L entrée des Grands Turcs dans le Museo de Paolo Giovio - article ; n°2 ; vol.104, pg 781-830
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1992 - Volume 104 - Numéro 2 - Pages 781-830
Guy Le Thiec, L'entrée des Grands Turcs dans le «Museo» de Paolo Giovio, p. 781-830. Étudiant la série de onze portraits de souverains ottomans présents dans le Museo de P. Giovio (1483-1552), le 11e portrait, celui d'un frère de Mehmet Ier, mentionné par P. Giovio et jamais retenu depuis, est identifié grâce à la copie possédée par l'archiduc Ferdinand de Tyrol, à Ambrass. La présence de ces portraits de sultans dans une collection italienne est justifiée par leur virtù de viri illustres, fondement de la collection, et le précédent constitué par Tamerlan dans les fresques de uomini famosi. Enfin, invoquant la formation de médecin du collectionneur, l'auteur met en lumière l'emploi de la physiognomonie comme véritable critique d'art, et s'appuyant sur le manuel de Pietro d'Abano, tente de dégager dans le discours giovien le tempérament soit tyrannique prêté à certains sultans, soit équilibré, bien moins fréquent.
50 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Guy Le Thiec
L'entrée des Grands Turcs dans le Museo de Paolo Giovio
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 104, N°2. 1992. pp. 781-830.
Résumé
Guy Le Thiec, L'entrée des Grands Turcs dans le «Museo» de Paolo Giovio, p. 781-830.
Étudiant la série de onze portraits de souverains ottomans présents dans le Museo de P. Giovio (1483-1552), le 11e portrait,
celui d'un frère de Mehmet Ier, mentionné par P. Giovio et jamais retenu depuis, est identifié grâce à la copie possédée par
l'archiduc Ferdinand de Tyrol, à Ambrass. La présence de ces portraits de sultans dans une collection italienne est justifiée par
leur virtù de viri illustres, fondement de la collection, et le précédent constitué par Tamerlan dans les fresques de uomini famosi.
Enfin, invoquant la formation de médecin du collectionneur, l'auteur met en lumière l'emploi de la physiognomonie comme
véritable critique d'art, et s'appuyant sur le manuel de Pietro d'Abano, tente de dégager dans le discours giovien le tempérament
soit tyrannique prêté à certains sultans, soit équilibré, bien moins fréquent.
Citer ce document / Cite this document :
Le Thiec Guy. L'entrée des Grands Turcs dans le Museo de Paolo Giovio. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et
Méditerranée T. 104, N°2. 1992. pp. 781-830.
doi : 10.3406/mefr.1992.4233
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1992_num_104_2_4233GUY LE THIEC
L'ENTRÉE DES GRANDS TURCS
DANS LE «MUSEO» DE PAOLO GIOVIO
Dans l'histoire des collections de peintures italiennes, l'une reste singu
lièrement inaperçue, malgré son ampleur au cœur du XVIe siècle : celle du
Museo de Paolo Giovio (1483-1552), connu sous le nom de Paul Jove dans
la tradition des études françaises. Sa villa de Borgovico, à proximité de
Corne et sur les bords du lac, abritait à sa mort plus de trois cent cinquante
portraits d'hommes célèbres dénommés, dans la culture du temps, uomini
illustri. Le souvenir de cette collection, entreprise à partir des années 1520
mais dispersée depuis, doit beaucoup aux travaux critiques de la fin du
siècle dernier : ceux de Friedrich Kenner et d'Eugène Muntz1, interrom
pant le silence qui avait succédé à l'engouement initial pour le Museo, l'un
par une monographie fameuse consacrée à cet édifice, l'autre dans l'étude
des copies autrichiennes situées au château d'Ambrass, près d'Innsbruck.
Enfin, un nouveau catalogue de cette curieuse «galerie» de portraits ayant
été réalisé à l'occasion du colloque Paolo Giovio2, il semble que l'on puisse
envisager des études détaillées de cette collection. La série des onze port
raits de sultans ottomans nous a ainsi retenu : série incluse dans l'e
nsemble des portraits d'Orientaux défini par Kenner3.
Groupe de turcs dont on connaît la provenance, mais dont l'i-
1 F. Kenner, Die Porträtsammlung des Erzherzogs Ferdinand von Tirol, dans
Jahrbuch der Kunsthistorischen Sammlungen des allerhoechsten Kaiserhauses, he
rausgegeben unter Leitung des Oberstkaemmerers seiner kaiserlichen und königlichen
apostolischen Majestät Hugo Grafen von Abensperg und Traun vom Oberstkämmerer-
Amte, 1893, 1894 et 1898, t. XIV, XV et XIX; E. Muntz, Le musée de portraits de Paul
Jove, contributions pour servir à l'iconographie du Moyen Âge et de la Renaissance,
dans Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 36, 2e partie, 1900,
p. 249-343.
2 Grâce à l'étude de M. Bruno Fasola, Per un nuovo catalogo della collezione gio-
viana, dans Paolo Giovio, il Rinascimento e la Memoria, Atti del Convegno, Corno, 3-5/
06/1983, Còme, 1985, p. 169-180.
3F. Kenner, Die Porträtsammlung..., art. cit., t. XIX, p. 6-146, p. 98.
