Entre pédagogie politique et démagogie populiste - article ; n°1 ; vol.43, pg 33-50

Silvia Kobi

Description

Mots - Année 1995 - Volume 43 - Numéro 1 - Pages 33-50
ENTRE PEDAGOGIE POLITIQUE ET DEMAGOGIE POPULISTE Les appels faits au peuple, récurrents dans le discours politique, peuvent être soumis à une « analyse dramaturgique » : quel est le rôle prêté au peuple vis-à-vis de l'élite dirigeante dans ces appels ? L'analyse sémiotique constitue une grille pour appréhender le populisme qui pose lui aussi le problème du rapport entre la classe politique et le peuple. On concluera par l'évocation de l'étrange affinité idéologique entre la rhétorique populiste et l'idéal démocratique.
BETWEEN POLITICAL PEDAGOGY AND POPULIST DEMAGOGY The recurrent calls made upon the people in political discourse can be submitted to a « dramaturgical analysis » : what is the role that these appeals lend to the people in relation to the ruling elite ? Semiotic analysis constitutes a grid for apprehending populism, a form of discourse that also raises the problem of the relation between the political class and the people. The analysis will conclude by evoking the strange ideological affinity between populist rhetoric and the democratic ideal.
ENTRE PEDAGOGÍA POLITÍCA Y DEMAGOGÍA POPULISTA Los llamamientos hechos en dirección del pueblo, récurrentes en el discurso politico, pueden someterse a un análisis dramatúrgico : ¿cuál es el papel consentido al pueblo frente a la élite dirigente ? Igualmente, el análisis semiótico constituye un marco para la aprehensión del populisme que plantea el problema de la relación existente entre la clase política y el pueblo. Para acabar, se evocará la extraňa afinidad ideológica entre la retórica populista y el ideal democrático.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: MOTS
• Publié le: 01 janvier 1995
• Nombre de lectures: 24
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Extrait

