La combine contre le marché dans l informatique japonaise : les déterminants d une spécialisation volontaire - article ; n°1 ; vol.55, pg 63-83
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La combine contre le marché dans l'informatique japonaise : les déterminants d'une spécialisation volontaire - article ; n°1 ; vol.55, pg 63-83

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Description

Revue d'économie industrielle - Année 1991 - Volume 55 - Numéro 1 - Pages 63-83
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Louis Perrault
La combine contre le marché dans l'informatique japonaise : les
déterminants d'une spécialisation volontaire
In: Revue d'économie industrielle. Vol. 55. 1er trimestre 1991. pp. 63-83.
Citer ce document / Cite this document :
Perrault Jean-Louis. La combine contre le marché dans l'informatique japonaise : les déterminants d'une spécialisation
volontaire. In: Revue d'économie industrielle. Vol. 55. 1er trimestre 1991. pp. 63-83.
doi : 10.3406/rei.1991.1351
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_1991_num_55_1_1351JEAN-LOUIS PERRAULT
CERETIM/GERDIC,
Université de Rennes
LA COMBINE CONTRE LE MARCHÉ
DANS L'INFORMATIQUE JAPONAISE
LES DÉTERMINANTS
D'UNE SPÉCIALISATION VOLONTAIRE
C'est par un bien étrange exemple que John Meynard Keynes illustre sa
conception des forces de la concurrence pure dans un discours au Parti Libér
al en 1927. Il rapporte que, lors de la visite d'un asile d'aliénés, un de ses amis
s'était inquiété du faible nombre de gardiens capables de surveiller de très nom
breux malades mentaux. « Oh, répondit un gardien, lunatics never combine » (1).
Mais, le mot "combine" prend, en anglais, un sens différent de celui rencontré
en français où la combine constitue un moyen déloyal pour arriver à ses fins. Le
terme anglais signifie conjugaison ou association de forces et se traduit également
par entente industrielle, cartel ou trust. Il rejoint ainsi la notion soviétique de "comb
inat" (1949) ou groupement de plusieurs industries connexes.
Concernant le Japon, Michel Drancourt évoque le premier texte juridique japo
nais, rédigé en 614 par le prince Shokoku et dont l'amorce est le précepte : « II
faut honorer l'harmonie » (2). Alors que les pays occidentaux s'immergent défi
nitivement dans le dogme économique anglo-saxon, hérité d'Adam Smith, la doc
trine confucéenne façonne les rapports économiques japonais. En outre, observe
Christian Sautter, les réformateurs de Meiji ont recherché en Prusse « d'utiles ins
pirations » et en ont rapporté la philosophie politique de Friedrich List qui a ins
piré le « développement en vol d'oies sauvages » de Kaname Akamatsu (1937)
(3). « La philosophie d'ensemble est que le consensus dirigé contre l'extérieur est
préférable aux règles classiques de la concurrence » (4). Mais il y a là un « mariage
dynamique des contraires, entre interne et protection externe, entre
(1) Industry, Economy, Currency and Trade in the Collected Writings of John Maynard Keynes, The
Return to Gold and Industrial Policy, Vol. XIX, Part II, Macmillan, Cambridge, 1981, p. 643.
(2) Michel Drancourt « L'économie volontaire », Odile Jacob, Paris, 1989, 548 p., p. 88.
(3) Christian Sautter « Les dents du géant », Olivier Orban, Paris, 1987, 323 p., pp. 128-129.
(4) Michel Drancourt, op. cit., p. 88.
REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 55, 1er trimestre 1991 63 rivalité brutale et coopération cordiale » (5). En fait, les conciliabules et les arran
gements sous-tendent la pratique concurrentielle. Le "combining" apparaît alors
comme un comportement ordinaire du Gouvernement et des entreprises. Mais,
les nations occidentales lui redonnent son sens français lorsqu'elles portent un juge
ment sur la politique industrielle japonaise car elles l'évaluent en fonction d'une
doctrine qui leur est propre et que nous appellerons rapidement ici le paradigme
walrassien. Le système de lois au moyen duquel les Américains tentent de domest
iquer la concurrence repose sur trois législations l'Antitrust Act, l'Antidumping
Act et les Countervailing Duty Laws. Ces lois peuvent empêcher, avance Jean
Esmein, l'établissement d'entreprises équivalentes aux États-Unis et au Japon (6).
Dès lors, « il faudrait un concours de circonstances inattendu pour que soient remp
lies à la fois les conditions de convergence de points de vue entre le Gouverne