MEFRIM - 104 - 1992 - 2, p. 781-830. 782 GUY LE THIEC
dentité est encore imprécise. Par leur éloignement inévitable, certaines caté
gories culturelles nous sont, par ailleurs, devenues trop étrangères pour ne
pas nous surprendre : n'y avait-il aucun scandale pour un collectionneur ita
lien, alors qu'une partie de la chrétienté était en guerre contre les Turcs, à
conserver dans son Museo des portraits «ennemis», les hommes illustres
d'Occident y côtoyant ceux d'Orient? À mi-chemin entre le premier siège de
Vienne de 1529 et la bataille de Lépante (1571), des sultans turcs semblent
avoir partagé la même virtù guerrière que Charles Quint ou Andrea Doria :
comment l'évêque de Nocera, Paolo Giovio, a-t-il si aisément franchi ce que
nous tenons pour une barrière religieuse? Le chercheur enfin a une chance
inouïe : ce collectionneur humaniste souhaitait offrir à la vue et à la délecta
tion des gentilshommes sa collection de portraits; pris par le temps, il ne put
leur offrir de son vivant que les textes se trouvant sous chaque tableau, des
elogia, comme on les dénommait alors4. Témoignages essentiels pour découv
rir le regard porté sur les souverains de l'imperìo ottomano par ce familier
des papes Léon X et Clément VII, ami des princes Médicis et Farnese5.
4 Cette œuvre publiée se présente en deux parties, l'une consacrée aux elogia
d'hommes de lettres, l'autre comportant ceux d'hommes illustres de virtù guerrière,
Paolo Giovio, Elogia veris clarorum virorum imaginibus apposita. Quae in Musaeo
Ioviano Comi spectantur. Addita in calce opens Adriani Pont, vita, Venise, 1546; 2°, 4
fnc, 102 ff. eh., index (sans portraits gravés); et ... Elogia virorum bellica viriate illus-
trium veris imaginibus supposita, quae apud musaeum spectantur. Volumen digestum
est in septem lïbros, Florence, L. Torrentini, 1551; 2°, 340 p., index, (sans portraits
gravés). Les éditions comportant les gravures de la plupart des portraits conservés à
Còme ne virent le jour qu'en 1571, d'après M. R. Meregazzi : Pauli Jovii Novocomen-
sis Episcopi Nucerini Elogia virorum literis illustrium, quotquot vel nostra vel avorum
memoria vixere, ex eiusdem Musae (cuius descriptionem unà exhibemus) ad vivuum
expressis imaginibus exornata., pour les hommes de lettres, et Pauli Jovii Novo-
comensis Episcopi Nucerini Elogia virorum bellica virtute illustrium septem libris jam
ohm ab authore comprehensa et nun ex eiusdem Musae ad vivum expressis imaginibus
exornata., pour les hommes de guerre, toutes à Bâle, chez Petrus Perna, 2° (R. Mereg
azzi (éd.), Elogia, 1972, p. 19, t. Vili de Società storica comense (dir.), Pauli Iovii
opera, Rome, 8 vol. parus 1956-19...). N'ayant pas pu localiser à ce jour d'exemplaire
de cette édition, nous n'avons consulté que celles de 1575-1577 : Pauli Jovii ... Elogia
virorum bellica virtute illustrium, septem libris jam olim . . . comprehensa, et nunc . . .
imaginibus exornata, 2°, 3 ff. n. eh., 391 p. index, fig.; et Pauli Jovii Elogia virorum l
iteris illustrium, quotquot vel nostra, vel avorum memoria vixere, . . . imaginibus exor
nata, 2°, 3 ff. n. eh., 149 p., index, fig., toujours à Bâle, chez Petrus Perna. Nous cite
rons l'éd. de 1575 en référence, pour le texte latin.
5 Cette étude s'inscrit dans un cadre plus vaste : un doctorat portant sur les r
eprésentations iconographiques de l'empire ottoman dans les cultures française et
italienne, de 1453 à 1625, sous la direction de Mme Ariette Jouanna. des grands turcs dans le «museo» de paolo giovio 783 l'entrée
L'entrée des Ottomans dans le «Museo»
Origines
La provenance des portraits de souverains ottomans ayant appartenu à
P. Giovio a été rappelée par E. Muntz6, citant le témoignage du collection
neur lui-même; leur présence en Italie est une conséquence de l'alliance,
pour certains scandaleuse, du roi très-Chrétien François Ier, avec le sultan
des Turcs, Soliman le Magnifique. La flotte de celui-ci, durant l'été 1543,
vint en effet assiéger Nice, ville du duc de Savoie allié de Charles Quint7, au
temps de l'affrontement des maisons de Valois et Habsbourg. Sur mer, le
corsaire Khayr al-Dîn, Barberousse8, amiral de la flotte ottomane à la tête
d'une centaine de navires; du côté français, sur terre, le jeune comte d'Eng-
hien9 commandant des opérations et, en capitaine général des flottes du
Levant, un gentilhomme italien de la famille des Orsini, Virginio dell'An-
guillara10, passé au service du roi, comme marin condottiere. Ce noble ro-
6 E. Muntz, op.

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