I Ricordi de François Guichardin : de l écriture à la politique - article ; n°2 ; vol.97, pg 897-927
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I Ricordi de François Guichardin : de l'écriture à la politique - article ; n°2 ; vol.97, pg 897-927

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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1985 - Volume 97 - Numéro 2 - Pages 897-927
Jean-Louis Fournel, I Ricordi de François Guichardin : de l'écriture à la politique, p. 897-927. L'article tente de montrer comment, dans l'écriture d'un traité de maximes morales ou politiques, dans une période troublée, marquée pour l'auteur des Ricordi par de graves échecs successifs, François Guichardin parvient à maintenir la tension profondément politique de la rédaction. Ni «otium» solitaire, ni détachement sceptique et pessimiste, le texte des Ricordi devient le vade-mecum d'un homme politique nouveau, gouvernant méritocrate dont l'autonomie pousse à son terme la logique tecnico-pratique de l'autonomie de la politique dévoilée par la révolution théorique machiavélienne. Éclaté et divers - méthode inédite du « particulare » -, le texte doit l'être au nom de la rapide complexification d'une réalité violente ; analytique et décisionnel - matière originale du gouvernement -, le pouvoir d'État le sera au nom des nécessités de l'occasion. Entre la (v. au verso) technique des tâches politiques et les désirs de la volonté, les « ricordi » se déroulent et constituent l'ébauche d'une pensée politique gestionnaire et mercantiliste, radicalement contemporaine, dont le seul critère est l'efficacité. L'auteur glisse ainsi de l'écriture à la politique pour pouvoir passer de la politique au gouvernement.
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean-Louis Fournel
I Ricordi de François Guichardin : de l'écriture à la politique
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 97, N°2. 1985. pp. 897-927.
Résumé
Jean-Louis Fournel, I Ricordi de François Guichardin : de l'écriture à la politique, p. 897-927.
L'article tente de montrer comment, dans l'écriture d'un traité de maximes morales ou politiques, dans une période troublée,
marquée pour l'auteur des Ricordi par de graves échecs successifs, François Guichardin parvient à maintenir la tension
profondément politique de la rédaction. Ni «otium» solitaire, ni détachement sceptique et pessimiste, le texte des Ricordi devient
le vade-mecum d'un homme politique nouveau, gouvernant méritocrate dont l'autonomie pousse à son terme la logique tecnico-
pratique de l'autonomie de la dévoilée par la révolution théorique machiavélienne. Éclaté et divers - méthode inédite du
« particulare » -, le texte doit l'être au nom de la rapide complexification d'une réalité violente ; analytique et décisionnel - matière
originale du gouvernement -, le pouvoir d'État le sera au nom des nécessités de l'occasion. Entre la
(v. au verso) technique des tâches politiques et les désirs de la volonté, les « ricordi » se déroulent et constituent l'ébauche d'une
pensée politique gestionnaire et mercantiliste, radicalement contemporaine, dont le seul critère est l'efficacité. L'auteur glisse
ainsi de l'écriture à la politique pour pouvoir passer de la politique au gouvernement.
Citer ce document / Cite this document :
Fournel Jean-Louis. I Ricordi de François Guichardin : de l'écriture à la politique. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome.
Moyen-Age, Temps modernes T. 97, N°2. 1985. pp. 897-927.
doi : 10.3406/mefr.1985.2827
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1985_num_97_2_2827HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE
JEAN-LOUIS FOURNEL
/ RICORDI DE FRANÇOIS GUICHARDIN* :
DE L'ÉCRITURE À LA POLITIQUE
Les Ricordi de François Guichardin sont un de ces textes de la pro
duction littéraire bien difficiles à classer. L'auteur ne désira pas sa publi
cation. Le titre de l'ouvrage est apocryphe et lui a été donné par Giovanni
Canestrini, érudit florentin qui, au siècle dernier avait entrepris une édi
tion des œuvres inédites de l'auteur1. Nous pouvons rapporter les diffé
rents états du texte à une période qui s'étend sur vingt années, de 1510 à
1530, en remarquant que les variantes d'une rédaction à l'autre sont aussi
nombreuses que significatives. «Libro segreto»2 à tous égards, l'ouvrage
n'en dut pas moins affronter une tradition critique qui conduisit le plus
souvent à mal évaluer sa portée politique et théorique. Le «Risorgimento»
de Francesco De Sanctis et la fascination qu'exerce sur la critique et sur
la philosophie italienne son illustre compatriote Machiavel ont ainsi trop
souvent réduit Guichardin au statut d'épisode de par l'absence d'un projet
politique séduisant.
