme, les animaux
1. « Moj žiznennyj puť » (La route de ma vie), Večernjaja Moskva, 29 décembre
1938.
2. Ibid.
3. « Avtobiografija » (Autobiographie), in Catalogue de l'Exposition rétrospective
de Georges Yakoulov, Erevan, 1967, p. 46.
4. « Moja kontrataka » (Ma contre-attaque), Ermitaê, 7, 1922, p. 11.
5. Ibid. GEORGES YAKOULOV 7
et les plantes, tous sont unis par un seul mouvement, par le prisme de
la lumière. « L'essence est dans le rythme de ce prisme, dans les oscilla
tions entre la saturation et la transparence, sans le passage dans le
prisme d'une autre couleur, w1 Le Soleil gouverne la nature tout entière.
Il y a des lois échappant à l'homme, mais auxquelles l'homme ne peut
échapper, qui règlent les paysages, les formes des êtres vivants et leurs
créations : « La conscience manifestée dans l'art d'un homme de tel ou
tel tempérament, de telle ou telle race est due à la force fatale qui a donné
l'énergie de connaître et qui a enfermé cette connaissance ; cette force
c'est le Soleil. »2 La nature donne donc au peintre ses couleurs (la gamme
du spectre solaire, la coloration des plantes et des animaux), à l'architecte
et au sculpteur ses formes (le contour des montagnes, les animaux et
les plantes), mais Yakoulov ne considère pas cela à la manière des réalistes
qui cherchent à copier la nature. Pour lui c'est la nature elle-même,
dirigée par le Soleil, qui à l'intérieur de l'homme le détermine, le pousse
à créer telles formes plutôt que telles autres. Pour faire comprendre
sa pensée le peintre a recours à des aphorismes pleins d'humour : « Est-ce
que les pyramides égyptiennes ne seraient pas absurdes en Chine et les
pagodes chinoises auraient-elles un sens à Florence ? » ou bien : « Le
Chinois par la construction rythmique de son corps est proche de son
cheval, comme l'Assyrien du sien et l'homme-arabe du cheval-arabe. »8
II y a donc plus de ressemblance entre un animal et un homme d'une
même civilisation qu'entre deux hommes ou deux animaux de civilisations
différentes. C'est dire que la lumière du soleil a créé des types de formes
variables selon la façon dont elle éclaire telle ou telle partie de la terre :
« Si le soleil de Moscou est blanc, le soleil de la Géorgie rose, le soleil de
l'Extrême-Orient bleu et celui de l'Inde jaune, c'est que de toute évidence
le soleil est cette force qui meut les planètes autour de lui, communiquant
à chacune d'elles son propre rythme (le caractère du mouvement), sa
propre cadence (la vitesse de ce mouvement) et une voie commune sur
son orbite (celle d'un seul thème fondamental dans la multiplicité des
formes matérielles et spirituelles). »4 Le peintre n'est donc pas un d

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