La socialisation politique à l'école, du Tour de France de deux enfants aux manuels 1977 - article ; n°1 ; vol.44, pg 71-82

Yveline Fumat

Description

Revue française de pédagogie - Année 1978 - Volume 44 - Numéro 1 - Pages 71-82
Il semble que l'enfant d'aujourd'hui n'est pas moins intégré à une certaine société, ni moins assujetti à une certaine idéologie que l'enfant de la IIIe République. Mais le développement du capitalisme a nécessité de nouvelles attitudes et modalités d'intégration.
Political socialization at school from the « Tour de France » of two children to 1978 schoolbooks. — It seems that children from nowadays are not less integrated in a kind of society nor less submitted to a kind of ideology than the Third Republic children. But capitalism development has required new attitudes and modes of integration.
La socialización política en la escuela, desde « La vuelta a Francia de dos niños », a los monnaies de 1978. — Parece que el niño de hoy no esta menos integrado en tal sociedad ni menos sometido a tal ideologia que el niño de la IIIa Republica. Pero el desarrollo del capitalismo ha necesitado nuevas actitudes y modalidades de integración.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_FRANCAISE_DE_PEDAGOGIE
• Publié le: 01 janvier 1978
• Nombre de lectures: 224
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Mme Yveline Fumat
La socialisation politique à l'école, du "Tour de France de deux
enfants" aux manuels 1977
In: Revue française de pédagogie. Volume 44, 1978. pp. 71-82.
Résumé
Il semble que l'enfant d'aujourd'hui n'est pas moins intégré à une certaine société, ni moins assujetti à une certaine idéologie que
l'enfant de la IIIe République. Mais le développement du capitalisme a nécessité de nouvelles attitudes et modalités d'intégration.
Abstract
Political socialization at school from the « Tour de France » of two children to 1978 schoolbooks. — It seems that children from
nowadays are not less integrated in a kind of society nor less submitted to a kind of ideology than the Third Republic children. But
capitalism development has required new attitudes and modes of integration.
Resumen
La socialización política en la escuela, desde « La vuelta a Francia de dos niños », a los monnaies de 1978. — Parece que el
niño de hoy no esta menos integrado en tal sociedad ni menos sometido a tal ideologia que el niño de la IIIa Republica. Pero el
desarrollo del capitalismo ha necesitado nuevas actitudes y modalidades de integración.
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Fumat Yveline. La socialisation politique à l'école, du "Tour de France de deux enfants" aux manuels 1977. In: Revue française
de pédagogie. Volume 44, 1978. pp. 71-82.
doi : 10.3406/rfp.1978.1663
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1978_num_44_1_1663au travail » ou de « mégissier travaillant à assouplir une
peau »... Il est bien évident qu'aucun d'entre eux n'oserait
écrire : « Ce qu'il y a de plus beau au monde, c'est la
charité du pauvre » ou encore : « Voulez-vous mériter la
confiance de ceux qui ne vous connaissent pas ? travaillez.
LA SOCIALISATION On estime toujours ceux qui travaillent ». Mais dès lors
comment parlent-ils justement des rapports sociaux ou du POLITIQUE A L'ECOLE travail ? Quels sont les nouveaux modèles diffusés ?
DU « TOUR DE FRANCE
DE DEUX ENFANTS » |. — « FRANCE AIMÉE, NOUS SOMMES TES FILS... »
AUX MANUELS 1977 Le « Tour de France de deux enfants » (1) veut
« rendre la patrie visible et vivante ». Selon l'auteur lui-
même les deux héros du livre ne seront pas des « prome
neurs désintéressés » : le récit place sous leurs yeux
tous les devoirs en exemple. Le voyage est à la fois une
initiation à l'instruction civique, à la morale, mais aussi à
la vie pratique ; il donnera des notions usuelles d'écono
mie, d'industrie et de commerce, d'agriculture ; il parlera
de la science et de ses applications, de la vie des grands
hommes. C'est l'extraordinaire synthèse de toutes ces
notions « groupées sous l'idée de France » qui surprend
un lecteur de notre temps.
Ce qui frappe également dès le début du livre c'est
une connaissance très fine de la psychologie de l'enfant.
Le récit met en scène deux enfants, deux frères de 14 et
7 ans, deux héros « intelligents et courageux » qui vont
quitter la Lorraine quand elle devient allemande après la
guerre de 1870. Il met surtout en scène un rapport fra
ternel : à la protection de l'aîné (« quand tu seras trop las
je te porterai... ») répond toujours la gentillesse du cadet
« La connaissance de la patrie est le fondement de « non non j'ai de bonnes jambes ». Le dévouement réc
