La haute magistrature sous Vichy - article ; n°1 ; vol.49, pg 45-62
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Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1996 - Volume 49 - Numéro 1 - Pages 45-62
The high bench under Vichy, Alain Bancaud.
Studying the judiciary under the Vichy regime makes it possible to understand its judicial policy, with inherited characteristics in its professional organization as well as innovations linked to the regime's ideology and to the German occupation. Judicial appointments and the judges' position with respect to the executive were complex and contradictory, combining dependence and distance vis-à-vis current events. The judiciary knows how to adapt to political events and lessen novelty so as to make it part of its own continuity. That is what judges call judicial independence from politics.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 41
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alain Bancaud
La haute magistrature sous Vichy
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°49, janvier-mars 1996. pp. 45-62.
Abstract
The high bench under Vichy, Alain Bancaud.
Studying the judiciary under the Vichy regime makes it possible to understand its judicial policy, with inherited characteristics in
its professional organization as well as innovations linked to the regime's ideology and to the German occupation. Judicial
appointments and the judges' position with respect to the executive were complex and contradictory, combining dependence and
distance vis-à-vis current events. The judiciary knows how to adapt to political events and lessen novelty so as to make it part of
its own continuity. That is what judges call judicial independence from politics.
Citer ce document / Cite this document :
Bancaud Alain. La haute magistrature sous Vichy. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°49, janvier-mars 1996. pp. 45-62.
doi : 10.3406/xxs.1996.3483
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1996_num_49_1_3483LA HAUTE MAGISTRATURE
SOUS VICHY
Alain Bancaud
On sait combien les principes démoc que. Ce qui conduit à se demander si
ratiques insistent sur l'importance de Vichy met en œuvre ou non un nouveau
la séparation des pouvoirs, en particul mode de gestion de la magistrature. En
ier celle du judiciaire et du politique. même temps que l'on appréhendera la
On sait aussi combien les principes nature et les formes de l'intervention du
sont fragiles et la «justice de classe» politique, on remarquera que le corps
facile à fustiger. Alain Bancaud choisit judiciaire obéit à des règles corporatives
Vichy, cas exemplaire pour réfléchir et symboliques que Vichy, tout en cher
aux rapports complexes du pouvoir et chant à en limiter les effets, est obligé de
de la magistrature. prendre en compte et qui amènent les
juges eux-mêmes à participer à leur repro
Vichy a-t-il produit une nouvelle élite duction et à se poser de manière spécifi
judiciaire? La réponse à cette interro que dans l'histoire.
gation doit permettre d'avancer Par élite judiciaire, on entend les direc
dans la compréhension de la politique teurs de la Chancellerie, ceux que l'on
judiciaire de l'État français mais aussi des appelle traditionnellement dans la magist
mécanismes d'adaptation de la magistra rature «les chefs de la cour», c'est-à-dire
ture à l'histoire et à ses changements. Elle les premiers présidents et les procureurs
conduit également à mieux appréhender généraux de la Cour de cassation et
la question des continuités historiques ou des cours d'appel ainsi que les chefs
encore celle de l'autonomie de l'État et du tribunal de la Seine et les prési
du droit par rapport au politique. La dents de chambre de la Cour de cassa
magistrature est en effet ambivalente et tion. Soit, pour la métropole, entre juil
doit gérer ces antinomies. On a affaire à let 1940 et août 1944, 89 magistrats pour
un corps qui représente une continuité 62 postes 1.