En effet, le lecteur assidu des Ricordi est confronté à un texte qui
met en défaut toute tentative de synthèse de cette entreprise politique et
littéraire. Dans le même temps elle se présente comme le produit d'une
tentation autobiographique (mais comment un quelconque lyrisme pourr
ait-il naître de cette structure éclatée?) qui justifie le titre de Canestrini
(«Souvenirs»), de notations politiques (mais comment un projet «civique»
pourrait-il s'accommoder du « particulare » guichardinien ?) et de remar
ques moralisantes (mais comment expliquer alors le trop fameux cynisme
* L'édition que nous avons utilisée est celle qui a été établie par Raffaelle
Spongano (Florence, 1951, p. 345). Dans notre travail il faut comprendre «ricordo
n° X » de la dernière rédaction quand on lit C X ou X ; mais il faut comprendre
«ricordo n° X» de l'avant-dernière rédaction quand on lit Β Χ.
'Cf. Opere inedite, a cura di Giovanni Canestrini, Florence, 1857-1867, en 10
volumes.
2 Expression utilisée par Ridolfi dans sa biographie de l'auteur. Cf. R. Ridolfi,
Vita di Francesco Guicciardini, Milan, 1982, p. 241.
MEFRM - 97 - 1985 - 2, p. 897-927. JEAN-LOUIS FOURNEL 898
de l'auteur?). Il devient dès lors difficile d'enfermer les «Ricordi» dans
une lecture univoque.
Opuscule écrit au beau milieu d'une période de crise aiguë qui culmi
ne avec le sac de Rome, le 6 mai 1527, il est impossible d'y suivre l'habi
tuel discours de la raison politique qui célèbre le rite de la prochaine
recomposition politique du corps social. Texte anomal, il se situe au-delà
de la généralisation qu'il écarte au nom de ses insuffisances à rendre
compte de la complexité du Réel. Les Ricordi veulent mettre en scène ce
Réel polymorphe grâce au concept de «particulare» et à un sens aigu de
la limite. Ils désirent intégrer Γ« extraordinaire », nouveau mot récurrent
dans les traités politiques, et la «crise» comme des constantes de tout sys
tème politique. En se fondant sur un pessimisme constructif et engagé il
s'agit de gérer une situation problématique au lieu de recourir à la litanie
de l'annonce de son dépassement.
La question alors n'est plus d'être ou non d'accord avec une telle
optique mais d'en faire une description phénoménologique pour com
prendre l'enjeu d'une discussion autour des Ricordi. Le pouvoir politique
pour un Guichardin n'est pas tant à conquérir, problème secondaire, qu'à
gérer. À ce moment naît le véritable homme politique, seule réalité polit
ique crédible dans la crise générale des valeurs du système hérité du
Moyen Âge et de la première Renaissance.
Nous ne voulons pas, par là même, négliger le célèbre «particulare»
guichardinien. En effet quand on parle de gestion il faut un gestionnaire;
quand on parle d'homme politique il faut tracer le portrait de l'homme
qui convient, et François Guichardin est convaincu d'être cet homme là.
En possession du pouvoir de décision et des nouvelles techniques de gou
vernement, il sait profiter des «occasioni», autre terme récurrent, qu'of
fre parfois un monde devenu incontrôlable. L'auteur pense ainsi peut-
être la naissance d'un nouveau type d'intellectuel, qui ne peut se conce
voir que comme homme politique.
Les Ricordi, et nous essaierons de le démontrer, peuvent avoir alors
une double fonction : réponse à une crise politico-militaire grâce à la
concentration des pouvoirs exécutifs dans les mains d'hommes politiques
nouveaux, ce livre veut aussi apporter une solution à la crise du statut de
l'intellectuel de la Renaissance d'érasmienne mémoire.
Aventure intellectuelle qui mêle pessimisme et confiance dans cer
tains dirigeants, cynisme et optimisme, froideur d'analyste et enthousias
me de militant, perspectives personnelles et civiques, les «ricordi» échap
pent à tout compte rendu synthétique. Ils acceptent la contradiction au
nom de la ductilité de tout «animal politique», surtout quand il s'agit d'un
gouvernant. / RICORDI DE FRANÇOIS GUICHARDIN 899
UNE NOUVELLE POSITION ÉPISTÉMOLOGIQUE
Le nouveau rapport au monde
La dialectique du couple «virtù »-«fortuna», lieu commun des traités
politiques du début du seizième siècle, ne naît pas avec Guichardin. Mais
il est intéressant de constater que l'évolution du rapport entre les deux
termes n'est pas indifférente à la vision du monde de François Guichard
in. Dans un premier temps favorable à la «virtù», le parallèle penche de
plus en plus vers la «fortuna» au fur et à mesure qu'entre en crise la
pensée de la Renaissance. Le Réel semble toujours plus insaisissable et
l'homme doit se contenter d'une position plus défensive. Il ne
peut plus se couler dans l'attitude conquérante de l'être sûr de son savoir
et de sa maîtrise sur l'univers. La réévaluation du rôle de la «fortuna»,
engagée avec Machiavel, s'accélère avec Guichardin.
L'auteur des Ricordi part d'une affirmation d

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