L attentat d Anagni - article ; n°1 ; vol.60, pg 153-179
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L'attentat d'Anagni - article ; n°1 ; vol.60, pg 153-179

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Description

Mélanges d'archéologie et d'histoire - Année 1948 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 153-179
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1948
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

R. Fawtier
L'attentat d'Anagni
In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 60, 1948. pp. 153-179.
Citer ce document / Cite this document :
Fawtier R. L'attentat d'Anagni. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 60, 1948. pp. 153-179.
doi : 10.3406/mefr.1948.7346
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1948_num_60_1_7346L'ATTENTAT D'ANAGNI
PAR
M. Robert Fawtier
de l'Institut
Ancien membre de l'École
Une des difficultés que rencontre l'historien en se penchant sur
le passé est d'apprécier à leur juste valeur les événements. Quand
je dis leur juste valeur, j'entends la que leur ont attribuée
les contemporains, les seuls directement affectés par l'événement.
L'attentat d'Anagni2 nous en fournit un excellent exemple.
Les manuels s'accordent pour raconter que, sur l'ordre du roi de
France Philippe le Bel, le 7 septembre 1303, un conseiller de ce roi,
Guillaume de Nogaret, descendant d'hérétiques, serait entré dans
la ville d'Anagni, où séjournait alors le pape Boniface VIII en conf
lit avec le souverain de la France, se serait emparé de la personne
du pontife, l'aurait insulté, fait frapper par les gens de son escorte
et, deux jours plus tard, le 9 septembre, devant une révolte des
habitants de la ville, aurait dû s'enfuir honteusement, le pape ayant
été délivré par les Anagnîotes. _ Jt
Les sources qui nous renseignent sur cet événement sont fort
nombreuses. M. Holtzmann les a énumérées et critiquées dans sa
1 Conférence faite au Palais Farnese le 17 décembre 1947.
* Le récit classique de cet événement demeure celui qu'a fait Ernest ■[
Renan, dans sa notice sur Guillaume de Nogaret, légiste, publiée dans
l'Histoire littéraire de la France, t. XXVII, 1877, in-4°, p. 233-371. Il
est bon de signaler le caractère tendancieux de cet exposé. Renan, hos
tile à toute violence, a pris parti pour le pape. 154 R. FAWTIER
biographie de Guillaume de Nogaret x. Il a fini par retenir comme
particulièrement valables : le récit anonyme que l'on trouvait alors
dans les chroniques de l'abbaye de Saint-Albans* ; un autre texte,
transcrit sur le feuillet de garde d'un manuscrit de la bibliothèque
de Grenoble 8, également anonyme ; le témoignage de la chronique
d'Orviéto* ; enfin, celui des Storie Pistoriesi5. En outre, M. Holtz-
1 Robert Holtzmann, Wilhelm çon Nogaret, Rat und Grossiegelbe
wahrer Philipps des Schönen von Frankreich, Freiburg in B., 1898, in-8°,
p. 66-74.
* Éd. Liebermann, dans M. G. H. SS., t. XXVIII, p. 622-628.
8 Bibl. de Grenoble, ms. U. 926 [1 30], fol. 1 , éd. G. Digard, dans Reçue
des Questions historiques, t. XLIII, 1888, p. 559-560, n. 1. Il est extr
êmement difficile de savoir ce que représente ce fragment, transcrit sur
un feuillet de garde du manuscrit Qu'il y ait à l'origine un fragment
de lettre donnant les nouvelles, cela est possible, mais nullement certain.
La fin même du texte qui nous a été conservé est troublante : « Multa
alia facta et dicta fuerunt que in hoc libro non sunt scripta. » De quel
livre s'agit-il? On peut, toutefois, en conclure que la copie qui nous est
parvenue n'a pas été faite sur l'original même de la lettre qui serait à
l'origine de cette relation. Mais il n'est pas certain qu'il y ait eu une lettre
à l'origine. On doit remarquer que le récit est fort peu détaillé et que
rien n'indique l'œuvre d'un témoin oculaire.
4 Cronica Urbevetana, éd. L. Fumi, en appendice aux Ephemerides
Urbevetanae, dans Ital. RR. SS. (éd. in-4°), t. XV, 5, p. 202-203. L'ori
gine même de ce texte reste entourée d'obscurité. C'est, en réalité, une
courte biographie de Boniface Vili, à la fois bienfaiteur et malfaiteur
d'Orvieto, avec une tendance à insister sur le second caractère. Le récit
des événements de septembre 1303 est peut-être, est probablement même,
