La notion d interaction en linguistique : origine, apports, bilan - article ; n°1 ; vol.117, pg 51-67
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La notion d'interaction en linguistique : origine, apports, bilan - article ; n°1 ; vol.117, pg 51-67

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Description

Langue française - Année 1998 - Volume 117 - Numéro 1 - Pages 51-67
Catherine KERBRAT-ORECCHIONI, The concept of interaction in linguistics: its origins, contributions and results We will first mention a number of reasons concerning why interactive orientations were so long to take hold in France. We will then touch upon some innovations that this new orientation has introduced as regards the object of analysis (prime importance of oral discourse in dialogue), the methodology (exclusively data- driven) and the facts considered relevant in the analyzed corpus. The study will end with an attempt to draw conclusions of the impact of interactive orientation on linguistic studies.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 92
Langue Français
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Extrait

Mme Catherine Kerbrat-
Orecchioni
La notion d'interaction en linguistique : origine, apports, bilan
In: Langue française. N°117, 1998. pp. 51-67.
Abstract
Catherine Kerbrat-Orecchioni, The concept of interaction in linguistics: its origins, contributions and results
We will first mention a number of reasons concerning why interactive orientations were so long to take hold in France. We will
then touch upon some innovations that this new orientation has introduced as regards the object of analysis (prime importance of
oral discourse in dialogue), the methodology (exclusively data-driven) and the facts considered relevant in the analyzed corpus.
The study will end with an attempt to draw conclusions of the impact of interactive orientation on linguistic studies.
Citer ce document / Cite this document :
Kerbrat-Orecchioni Catherine. La notion d'interaction en linguistique : origine, apports, bilan. In: Langue française. N°117, 1998.
pp. 51-67.
doi : 10.3406/lfr.1998.6241
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1998_num_117_1_6241Catherine KERBRAT-ORECCHIOM
Groupe de Recherches sur les Interaelions Communicalives,
CM RS-Univcrsité Lumière Lyon 2
LA NOTION D'INTERACTION EN LINGUISTIQUE :
ORIGINES, APPORTS, BILAN
connais aussi analysés « J'ai rarement, observé peu que d'aussi peu la ou de conversation difficiles du sujets moins, aussi à traiter aussi ; évidents et, superficiellement comme vraiment, qui il aient le j'en fauété
drait, ni sur lesquels il y ait autant à dire » (J . Swift, in
A. Morellct, 1995, p. 101)
« On étonne toujours un peu, les conversationalistes.
Des linguistes m'ont dit : "Pourquoi donc continuent-ils
à faire des recherches sur les conversations, alors qu'on
sait d'avance ce qu'ils ont à trouver ?" » (L. Quéré,
1985, p. 73)
Savoureux paradoxe : en 1710, l'auteur des Voyages de Gulliver se montre
plus perspicace que bien des linguistes contemporains au sujet de ce qui devrait
pourtant constituer pour eux un objet de prédilection : la conversation. Car il y
a certes beaucoup de choses à dire sur cet objet, et quiconque s'est aventuré sur
cette terre qui jusqu'à une période récente restait quasiment inexplorée sait quels
fabuleux trésors elle recèle, et des plus insoupçonnables \
D'une part, il semble difficile de contester le fait que « parler c'est intera
gir » (J. Gumperz) ; que « l'interaction verbale est la réalité fondamentale du
langage » (M. Bakhtine 2), et qu'on ne saurait donc espérer comprendre la
véritable nature de ce langage sans porter une attention minutieuse et exigeante
aux moyens qu'il met en œuvre pour parvenir à ses fins communicatives. Mais
d'autre part, il est tout aussi incontestable que telle n'a pas été la préoccupation
majeure de la linguistique moderne, en dépit des vigoureux rappels d'un
Bakhtine, d'un Jakobson ou de quelques autres 3.
Il convient donc en premier lieu de s'interroger sur les raisons qui font que
la linguistique a mis tant de temps à prendre au sérieux ce fait difficilement
contestable, que le langage verbal a pour fonction première de permettre la
1. Nous avons constitué cette année une escouade d'étudiants chargés de décrire le fonctio
nnement des échanges dans divers types de magasins. Au retour de leur exploration de leurs corpus
respectifs, tous ont eu ce cri du cœur : « ça alors, je n'aurais jamais cru que ça se passait comme
ça ! »
2. Ou V. Volochinov, ou quelque autre membre du « Cercle de Bakhtine », dont le discours