dans le changement politique mais aussi
à un régime qui organise le changement
dans la continuité professionnelle. De la
même manière, la haute magistrature sous
1. Ce travail, qui s'inscrit dans une recherche plus large Vichy est aussi la de
menée avec C. Bachelier, D. Peschanski et H. Rousso, s'appuie Vichy. Car, selon la tradition française, le sur les dossiers personnels des magistrats se trouvant dans la
série B 3101-3580 des Archives nationales (AN). corps judiciaire est dépendant du
45 La moitié des chefs de cour sous Vichy O DES HÉRITIERS DE LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE
l'étaient auparavant. Quant aux nouveaux
Vichy ne renouvelle pas le corps judi promus, dont plusieurs avaient déjà été
ciaire ni ne bouleverse le mode de pro proposés pour de telles fonctions sous la
duction de l'élite judiciaire: la haute Troisième République, ce sont tous des
magistrature de la Troisième République héritiers légitimes du corps et, plus pré
a formé et continue de former la haute cisément, de sa hiérarchie. Tous sont de Vichy. D'abord, l'épurat notés par leurs supérieurs comme de très
ion, pourtant non négligeable (209 magist bons magistrats méritant d'accéder aux
rats sont sanctionnés, sur lesquels 41 plus hautes fonctions judiciaires; magist
seront réintégrés), effleure à peine la rats «de valeur exceptionnelle», «hors de
haute magistrature: sur l'ensemble de pair», «d'élite», «du petit nombre de ceux
notre échantillon, elle ne touche qu'un qu'il convient de réserver pour des postes
premier président de province, deux pro élevés», qu'il serait bon, «dans l'intérêt de
cureurs généraux dont celui de la Cour la magistrature, d'amener le plus tôt pos
de cassation et le procureur du tribunal sible à ses hauts postes». La Chancellerie
de la Seine1. Quant aux voies nouvelles a ainsi le souci de promouvoir des magist
d'intégration dans la magistrature que rats repérés, tout au long de leur carrière,
Vichy inaugure, elles ont suscité très peu comme excellents, c'est-à-dire, en raison
de candidatures; des nouveaux intégrés du système hiérarchique en vigueur,
donnent même leur démission rapide comme des magistrats ayant bénéficié de
ment, insatisfaits qu'ils sont des condi l'initiation et de la caution de leurs chefs.
tions financières offertes. Vichy ne reméd Signe de cette attention, le seul magistrat
ie pas à la dévalorisation matérielle pour lequel son chef immédiat émet des
traditionnelle de la magistrature qui décou réserves doit faire intervenir les recom
rage les vocations et fera comparer rétro mandations les plus hautes et les plus
spectivement la rémunération judiciaire au insistantes (celles répétées de deux memb
«SMIC de la bourgeoisie». Mais surtout, res du cabinet de Laval et celle de la
les voies nouvelles d'intégration ne veuve d'un ancien président de la Répub
concernent quasiment pas les sommets de lique) pour parvenir à se faire nommer
la justice et, quand c'est le cas, elles tou procureur général dans une petite cour
chent des magistrats dotés de caractéris de province2.
tiques très proches de celles de leurs Sans doute certains des promus ne sont
pairs. On trouve un fonctionnaire de la pas les candidats privilégiés de leurs supér
Chancellerie, sous-directeur avant juin 1940, ieurs directs ou bénéficient d'avancement
nommé directeur des Affaires criminelles ne respectant pas les règles traditionnelles
puis conseiller à la Cour de cassation ; un de l'ancienneté; la Chancellerie recourt
bâtonnier, promu président d'un tribunal même à une loi nouvelle pour faire nom
en 1940 et premier en juin 1944, mer à la Cour de cassation un directeur
qui avait été magistrat et reçu premier à des affaires criminelles devant l'opposi
l'examen d'entrée à la magistrature ; enfin, tion de son premier président faisant
un fonctionnaire du Sénat, ancien magist valoir que le magistrat en cause ne remp
rat, réintégré dans les cadres de la lissait pas une condition légale (six mois
rature et nommé directeur du personnel d'exercice dans une juridiction). Dérogat
en 1943. ion toutefois unique et sans effet polit
ique ou, plutôt, avec effet négatif: quittant 1. C. Bachelier, D. Peschanski, -L'épuration de la magistra
ture sous Vichy-, dans L'épuration de la magistrature de la
Révolution à la Libération, Paris, Loysel, Association française
pour l'histoire de la justice, 1994, p. 103 et suiv. 2. AN, B 3107.
46 LA HAUTE MAGISTRATURE SOUS VICHY
un poste de direction stratégique pour d'une enquête préfectorale et d'une attes
une fonction anonyme éloignée des tation des chefs de cour. Mais le républi
enjeux politiques immédiats, le magistrat canisme de la haute magistrature est aussi
connaît une promotion-marginalisation. et surtout professionnel, ainsi qu'en
témoignent là encore les appréciations Sans doute, fait exceptionnel, des chefs
de cour provinciaux sont-ils nommés à la des chefs judiciaires et des préfets. Cette
tête des juridictions parisiennes. Mais ces dernière s'est construite et a été construite
promotions concernent des magistrats sur le loyalisme républicain par les poli
qui, s'ils n'étaient pas toujours destinés à tiques de la Tr

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