Illusions de la transparence, ambiguïtés de l information. Remarques sur la mondialisation des communautés éphémères - article ; n°76 ; vol.14, pg 111-122
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Illusions de la transparence, ambiguïtés de l'information. Remarques sur la mondialisation des communautés éphémères - article ; n°76 ; vol.14, pg 111-122

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Description

Réseaux - Année 1996 - Volume 14 - Numéro 76 - Pages 111-122
En ces temps de communications transnationales où la diffusion accrue des images paraît menacer les régimes totalitaires et où une nouvelle conscience planétaire semble éclore, quels sont les effets réels de la télévision sur les publics nationaux et sur leurs dirigeants politiques? A travers l'examen de la couverture médiatique de la guerre du Golfe et de quelques autres conflits, l'article défend l'idée que, loin d'être débordés par les nouveaux circuits d'information, les gouvernants de la plupart des États-nation apprennent peu à peu à gérer ces dispositifs à leur profit de manière restrictive, sans que les publics semblent beaucoup s'en formaliser. L'évocation de drames humanitaires récents dont les journalistes ont largement rendu compte conduit à une réflexion sur la double émergence de communautés mondiales de bien-informés pouvant partager, à titre éphémère, les mêmes préoccupations, et de formes de complicité passive liées à une banalisation des images de souffrances lointaines. Par ailleurs, tout ce qui échappe au champ des caméras semble aujourd'hui sujet à caution, en vertu d'une illusion de transparence qui est loin de toujours jouer en faveur de la protection des plus faibles.
At this time of transnational communication in which the intensified broadcasting of images seems to threaten totalitarian regimes and in which a new global awareness seems to be developing, what are the real effects of television on national publics and on their political leaders ? Based on a study of the media coverage of the Gulf War and several other conflicts, the author argues that, far from being helpless in the face of these new information channels, the governments of most nation-states are gradually learning to turn these devices to their own account, in a restrictive way and without much opposition. The recent humanitarian crises which received widespread coverage call for reflection on the dual emergence of global communities of well-informed people who can share the same short-lived preoccupations, and of forms of passive complicity related to the vulgarization of images of distant suffering. Moreover, today everything that escapes the cameras seems to be subject to doubt, by virtue of an illusion of transparency which often does nothing to protect the weakest elements of society.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Todd Gitlin
Marie-Christine Gamberini
Illusions de la transparence, ambiguïtés de l'information.
Remarques sur la mondialisation des communautés éphémères
In: Réseaux, 1996, volume 14 n°76. pp. 111-122.
Citer ce document / Cite this document :
Gitlin Todd, Gamberini Marie-Christine. Illusions de la transparence, ambiguïtés de l'information. Remarques sur la
mondialisation des communautés éphémères. In: Réseaux, 1996, volume 14 n°76. pp. 111-122.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1996_num_14_76_3713Résumé
En ces temps de communications transnationales où la diffusion accrue des images paraît menacer les
régimes totalitaires et où une nouvelle conscience planétaire semble éclore, quels sont les effets réels
de la télévision sur les publics nationaux et sur leurs dirigeants politiques? A travers l'examen de la
couverture médiatique de la guerre du Golfe et de quelques autres conflits, l'article défend l'idée que,
loin d'être débordés par les nouveaux circuits d'information, les gouvernants de la plupart des États-
nation apprennent peu à peu à gérer ces dispositifs à leur profit de manière restrictive, sans que les
publics semblent beaucoup s'en formaliser. L'évocation de drames humanitaires récents dont les
journalistes ont largement rendu compte conduit à une réflexion sur la double émergence de
communautés mondiales de bien-informés pouvant partager, à titre éphémère, les mêmes
préoccupations, et de formes de complicité passive liées à une banalisation des images de souffrances
lointaines. Par ailleurs, tout ce qui échappe au champ des caméras semble aujourd'hui sujet à caution,
en vertu d'une illusion de transparence qui est loin de toujours jouer en faveur de la protection des plus
faibles.
Abstract
At this time of transnational communication in which the intensified broadcasting of images seems to
threaten totalitarian regimes and in which a new global awareness seems to be developing, what are
the real effects of television on national publics and on their political leaders ? Based on a study of the
media coverage of the Gulf War and several other conflicts, the author argues that, far from being
helpless in the face of these new information channels, the governments of most nation-states are
gradually learning to turn these devices to their own account, in a restrictive way and without much
opposition. The recent humanitarian crises which received widespread coverage call for reflection on
the dual emergence of global communities of well-informed people who can share the same short-lived
