Kant, les Lumières et la Révolution française - article ; n°1 ; vol.104, pg 49-59
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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1992 - Volume 104 - Numéro 1 - Pages 49-59
Jean Ferrari, Kant, les Lumières et la Révolution française, p. 49-59. En cette année du Bicentenaire, le jugement porté par Kant sur la Révolution française mérite l'attention. C'est en effet celui d'un témoin qui, quelques années plus tôt, a appelé de ses vœux l'avènement des Lumières par de progressives réformes et se trouve confronté à un événement inouï, d'une brutalité imprévisible, qui bouleverse l'histoire des peuples européens. Il s'interroge alors, non sur l'événement lui-même dont il condamne sans appel les excès, mais sur la manière dont ses contemporains jugent la Révolution française. Il y voit le signe d'un progrès moral de l'humanité qui donne un sens à toute l'histoire humaine.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 40
Langue Français

Extrait

Jean Ferrari
Kant, les Lumières et la Révolution française
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 104, N°1. 1992. pp. 49-59.
Résumé
Jean Ferrari, Kant, les Lumières et la Révolution française, p. 49-59.
En cette année du Bicentenaire, le jugement porté par Kant sur la Révolution française mérite l'attention. C'est en effet celui d'un
témoin qui, quelques années plus tôt, a appelé de ses vœux l'avènement des Lumières par de progressives réformes et se
trouve confronté à un événement inouï, d'une brutalité imprévisible, qui bouleverse l'histoire des peuples européens. Il s'interroge
alors, non sur l'événement lui-même dont il condamne sans appel les excès, mais sur la manière dont ses contemporains jugent
la Révolution française. Il y voit le signe d'un progrès moral de l'humanité qui donne un sens à toute l'histoire humaine.
Citer ce document / Cite this document :
Ferrari Jean. Kant, les Lumières et la Révolution française. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T.
104, N°1. 1992. pp. 49-59.
doi : 10.3406/mefr.1992.4197
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1992_num_104_1_4197JEAN FERRARI
KANT, LES LUMIÈRES
ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Kant, dont on s'accorde à reconnaître qu'il est à l'origine de notre mod
ernité, non seulement a participé, d'une manière très personnelle, au
mouvement des Lumières, mais a été un témoin privilégié de la Révolution
française, un témoin certes éloigné puisqu' il n'a jamais quitté Königsberg,
où il est né en 1724 et est mort en 1804, mais cet éloignement géographique
ne l'a pas empêché d'éprouver le plus vif intérêt pour les événements qui se
passaient en France et sur lesquels il porte un jugement qui mérite d'être
rappelé en cette année du Bicentenaire.
Kant, en effet, n'est pas seulement l'auteur des Trois Crìtiques. Ce phi
losophe qu'on juge abstrait, dont on étudie surtout la pensée théorique, a
développé une anthropologie, une philosophie du droit, une philosophie de
l'histoire qui s'inscrivent dans l'immense effort de réflexion mené au XVIIIe
siècle sur la nature de l'homme et les progrès de l'humanité, appelé Lu
mières en France, Illuminismus en Italie, Aufklärung en Allemagne. Or les
Lumières ont préparé les esprits aux idéaux qui allaient être ceux de la Ré
volution française. «Les philosophes» du XVIIIe siècle ont accompli à cet
égard un travail critique qui a permis, tant dans le domaine du savoir que
dans celui de la politique, une prise de conscience et une libération : par
eux l'homme occidental a découvert ses droits et mieux mesuré ses pouv
oirs. Par eux le statut du sujet obéissant et soumis aux autorités rel
igieuses et au pouvoir royal a été ébranlé. La conscience de la citoyenneté a
été éveillée.
Il n'est donc pas indifférent d'évoquer ce double rapport de Kant d'a
bord à la philosophie des Lumières qui est celle de son siècle, ensuite à la
Révolution française qui se réclame de la première, même si elle en dé
passe très largement les ambitions et, dans son déroulement, en contredit
quelques-uns des principes. Or ces deux aspects de la pensée kantienne
sont illustrés dans deux textes fort courts.
Le premier, Réponse à la question : qu'est-ce que les Lumières?, parut
en 1784, cinq ans avant le début de la Révolution française. Le second est