emprunté à une source plus ancienne, mais il est difficile de préciser le
véritable caractère de cette source que nous ne connaissons, si l'on peut
dire, que par personne interposée.
5 Storie Pistoriesi, éd. S. A. Barti, dans Ital. RR. SS. (éd. in-4°),
t. XI, 5, p. 238-239. Il s'agit là d'un chapitre ajouté, avec un autre, à
une chronique qui atteint l'année 1348, et cela dans un manuscrit daté
du 22 décembre 1396. Il suffit, pour apprécier la valeur de ce document,
d'y relever que Nogaret nous est présenté comme un capitaine de la cour
du pape ; que Philippe le Bel lui donne l'ordre de mettre à mort Boni-
face VIII, « en lui promettant de le mettre en grand état ainsi que tous
les siens et tous ceux qui s'y emploieraient » ; que l'attaque a lieu la nuit,
de peur que le peuple d'Anagni ne s'y oppose ; que le palais du pape est
ouvert aux conjurés par trahison ; enfin, que Rinaldo da Supino et les l'attentat d'anagni 155
mann a utilisé Villani * et ce sont les mêmes textes qu'a repris, pour
composer son récit de l'affaire, M. Boase, dans son livre sur Boni-
face VIII a.
Tous ces historiens et tous ceux qui ont été amenés à s'occuper
de ces événements n'ont pas remarqué un phénomène assez sur
prenant.
L'attentat d'Anagni s'est produit à une époque pour laquelle
notre documentation est assez considérable. C'est, en effet, le temps
où les rois, où les puissances ont l'habitude de se faire renseigner
sur ce qui se passe dans les cours par des agents curieux et dévoués.
La cour de Rome, carrefour mondial déjà à cette époque, est natu
rellement un point d'observation particulièrement recherché et les
gouvernements, tout comme certaines entreprises privées, y ont
des observateurs. Les rapports de ceux-ci ont survécu, tout au
moins en partie. Il est curieux de constater que les Archives de
Barcelone, si riches et si bien exploitées, ne nous aient livré aucun
compte rendu des événements de septembre 1303 par l'un de ces
agents que le roi d'Aragon entretenait à la Curie 8. Il est également
étonnant que le fonds de Γ Ancient Correspondance, au P. R. O. de
Londres4, ne nous révèle également rien sur l'attentat fait contre
le pape. Il est, enfin, curieux que les archives italiennes, publiques
autres capitaines sont faits prisonniers par le peuple d'Anagni et déli
vrés par... Boniface Vili. Il paraît inutile d'insister.
1 Cronica di Giovanni Villani, t. Ili, Firenze, 1823, in-8°, p. 107-110
(lib. VIII, c. Lxiii):
3 T. S. R. Boase, Boniface VIII, London, s. d. [1933] {Makers of the
Middle Ages), p. 341-353.
8 On sait que les rapports de ces agents ont été publiés par Heinrich
Finke, Acta Aragonensia, 1. 1, Berlin, 1908, in-8°, pour la période qui nous
intéresse, et aussi dans les pièces justificatives de son livre Aus den Ta
gen Bonifaz VIII, Münster in W., 1902, in-8° (t. II des Vorreformations-
geschichtliche Forschungen), p. vhi-lxviii.
* Ch.-V. Langlois, à l'époque où il s'occupait du temps de Philippe le
Bel, a fouillé, à ce point de vue, cet important fonds d'archives. Des éru-
dits anglais ont fait de même. Toutes ces recherches n'ont rien donné,
du moins en ce qui concerne les événements de septembre 1303. ^ '
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156 R. FAWTIER
et privées, ne nous aient fourni aucune lettre des agents des grandes
banques italiennes sur ces événements *.
Il est difficile d'imaginer qu'il aurait été procédé à des destruc
tions systématiques pour faire disparaître jusqu'au souvenir de ce
sacrilège. L'explication la plus raisonnable ne serait-elle pas que
l'importance de l'événement n'est apparue que beaucoup pluie tard
et que, pour les contemporains, il s'est agi d'une tentative banale
et infructueuse d'enlèvement du pape.
Sans doute, l'Alighieri, dans un tercet fameux a, a vu « dans Ana-
gni entrer la fleur de lis et le vicaire du Christ fait prisonnier » ;
mais il écrivait nombre d'années après, il était poète et il n'est pas
absolument certain qu'en écrivant ses vers il ait attaché à l'év
énement une importance si grande8. On serait tenté de le croire
quand on songe que Nogaret, l'auteur de l'attentat, ne réside dans

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