preoccupations, and of forms of passive complicity related to the vulgarization of images of distant
suffering. Moreover, today everything that escapes the cameras seems to be subject to doubt, by virtue
of an illusion of transparency which often does nothing to protect the weakest elements of society.ILLUSIONS DE TRANSPARENCE,
AMBIGUÏTÉS DE L'INFORMATION
Remarques sur la mondialisation
des communautés éphémères
Todd GITLIN
Réseaux n° 76 CNET - 1996
ni — une force indépendante de toute considéra
tion de politique étrangère. En 1990, Ted
Koppel, un personnage influent de la télévi
sion américaine, a réalisé pour ABC un
documentaire intitulé : « Télévision : la
révolution dans une boîte » (1), avec des
exemples tirés de l'histoire récente du com
munisme. La thèse était qu'une des princi
pales raisons de l'effondrement de l'autorité
des États communistes fut que la télévision
avait échappé à leur contrôle, et s'était mise
à diffuser des images de liberté en prove
nance d'Allemagne de l'Ouest vers l'All
emagne de l'Est, des nouvelles de de l'Est vers la place Tian'anmen, et
ainsi de suite.
Il existe de bonnes raisons d'attribuer des
effets contestataires à la télévision lors de
l'écroulement du communisme ; on peut
C'est un cliché, un des préférés des imaginer que ces effets puissent être de
médias eux-mêmes, que de dire que nouveau mobilisés à l'occasion d'autres
le projecteur des médias - des mouvements contre des États autoritaires. Il
informations télévisées en particulier - a en va de même pour la radio et la musique
transformé la façon dont les gens voient le populaire. Reste à savoir si, dans le
contexte plus « normal » des sociétés industmonde ; qu'il a retiré à l'État autoritaire
les moyens de contrôler sa politique exté rielles, l'État-nation est réellement en train
rieure et a, en ce sens, ébranlé un puissant de perdre le contrôle de cette puissante res
facteur de nationalisme : le monopole de source que constitue l'opinion publique. Ou
Г État-nation sur la force des images. En plus précisément si, dans l'hypothèse où il
tête des idées répandues sur l'effet de la perdrait le contrôle de la conscience des
télévision ressort celle d'un effet de mond catégories sociales les plus sensibles aux
ialisation spécifique : l'idée que, grâce à médias, il en perdrait pour autant son apti
CNN et ses imitateurs, il s'est créé, ou est tude à maîtriser l'orientation de sa politique,
en train de se créer, une conscience planét voire sa capacité de faire la guerre. Or cet
aire qui dépasse les particularismes natio ébranlement de l'État est loin d'être évi
naux et cultive un nouvel universalisme. dent. A vrai dire, la seule chose évidente
Mieux encore, on entend çà et là procla depuis la fin de la guerre froide, c'est que le
mer l'existence d'un nouvel espace public monde est désormais organisé de manière à
planétaire, qui reposerait sur la télévision permettre à la fois le déroulement de nomb
transnationale comme l'État-nation reuses guerres et la transmission d'images
moderne reposait sur la presse nationale. de celles-ci. Si une conscience planétaire
On entend beaucoup parler de cet « effet existe, elle s'accommode aussi bien des
CNN » - la crainte formulée par des dir guerres que des images. Le monde où des
igeants et des journalistes de prestige (ou images d'atrocités sont si largement dispo
l'espoir de la part de certains idéalistes) nibles est aussi un monde à qui manque la
que, quel que soit l'endroit où CNN choi volonté ou les institutions nécessaires pour
sira de braquer ses caméras, c'est là qu'aura arrêter la guerre. C'est, en d'autres termes,
lieu l'événement de la semaine, avec une un monde où la guerre entre certains est un
opinion publique prête à se mobiliser en spectacle pour d'autres.
(1) « Television : Revolution in a Box » ; jeu de mot sur the box, nom familier de la « télé », NdT.
113 — Je voudrais soulever la question des fut-elle la cause de cette chute de popular
effets de la télévision sur divers types de ité ? Le soutien à la guerre du Viêt-nam
guerres et de souffrances collectives - sur s'est affaibli à peu près au même rythme
que le soutien à la guerre de Corée, qui ne les connaissances et les attitudes du public,
et sur le comportement des dirigeants. fut ni télévisée ni l'objet d'une opposition
L'étude des effets est, bien sûr, une affaire active. Or il se trouve que le pourcentage
des pertes américaines a augmenté à peu délicate, et je ne peux guère espérer contri
buer de manière importante au débat en près au même rythme dans les deux cas,
jusqu'à atteindre un ordre de grandeur cours sur la de les évaluer. Je vou
drais ici tenter quelque chose de moins similaire (en Corée, environ 30 000 Amér
icains sont morts en trois ans ; au Viêt- ambitieux : l'examen de quelques-unes des
caractéristiques de la plus récente des nam, environ 58 000 en dix ans). Est-il
grandes guerres télévisées, la guerre du besoin d'aller chercher plus loin une cause
Golfe, puis, à titre préliminaire, l'explora immédiate de baisse de popularité du
tion d'un type d'« effet » particulier - conflit que l'ampleur des pertes - améri
l'émergence de communautés éphémères caines et non vietnamiennes, bien sûr ?
de préoccupations et de complicité. Peut-on objecter que les conséquences
de la diminution du soutien de l'opinion Quel

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