Silvia Kobi
Entre pédagogie politique et démagogie populiste
In: Mots, juin 1995, N°43. pp. 33-50.
Resumen
ENTRE PEDAGOGÍA POLITÍCA Y DEMAGOGÍA POPULISTA Los llamamientos hechos en dirección del pueblo, récurrentes en
el discurso politico, pueden someterse a un análisis dramatúrgico : ¿cuál es el papel consentido al pueblo frente a la élite
dirigente ? Igualmente, el análisis semiótico constituye un marco para la aprehensión del populisme que plantea el problema de
la relación existente entre la clase política y el pueblo. Para acabar, se evocará la extraňa afinidad ideológica entre la retórica
populista y el ideal democrático.
Abstract
BETWEEN POLITICAL PEDAGOGY AND POPULIST DEMAGOGY The recurrent calls made upon the people in political
discourse can be submitted to a « dramaturgical analysis » : what is the role that these appeals lend to the people in relation to
the ruling elite ? Semiotic analysis constitutes a grid for apprehending populism, a form of discourse that also raises the problem
of the relation between the political class and the people. The analysis will conclude by evoking the strange ideological affinity
between populist rhetoric and the democratic ideal.
Résumé
ENTRE PEDAGOGIE POLITIQUE ET DEMAGOGIE POPULISTE Les appels faits au peuple, récurrents dans le discours
politique, peuvent être soumis à une « analyse dramaturgique » : quel est le rôle prêté au peuple vis-à-vis de l'élite dirigeante
dans ces appels ? L'analyse sémiotique constitue une grille pour appréhender le populisme qui pose lui aussi le problème du
rapport entre la classe politique et le peuple. On concluera par l'évocation de l'étrange affinité idéologique entre la rhétorique
populiste et l'idéal démocratique.
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Kobi Silvia. Entre pédagogie politique et démagogie populiste. In: Mots, juin 1995, N°43. pp. 33-50.
doi : 10.3406/mots.1995.1972
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1995_num_43_1_1972KOBI° Silvia
Entre pédagogie politique et
démagogie populiste1
Dans un système démocratique et, a fortiori, dans le cas suisse
qui comprend des mécanismes de démocratie semi-directe, les
concepteurs d'une politique s'efforcent de rechercher l'assentiment
populaire le plus large possible. Le réflexe visant à rendre une
politique ou un projet de loi acceptable aux yeux de la société est
lié aux institutions démocratiques : les politiciens ne font pas
volontiers le choix de l'impopularité en raison des répercussions
possibles sur leur légitimité en tant qu'autorité politique élue. A
part le score électoral comme mesure de cette légitimité, il existe
en Suisse un autre indicateur, à savoir le taux d'acceptation des
projets officiels qui font l'objet d'une consultation populaire. Or ces ne sauront toujours coïncider avec le choix de la popularité.
Ce qui est considéré par la classe politique comme allant dans le
sens du « bien public » risque parfois d'aller à rencontre des
attentes populaires. Pour ne pas heurter celles-ci, les autorités
peuvent utiliser différentes manœuvres en communication politique,
autrement dit, des rhétoriques susceptibles d'assurer l'acceptabilité
de leurs projets auprès du corps électoral.
Les autorités ne détiennent cependant pas le monopole en commun
ication politique. Leurs campagnes d'information coexistent avec
celles menées par des acteurs qui prennent parfois une position
diamétralement opposée à celle des autorités. Les adversaires d'un
changement législatif ou constitutionnel soumis à la consultation
populaire bénéficient même d'un avantage stratégique : leur argu-
° Institut de science politique, BFSH 2 — 1015, Lausanne
1. Une version antérieure de cet article a été présentée au congrès suisse de
science politique de 1992. Lors de sa mise au point définitive, le travail a bénéficié
des commentaires et des suggestions de Yannis Papadopoulos. Je lui dois une
reconnaissance particulière, tout en gardant la pleine responsabilité de ce texte.
Mots, 43, juin 95, p. 33 à 50 33 mentation ne se doit pas d'être « pédagogique », car ce n'est pas
leur travail de sensibiliser l'électorat aux innovations proposées.
Autrement dit, l'argumentation adverse n'est pas tenue à YAufklárung
politique. Les opposants peuvent se contenter de dénoncer de façon
virulente et souvent peu nuancée un projet officiel. Dans de
nombreux cas, ils adoptent une rhétorique populiste dont l'efficacité
sociale est probablement plus grande que celle de la « pédagogie
politique ».
L'examen des différents types de rhétorique et de leur potentiel
de persuasion est au centre de la présente recherche. Son corpus
d'analyse est constitué par les discours politiques sur la participation
suisse à Г Espace économique européen1. Nous avons analysé les
débats parlementaires, diffusés par les grands quotidiens suisses,
donc accessibles au public, et les discours référendaires suscités par
ce projet. Après une lecture rapide, on constate que le recours au
terme peuple est rarement tout à fait innocent. Son invocation
constitue une stratégie verbale susceptible d'augmenter la légitimité
des options politiques que défend un politicien. Ce dernier peut
tenter d'effacer son identité partisane en se présentant comme le
défenseur de la volonté populaire. Le fait d'investir le terme
« peuple » d'un enjeu de pouvoir montre qu'il y a là un terrain
propice à l'analyse du discours. A travers cette méthode, on peut
montrer qu'il existe, dans le parler politique, plusieurs modalités de
référence au peuple et que chacune conçoit de façon différente les
liens entre gouvernants et gouvernés.
Une esquisse de modèle
Conformément à l'idéal démocratique, l'action politique des au
torités est fonction du peuple qui, lui, est habilité à dicter à la
1. Référendum obligatoire du 6 décembre 1992. Le caractère obligatoire du
référendum, contrairement au caractère facultatif de celui sur Maastricht, résulte du
fait que le projet en question nécessitait une modification constitutionnelle. Or toute
révision totale ou partielle de la Constitution suisse est soumise d'office à la votation
populaire. Le projet est accepté lorsqu'il obtient la double majorité du peuple et des
cantons. Les simples projets de loi, par contre, ne sont soumis à une votation
populaire que lorsque 50 000 citoyens en font la demande. Pour en savoir plus, voir
la contribution de J.-D. Delley, « La démocratie directe. Un système politique aux
portes ouvertes», Pouvoirs, 43, 1987, p. 101-113 (numéro spécial, «La Suisse»).
34 classe politique ce qu'elle doit faire. Dans ce cas, le peuple fait
figure d'un destinateur fixant des devoirs. Si l'on projette les statuts
politiques accordés au corps électoral sur le « carré sémiotique » \
on s'aperçoit que ceux-ci ne correspondent pas toujours à l'idéal-
type démocratique où le peuple transmet ses attentes et ses griefs
aux représentants politiques qui, eux, les exécutent (suivre le peuple).
Les statuts politiques du souverain populaire peuvent correspondre,
en outre, aux trois positions complémentaires, à savoir celles de
non-destinateur, d'antidestinateur et, finalement, de non-antidestina-
teur. Si le peuple est en position de non-destinateur par rapport à
la classe politique, celle-ci, au lieu de prendre le pouls des %
sensibilités politiques populaires, les affronte. En position d'antidest
inateur, le peuple est trompé par la classe politique : celle-ci ne
fait que semblant d'exécuter la volonté populaire pour mieux
l'instrumentaliser. La quatrième constellation énumérée (le peuple
en tant que non-antidestinateur) désigne une sorte de rapport
pédagogique : la classe politique explique ses choix aux citoyennes
et aux citoyens pour susciter leur adhésion et, conjointement, pour
réduire le potentiel de protestation. A chaque fois qu'il y a
invocation du peuple, celui-ci apparait en tant que protagoniste
susceptible de s'actualiser dans l'un des quatre rôles. Dans notre
présentation des rapports contractuels ou des rapports de confront
ation entre élites e