sur la polyphonie est lui-même comme on sait d'essence polyphonique...
3. Voir Les interactions verbales t. I, p. 12 et 56-7.
51 communication interpersonnelle dans les diverses situations de la vie quoti
dienne ; ce qui implique que pour appréhender l'objet-langue, il faut d'abord
s'intéresser à ses réalisations en milieu naturel, c'est-à-dire analyser de très près,
sur la base d'enregistrement de données « authentiques », le fonctionnement
d'échanges langagiers effectivement attestes. Or curieusement, il a fallu attendre
en France les années 1980 pour voir certains linguistes recourir systématique
ment à cette pratique descriptive, qui reste encore du reste minoritaire 4.
1 . Une implantation tardive
Les raisons de ce qui peut apparaître comme une sorte de dénégation de la
vocation communicative du langage sont évidemment diverses. Passons sur les
considérations d'ordre strictement technologique : l'invention du magnétophone
ne date pas d'hier — cet engin propre à provoquer en linguistique « une révolu
tion comparable à celle du microscope » dans d'autres domaines scientifiques,
d'après ce que prophétisait Raymond Queneau... en 1955 5 ! Rappelons cette
« évidence » et cette « difficulté » conjuguées qu'évoque Swift, et qui caractéri
sent en effet les conversations quotidiennes, lesquelles sont tout à la fois perçues
comme triviales, et soupçonnées d'être d'une effroyable complexité (quand elles
ne sont pas carrément admises comme échappant par leur caractère par trop
insaisissable et anarchique à toute tentative de théorisation) : bref, le coût
descriptif qu'elles exigent serait très excessif au regard du piètre prestige dont
elles jouissent. Évoquons enfin quelques facteurs explicatifs attenant à l'histoire
locale de notre discipline, ou plutôt des différentes disciplines concernées par la
notion d'interaction :
• En France, la linguistique est fille de la philologie (pour qui la langue n'existe
guère qu'à travers un corpus de textes écrits). Tradition passablement mise à mal
au tournant de ce siècle par le raz-de-marée structuraliste — mais l'héritage
saussurien ne s'est guère montré lui non plus favorable à l'interactionnisme,
ramenant la langue à un système décontextualisé, et s'intéressant surtout à ses
réalisations écrites (alors que le Cours de linguistique générale affirme et la
primauté de l'oral, et le caractère social de la langue : l'histoire est bien connue,
elle ne laisse pas moins d'étonner).
• En France toujours, la sociologie de ce siècle est essentiellement marquée par
les conceptions de Durkheim, qui sont elles aussi assez éloignées des préoccupat
ions interactionnistes 6. Aux Etats-Unis à l'inverse, se développe et s'affirme au
cours des années 1920-1930, au sein du département de sociologie de l'université
4. Sauf évidemment dans certains domaines spécialisés, comme la dialectologie ou la socio-
linguistique.
5. In Bâtons, chiffres et lettres, p. 88.
6. A la différence des conceptions de son adversaire malchanceux, que l'on redécouvre
aujourd'hui, G. Tarde — voir sur cette question Chiss et Puech 1997, pp. 107-128.
52 de Chicago, une tout autre tradition, celle de l'« interactionnisme symbolique »,
dont E. Goffman, puis les ethnométhodologues H. Sacks et E. S chegloff (fonda
teurs de l'« analyse conversationnelle ») seront les héritiers directs 7.
• Pour ce qui est de Г anthropologie , de V ethnologie et de Г ethnographie, deux
choses méritent à cet égard d'être signalées 8 :
— Ala différence là encore de ce qui s'est passé outre-Atlantique (dévelop
pement au début des années 1960 de l'« ethnographie de la communication »,
encore aujourd'hui fort vivace alors que ce courant est chez nous quasiment
inexistant), l'ethnologie à la française, fortement marquée par le structuralisme
de Lévi-Strauss, a privilégié certains types de phénomènes culturels comme les
systèmes de parenté, les mythes et les rites (envisagés dans leurs formes les plus
« cérémonielles »), mais elle ne s'est guère intéressée aux différentes formes —
qui sont pourtant elles aussi « ritualisées », au sens quelque peu étendu que
Goffman donne à ce terme — que peut prendre la communication interpersonn
elle dans les divers types de sociétés humaines.
— En outre, l'ethnologie s'est pendant longtemps préoccupée uniquement
de sociétés « exotiques » (à tous égards « éloignées »). Depuis peu toutefois, cette
« ethnologie de Tailleurs » a vu se constituer à ses côtés une « ethnologie de
l'ici », ou tout du moins du « proche » 9, l'&#

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