Écrire la langue indigène. La grammaire tupi et les catéchismes bilingues au Brésil (XVIe siècle) - article ; n°1 ; vol.111, pg 231-250
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Écrire la langue indigène. La grammaire tupi et les catéchismes bilingues au Brésil (XVIe siècle) - article ; n°1 ; vol.111, pg 231-250

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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1999 - Volume 111 - Numéro 1 - Pages 231-250
Andréa Daher, Écrire la langue indigène. La grammaire tupi et les catéchismes bilingues au Brésil (XVIe siècle), p. 231-250. Ce travail est une réflexion sur certaines pratiques lettrées dans le Brésil du XVIe siècle. Il étudie : les conditions de production éditoriale des catéchismes bilingues et des grammaires de la langue tupi de façon à déterminer le caractère de co-extensivité de ces objets imprimés; les conditions d'écriture de ces œuvres au travers de l'établissement des modèles qui orientent les représentations de l'Indien - ou de la langue indigène - fondés sur des catégories théologico-politiques, comme par exemple la «convertibilité» ou l'«inconstance»; les conditions de réception des grammaires et des catéchismes, à partir de la définition du public visé et des usages de ces textes par des missionnaires, des colons et des Indiens.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Andréa Daher
Écrire la langue indigène. La grammaire tupi et les catéchismes
bilingues au Brésil (XVIe siècle)
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 111, N°1. 1999. pp. 231-250.
Résumé
Andréa Daher, Écrire la langue indigène. La grammaire tupi et les catéchismes bilingues au Brésil (XVIe siècle), p. 231-250.
Ce travail est une réflexion sur certaines pratiques lettrées dans le Brésil du XVIe siècle. Il étudie : les conditions de production
éditoriale des catéchismes bilingues et des grammaires de la langue tupi de façon à déterminer le caractère de co-extensivité de
ces objets imprimés; les conditions d'écriture de ces œuvres au travers de l'établissement des modèles qui orientent les
représentations de l'Indien - ou de la langue indigène - fondés sur des catégories théologico-politiques, comme par exemple la
«convertibilité» ou l'«inconstance»; les conditions de réception des grammaires et des catéchismes, à partir de la définition du
public visé et des usages de ces textes par des missionnaires, des colons et des Indiens.
Citer ce document / Cite this document :
Daher Andréa. Écrire la langue indigène. La grammaire tupi et les catéchismes bilingues au Brésil (XVIe siècle). In: Mélanges
de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 111, N°1. 1999. pp. 231-250.
doi : 10.3406/mefr.1999.4616
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1999_num_111_1_4616ANDREA DAHER
ÉCRIRE LA LANGUE INDIGÈNE
LA GRAMMAIRE TUPI ET LES CATÉCHISMES BILINGUES
AU BRÉSIL (XVIe SIÈCLE)
En 1552, le supérieur de la Compagnie de Jésus au Brésil, le P. Manuel
da Nóbrega, écrivait au P. Simon Rodriguez pour le consulter sur des ques
tions qui devaient être «mises en dispute» au collège de Coimbra par les
«principaux lettrés de l'Université». La première de ces questions concer
nait la possibilité de confesser les gens de la terre par le moyen d'un inter
prète, «puisque cela semble être une chose nouvelle — observait Nóbrega —
et non utilisée dans la Chrétienté»1.
Dans les premières années de l'apostolat au Brésil, les Jésuites ont
beaucoup travaillé pour apprendre les langues indigènes, vivant dans les
villages où ils instruisaient progressivement les Indiens pendant qu'ils for
geaient les instruments nécessaires au triomphe de l'œuvre apostolique.
Pour cela, ils comptaient sur la collaboration de leurs truchements (ou
«linguas»), lés interprètes des langues indigènes, qui étaient des hommes
parfaitement intégrés à la vie indigène. C'était le cas précisemment du tr
uchement sur lequel comptait Nóbrega pour pouvoir traduire en tupi «les
oraisons et pratiques de Notre Seigneur» et qui était «très occupé à faire ce
que le gouverneur lui demandait»2.
1 Manoel da Nóbrega, Cartas do Brasil do Padre Manoel da Nóbrega (1549-1560) ,
Belo Horizonte, 1988, p. 141 : «porque parece cousa nova e näo usada em a Christan-
dade».
2 Ibid. , p. 73. Dans une lettre du 26 avril 1553, le P. José de Anchieta affirme
l'importance du soutien donné aux orphelins envoyés du Portugal et aux métis de la
terre, puisqu'«il est aussi important d'en gagner un de ceux-là que de gagner un In
dien, parce qu'en eux repose une grande partie de l'édification ou de la perte du
pays, et aussi parce qu'ils sont des linguas et des interprètes pour nous aider dans la
conversion des gentils (é täo importante ganhar um desses que ganhar um indio,
porque neles esta muita parte da edificaçao ou destruiçâo da terra, corno também sâo linguas e interprètes para nos ajudar na conversâo dos gentios)», José de
Anchieta, Cartas. Correspondência ativa e passiva, Sâo Paulo, 1984, p. 55-56.