toute véritable instruction civique. » iproque, toutes sortes de délicatesses, servent à faire
valoir le courage de l'un comme de l'autre. Les livres de Bruno sont sans doute le meilleur
exemple d'une formation civique liée étroitement aux Mais la mise en scène de ces deux personnages
conditions historiques de son temps et propre cependant peut tout aussi bien incarner pour l'enfant-lecteur sa
à nous faire réfléchir sur les méthodes et les conditions propre ambivalence : le jeune, craintif, doit s'efforcer
actuelles de cet enseignement. La distance critique est de devenir grand et courageux. Les deux frères figurent
maintenant suffisante pour qu'apparaissent clairement les la tension vécue, l'oscillation de l'un à l'autre que ren
buts et les moyens de l'école de la 3* république. Patrio contre tout enfant (2). Le départ des enfants se fait à la
tisme naïf, formules édifiantes, morale démodée? Peut- mort du père — de même manière les « Enfants de
Marcel » commenceront par une « défaillance » du père — être ; une lecture attentive peut montrer toutefois la subt
ilité et la cohérence de cette formation et nous apporter Angoisse, solitude des deux enfants, jetés dans l'obscurité
quelques enseignements. Mais surtout une question ne de la forêt pour rejoindre la France. Peurs ancestrales,
peurs d'abandon : le récit frappe au plus profond, comme peut manquer de surgir : quelle formation donnons-nous,
maintenant ? qu'est devenue l'instruction civique en 1977, les mythes ou les contes de fée. L'enfant-lecteur est jeté
100 ans après la première édition du livre de Bruno ? au plus épais de l'enfance orpheline. Le père, dans un
dernier souffle à murmuré aux enfants le mot « France ». Comment les enfants sont-ils préparés à la vie sociale et
politique? Il est bien évident que nos livres modernes Il faut partir et exaucer sa dernière parole. La par
richement illustrés, très documentés d'histoire-géographie ce dernier soupir est à la fois le vœu du père et le salut
de 6* par exemple ; — manuels réforme Haby 1977 — des enfants ; ce qui est recommandé et ce à quoi l'on
repoussent très loin, dans un passé « rétro » le Tour de recommande. L'objet du devoir (« tu dois aller en France »)
France de deux enfants avec ses images de « dentellière et ce qui protégera de l'abandon (là tu seras accueilli,
71 recueilli). Que la patrie soit, par ces « dernières volontés », encore semble-t-il les traits fantasmatiques à des carac
ce que transmet le père, ce qu'il faut rejoindre pour lui tères plus rigoureux.
obéir, mais aussi ce qui sera havre et refuge, tel est ce Ceci nous conduit à réfléchir plus précisément à qui est subtilement suggéré par l'histoire singulière. l'objectivité des connaissances. La question n'est pas
Faut-il être orphelin pour être patriote ? Non sans simple : l'examen de ces manuels nous montre bien qu'ils
doute. Mais la référence à la volonté du père, l'arrivée en ne sont à proprement parler ni des livres de sciences na
France terre d'asile font comprendre les ressorts du sen turelles, ni des livres d'histoire, ni des livres de géograp
timent patriotique. A travers cette odyssée des deux orphel hie, ni une somme ou un composé des trois. Aucune
ins est recréée la généalogie des transferts. Sur la mort de ces disciplines n'y figure dans sa sécheresse objective
du père se fonde l'exigence de servir la France. Après la mais pour deux raisons qu'il faut bien distinguer : une
mort des pères/mères c'est la patrie qui se substitue à exigence pédagogique ; ce n'est sans doute pas sans ha
ces derniers pour assurer leur protection. bileté qu'une transition est ménagée, pour susciter l'inté
Une série de figures de transition — pères, mères rêt à connaître, entre l'image chargée d'affectivité du
successifs — accompagnent, relaient la transmutation et jeune enfant et l'objet « réel » qu'il faut progressivement
soutiennent le voyage des enfants : la mère Etienne — construire. Le caractère discrètement fantasmatique de
qui bien que pauvre sera charitable — le sabotier (« vous tous les animaux est moins l'indice d'un manque de r
igueur que la marque d'une attention portée aux conditions êtes bon pour nous comme un deuxième père dit André »
— « est-ce que tous les Français ne doivent pas être prêts psychologiques de l'apprentissage.
à se soutenir entre eux ? »). D'autres figures plus inquié Mais on peut distinguer une deuxième exigence : les tantes, ainsi une vieille dame à l'accueil sévère qui paraît connaissances objectives ne sont jamais isolées de leur d'abord se méfier des enfants et dont il faudra mériter la finalité morale ou sociale. Un animal n'est pas seulement