ment et les milieux d'affaires, et de compatibilité avec les autres systèmes de lois
sur le commerce » (7). Il en a résulté des conflits récurrents entre les acteurs japo
nais et la communauté internationale dont nous allons chercher une illustration
dans l'industrie informatique.
L'informatique est assurément la branche qui a le plus contribué à la croissance
de l'industrie électronique depuis le début des années soixante. Inexistante à l'issue
de la Seconde Guerre Mondiale, elle s'insère brutalement dans les structures indust
rielles des pays développés (8). D'abord réservés à des grands utilisateurs, selon
des critères définis par le producteur dominant, International Business machines
Corp. (IBM), les ordinateurs n'ont cessé de se diffuser et d'évoluer, comme la
micro-informatique, caractéristique des années quatre- vingt, en témoigne.
Quant au Japon, il est parvenu dès 1961 et s'est maintenu depuis à la deuxième
place dans l'industrie électronique mondiale. Mais, quelques années plus tard, en
1964, son parc d'ordinateurs dépasse celui de chaque pays européen puisque, avec
1 583 machines, il détient 6 °/o du parc mondial, très loin derrière les États-Unis
(76 °/o du parc), c'est vrai, mais néanmoins deuxième. Le marché japonais et la
technologie informatique constituent deux enjeux stratégiques qui peuvent expli
quer pourquoi l'informatique et les semi-conducteurs, accouplés sous le nom de
joho sangyo ou industries de l'information, furent les secteurs où l'action gou
vernementale fut la plus appuyée au Japon. En effet, dès 1954, les producteurs
japonais s'adressent au MITI pour les aider à développer une industrie nationale.
A cette époque, IBM et Sperry-Rand (Univac) se partagent le marché mondial
et on estime à 80 % la part du marché japonais détenu alors par IBM. Le MITI
organise, en 1955, un Comité de Recherche sur l'Ordinateur, sorte de lobby auprès
des politiciens. En 1956, la Diète vote la Loi sur les Mesures Temporaires pour
le Développement des Industries Mécaniques, puis, en 1957, la Loi Provisoire
le des Électroniques. Un des atouts essentiels de ces
lois est de fournir des financements à long terme et à faible coût pour faciliter
le développement de nouvelles technologies industrielles grâce à la Banque de Déve-
(5) Christian Sautter, op. cit., p. 131.
(6) << Pax Nipponica » in Jean Esmein (sous la dir.). « Les bases de la puissance du Japon », Collège
de France, Paris, 1988, 348 p., pp. 254-255.
(7) « Les bases de la puissance nationale » in Jean Esmein, 1988, op. cit., p. 28.
(8) Voir, par exemple, Marc Humbert et Jean-Louis Perrault « La catharsis électronique : prospect
ive et rétrospective d'une industrie mondiale », Gerdic, Rennes, 1989, 328 p.
64 REVUE D'ÉCONOMIE INDUSTRIELLE — n° 55, 1er trimestre 1991 loppement du Japon. En outre, la loi de 1957 exemptait la plupart des industriels
de l'électronique de l'application de la loi anti-monopole. Mais, avant tout, l'indust
rie a profité de la législation générale sur les échanges de marchandises et de
capitaux.
L'objet de cet article est de présenter la démarche adoptée par les acteurs japo
nais dans l'acquisition de la maîtrise des techniques de l'informatique depuis la
Seconde Guerre Mondiale. Ce que Philippe Saucier qualifie de modèle de mer
cantilisme conquérant (9). En laissant de côté, faute de place, les tactiques dans
le domaine des logiciels, des superordinateurs et de la micro-informatique, nous
verrons que les statistiques des échanges internationaux ne nous offrent que des
informations limitées sur l'état véritable de cette industrie au Japon (I). Les mesures
de politiques industrielles envisagées vont s'appuyer sur des institutions déjà éta
blies (II) et vont emprunter des moyens ordinaires (III) et originaux (IV) pour fon
der le rattrapage des producteurs japonais. Ce dernier point acquis, la lecture som
maire des stratégies des groupes pourra nous expliquer les variations de la balance
commerciale japonaise.
I. - LES RÉVÉLATIONS LIMITÉES DES STATISTIQUES DU COMMERCE
INTERNATIONAL
Que nous enseignent les données sur les échanges internationaux de matériels
informatiques ?
L'informatique participe d'une manière sensiblement croissante aux échanges
mondiaux, surtout depuis 1980. La base CHELEM du CEPII fait é

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