MEFRIM - 111 - 1999 - 1, p. 231-250. 232 ANDRÉA DAHER
Puisque le métier de convertisseur «requiert un plus haut état de per
fection qu'aucun autre [métier]», l'une des compétences essentielles du
missionnaire est, selon Nóbrega, la maîtrise de la langue, fruit de la grâce
dont tout prédicateur est doué, outre la foi qui lui permet de se fier à Dieu
et de se méfier de soi-même, et la vertu d'accomplir des miracles3. Avec
«l'aisance que Dieu lui avait communiquée pour les langues», José de An
chieta a été le premier à enseigner le latin dans ces contrées outre Atlan
tique, comme l'affirme l'un de ses premiers biographes, le P. Pero Ro-
drigues. Seul maître du collège de Saint Paul fondé dans le village de Pirati-
ninga, Anchieta s'est consacré à l'enseignement de la grammaire à partir de
1554. Parmi ses innombrables occupations, il s'est mis à apprendre la
langue de la terre, et «non seulement il l'a comprise et parlée à perfection,
mais il en a aussi composé un art, dans le très bref délai de six mois»4.
C'est à la demande du supérieur de la Compagnie de Jésus au Brésil
qu'Anchieta composa par écrit l'Art de la grammaire [Arte de gramâticd\ du
tupi. Une copie du manuscrit de la grammaire aurait été rendue en 1555 à
Nóbrega, qui l'a emmenée à Bahia pour que les missionnaires nouvelle
ment arrivés soient instruits dans la langue indigène. Depuis 1556, trente
neuf ans donc avant sa publication, la grammaire servait déjà, selon l'un de
ses commentateurs, «de texte pour l'enseignement du tupi dans le collège
de Bahia et, en 1560, le père Luis da Grâ rendait son étude obligatoire, en
étant lui même le professeur»5.
En 1560, Anchieta a assumé le métier de truchement aux côtés de Nó
brega. Avec le supérieur de la Compagnie de Jésus, il a conduit les Indiens
Tamoyos d'Ubatuba, alliés aux Français, à faire alliance avec les Portugais.
Ensuite, il a participé à la fondation de la ville de Rio de Janeiro, d'où les
Français avaient été chassés la même année. De ces deux expériences, deux
échos textuels nous sont parvenus : le poème De beata Virgine, 5 732 vers
écrits par Anchieta sur les sables de Iperiog, lorsqu'il était otage des Ta
moyos pendant les négociations de paix; et le poème épique De rebus gesti
Mendi Saa, adressé à l'héroïque Capitaine Portugais Mem de Sa, a qui An
chieta fait contempler la victoire des soldats chrétiens sur la « descendance
impitoyable de Calvin» dans la baie de Guanabara, à Rio de Janeiro.
3 Manoel da Nóbrega, Diàlogo sobre a conversäo do gentio, éd. S. Leite, Säo Paul
o, 1954 (Cartas dos primeiros Jesutias do Brasil, II), p. 339-340.
4 Pero Rodrigues, Da vida do Padre José de Anchieta, da Companhia e Jesus,
Quinto Provincial que foi da mesma Companhia no Estado do Brasil, dans Primeiras
biografias de José de Anchieta, Säo Paulo, 1988, p. 64.
5 Cité par C. Drumond dans sa présentation de José de Anchieta, Artes de Gra-
matica, Sâo Paulo, 1990, p. 9. ÉCRIRE LA LANGUE INDIGÈNE 233
Tout comme les poèmes écrits à l'occasion des épisodes d'Ubatuba et
de Guanabara - des représentations de l'impératif théologique de la coloni
sation6 -, d'autres importantes traces textuelles de la pratique apostolique
du père Anchieta nous sont parvenus. Une approche historiographique de
cette production semble aujourd'hui indissociable d'une réflexion sur les
pratiques lettrées dans le Brésil du XVIe siècle7, de façon à rendre compte
des modalités stratégiques de la catéchèse qui constituent ces pratiques
dans leurs dimension théologico-politique. D'une manière générale, l'i
mportance de l'étude des écrits d'Anchieta se trouve, de ce point de vue, dans
le privilège accordé à l'historicité des représentations produites dans le
contexte spécifique de l'évangélisation du Brésil, contexte dans lequel le ca
ractère incontournable de la notion de conversion est manifeste en tant
que tradition établie et procédure générale en Amérique8. Dans la lettre
qu'il écrit de Sâo Vicente au père Diego Lainez, en mars 1563, Anchieta ré
vèle clairement les conditions extrêmes de l'encadrement des Indiens dans
les lois

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