tiré du Conflit des facultés, publié 14 ans plus tard, en 1798, alors que la der-
MEFRIM - 104 - 1992 - 1, p. 49-59. 4 50 JEAN FERRARI
nière phase de la Révolution française, le Directoire, touchait à sa fin et
qu'il devenait possible de porter sur elle un regard d'ensemble.
L'opuscule sur les Lumières répond à une question posée par un pas
teur berlinois, Johann Friedrich Zöllner, dans un article consacré à la poss
ibilité du mariage civil. Il s'y effrayait des abus possibles des Lumières.
«Avant de vouloir éclairer, disait-il, il faut savoir ce que sont les Lumières,
cela je ne l'ai trouvé nulle part. Qu'est-ce donc que Γ Aufklärung?»1. Cette
question s'inscrivait dans un débat, né quelques années plus tôt, auquel
Kant n'avait pas pris part, parce que, plus proche des Lumières françaises
que celles de son propre pays, il n'était pas considéré en Allemagne comme
un véritable «Aufklärer».
Rien n'est plus divers en effet que les Lumières, même si les philo
sophes qui s'en réclament ont en commun quelques grands principes
comme ceux de privilégier le rôle de la raison dans les affaires humaines,
de combattre l'injustice, d'instaurer la tolérance.
Ainsi en Allemagne, au moment où Kant répond à la question du Pas
teur Zöllner, un authentique «Aufklärer», Moses Mendelssohn, écrit lui
aussi un petit texte sur le sujet, très différent de celui de Kant. L'homme,
affirme-t-il, n'est pas seulement un animal connaissant, il faut le considérer
dans sa totalité vivante, ne pas mettre entre parenthèses sa situation histo
rique, son métier, ses traditions religieuses qu'il convient de traiter avec
respect. «L' Aufklärer, écrit Mendelssohn, ami de la vertu, devra agir avec
prudence et circonspection et plutôt supporter les préjugés que d'en rejeter
la part de vérité qui s'y trouve si étroitement liée. . . La tolérance à l'égard
des préjugés est préférable à l'abus des Lumières qui conduit à l'affaibliss
ement du sentiment moral, à l'irréligion et à l'anarchie»2. Telle est l'attitude
des Lumières allemandes3, trop souvent oubliée, parce que l'opuscule de
Kant est considéré à tort comme la charte de l'Aufklärung alors qu'il est un
manifeste en faveur de sa propre philosophie4.
Kant, en effet, sans s'embarrasser des divers sens du mot et du pro
blème qu'a fait naître la question, saisit l'occasion pour définir l'esprit et les
exigences du criticisme, libéré de tout l'appareil conceptuel et réduit à sa
1 Was ist Aufklärung? Beiträge aus der Berlinischen Monatschrift, wissenschaft
liche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1973, p. 107-116.
2 Op. cit., p. 444-451.
3 Yvon Belaval a pu intituler un bref article très suggestif sur la question :
L'Aufklärung à contre-Lumières, dans Archives de philosophie, 42,4, p. 631-634.
4 Réponse à la question : qu'est-ce que «les Lumières»'?, dans Kant, La philosophie
de l'histoire, traduction S. Piobetta, Paris, 1947, p. 46-55. LES LUMIÈRES ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE 5 1 KANT,
seule fonction critique. L'esprit de l'Aufklärung se définit alors par le pens
er par soi-même et la confiance absolue en une raison audacieuse dont
l'exercice implique l'ouverture d'un espace de liberté pour la parole philo
sophique.
«Qu'est-ce que les Lumières? écrit Kant, au début de son opuscule, La
sortie de l'homme de sa minorìté, dont il est lui-même responsable. Minorité,
c'est-à-dire incapacité de se servir de son entendement sans la direction
d'autrui, minorité dont il est lui-même responsable puisque la cause en ré
side non dans un défaut de l'entendement, mais dans un manque de déci
sion et de courage de s'en servir sans la direction d'autrui. Sapere audel Aie
le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des
mières»
Le propos de Kant se développe ensuite à travers une série d'opposit
ions, d'abord entre ceux qu'il appelle les tuteurs et le peuple qui s'y sou
met, par faiblesse6, puis entre l'individu pour lequel il est très difficile de
sortir du commode asservissement aux institutions et aux formules et le
public capable de s'éclairer peu à peu de lui-même lorsque ses tuteurs sont
eux-même éclairés7, enfin entre l'usage public et l'usage privé de la raison8.
Lorsqu'il pose en effet la liberté comme seule condition du passage de
la mino

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