La Troisième République, l’État, l’école : le mouvement ouvrier entre autonomie et compromis - article ; n°1 ; vol.78, pg 27-35
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Matériaux pour l'histoire de notre temps - Année 2005 - Volume 78 - Numéro 1 - Pages 27-35
The law of separation between Church and State, voted in 1905, appears to have been a battle in which the labour movement either trailed behind the republican bourgeoisie in its opposition to clericalism, or remained silent. This article shows that this was not the case. It is based on a close analysis of statistics of pupil attendance at republican schools (secular and free of charge) after schooling was made compulsory by Jules Ferry. It shows the the labour movement was initially suspicious of the Sate, the education system and the Church, but that, when secularism began to be considered as a way of promotion for children from workingclass backgrounds, its investment in the education system changed its attitudes towards it, and contributed to the development of teachers’unionism.
Avant même la séparation de l’Église et de l’État en 1905, l’enseignement est le premier chantier d’une laïcité qui se construit. La question de l’éducation est une illustration des rapports ambivalents qu’entretient le mouvement ouvrier avec la République «bourgeoise» et, plus largement, avec l’État. Il faut attendre en vérité les lendemains de la Première Guerre mondiale pour que les organisations syndicales et politiques du mouvement ouvrier achèvent leur «conversion» laïque, sans pour autant abandonner la préoccupation d’autonomie du social vis-à-vis de l’État.
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 87
Langue Français

Extrait

L
a séparation de l’Église et de l’État consacrée par
la loi de 1905 semble avoir été un combat où le mou-
vement ouvrier avait paru être, soit à la remorque de la
bourgeoisie républicaine dans son opposition au cléri-
calisme, soit silencieux — à l’instar des textes des pre-
miers congrès de la CGT
1
. Puisqu’en 1905 «
de l’éco-
le, la laïcité est remontée au niveau de l’État
2
», la
question scolaire mérite un retour.
Illustratif du «
compromis scolaire sur lequel nous
vivons
3
» est le discours de Jean Jaurès à la Chambre le
3 mars 1904 : «
La République a duré assez longtemps
pour permettre à la bourgeoisie républicaine et au prolé-
tariat de s’apercevoir que, malgré l’antagonisme profond
de classes qui résulte entre la propriété individuelle capi-
taliste et la conception collectiviste et communiste de la
propriété, ils avaient de grands intérêts communs dans le
libre développement de la production […] dans un pays
de libre énergie et de pensée libre. […] S’est constitué au
profit du parti républicain tout entier, de la démocratie
républicaine toute entière, un patrimoine commun de
libertés laïques et d’enseignement rationnel
4
. »
Si la III
e
République apparaît comme un compromis
passé entre les différentes familles de la bourgeoisie
française, où «
la classe ouvrière rejetée, isolée, crainte
et réprimée, représentait la seule lacune sociale du
consensus
», qui «
permet d’assembler la petite bour-
geoisie et la classe ouvrière, voire donne l’occasion à
une partie de la haute bourgeoisie de se classer
«
à
gauche
5
», qu’en est-il dans le syndicalisme ouvrier ?
Au congrès fondateur de la CGT (Limoges,
23-28 septembre 1895), il y a un développement sur
l’exploitation et le travail des enfants mais dans l’ordre
du jour, rien n’est prévu sur l’enseignement. Ce n’est
que dans le rapport de Treicht qu’apparaissent, parmi
les revendications à soumettre aux candidats lors des
élections municipales de 1896, la gratuité des fourni-
tures scolaires et la création de cantines scolaires gra-
tuites
6
. En 1906, au congrès de la « Charte d’Amiens »,
rien n’est dit sur la question scolaire et la laïcité
7
. En
revanche, plus nombreux sont les congrès des bourses
du travail qui en traitent, pour critiquer l’école laïque
(Alger, 1902), et même pour promouvoir des écoles
pour les enfants de militants (Paris 1900)
8
.
Il est vrai que l’école gratuite, obligatoire et laïque,
dite « école de Jules Ferry » a été
une
(parmi plusieurs)
des issues possibles de définition d’un système d’ensei-
gnement, dans un contexte où l’instruction comme la
déchristianisation de la société étaient déjà avancées.
À la veille de 1789, la moitié des garçons et le quart
des filles passent par l’école, placée sous contrôle des
congréganistes et des laïcs de l’Église catholique
9
. En
1839, pour 35 280 communes, il y a 28 913 écoles,
mais dont la plupart sont religieuses : 26 370 catho-
liques, 563 protestantes, 28 israélites
10
. Si en 1829 il y
avait 14 000 communes sans école, elles ne sont plus
que 5 600 en 1837 et 818 en 1863
11
. Tout au long du
XIX
e
siècle, l’instruction progresse, que ce soit pour les
couches populaires par la famille, la religion ou l’éco-
le. En atteste un bon indicateur — du moins pour les
hommes — à savoir les résultats issus des examens de
conscription ; on ne relève qu’une petite minorité
d’illettrés parmi les conscrits : 15 % en 1876, 4,7 % à
la fin du siècle
12
.
1
. Dans le silence
de la recherche, est
incontournable Gérard
Montant
L’École, les
enseignants, la formation
professionnelle et
l’apprentissage dans les
congrès et la presse de la
Confédération générale du
travail de 1895 à 1921,
thèse sciences de
l’éducation, Paris V, 1999.
2
. Roger Labrusse,
La Question scolaire en
France,
Que sais-je ?,
n° 864, Puf, Paris, 1977,
p. 43.
3
. Samuel Johsua,
L’École
entre crise et réfondation,
La Dispute, Paris, 1999,
p. 40.
4
. Jean Jaurès, « L’Église
et la laïcité »
,
in
Cahiers
mensuels Spartacus,
n° 1, 1946. BDIC, S,
pièce 20477.
5
. Jean-Pierre Azema,
Michel Winock,
La III
e
République
,
Calmann Levy, Paris,
1970, p. 124 et 138.
6
. « Naissance de la
CGT »,
Cahiers d’histoire
sociale,
Albin Michel,
Paris, 1995.
7
. Institut CGT
d’histoire sociale,
1906,
le Congrès,
1983.
8
. Gérard Montant,
La CGT, l’école laïque,
les enseignants du public
et la formation
professionnelle.
Positionnement des
origines à 1921
, DEA
sciences de l’éducation,
Paris V, 1995.
9
. Guy Brucy,
Histoire de
la Fen,
Belin, Paris, 2003,
p. 45.
10
. Enquête citée par
André Henry,
Serviteur
d’Idéal,
tome I, « pionniers
et fondateurs », Centre
fédéral Fen/l’Instant, Paris,
1987, p. 70.
11
. Antoine Prost,
L’Enseignement en France,
1800-1967,
Armand
Colin, Paris, 1970
.
12
. Jacques Ozouf, « Le
peuple et l’école, note sur
la démocratisation », in
Mélanges d’histoire
sociale offerts à Jean
Maitron,
Éd. Ouvrières,
Paris, 1976.
La Troisième République,
l’État, l’école :
le mouvement ouvrier
entre autonomie et compromis
Robi MORDER
R
OBI
MORDER
, juriste et politiste, est professeur associé à
l’Université de Reims-Champagne-Ardennes. Il enseigne également
à l’Université de Versailles-Saint-Quentin. Président du Germe
(Groupe d’études et de recherches sur les mouvements étudiants.
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