La vacance comme pathologie de la condition d immigré. Le cas de la retraite et de la pré-retraite - article ; n°1 ; vol.17, pg 11-36
27 pages
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La vacance comme pathologie de la condition d'immigré. Le cas de la retraite et de la pré-retraite - article ; n°1 ; vol.17, pg 11-36

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Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 2001 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 11-36
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Abdelmalek Sayad
La vacance comme pathologie de la condition d'immigré. Le cas
de la retraite et de la pré-retraite
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 17 N°1. Émigrés-Immigrés : vieillir ici et là-bas. pp. 11-36.
Citer ce document / Cite this document :
Sayad Abdelmalek. La vacance comme pathologie de la condition d'immigré. Le cas de la retraite et de la pré-retraite. In: Revue
européenne de migrations internationales. Vol. 17 N°1. Émigrés-Immigrés : vieillir ici et là-bas. pp. 11-36.
doi : 10.3406/remi.2001.1760
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_2001_num_17_1_1760Revue Européenne des Migrations Internationales, 2001 (17) 1 pp. 1 1-36 1 1
La vacance comme pathologie
de la condition d'immigré
Le cas de la retraite et de la pré-retraite
Abdelmalek SAYAD*
L' homme sain ne se dérobe pas devant les problèmes
que lui posent les bouleversements parfois subits de ses
habitudes, même physiologiquement parlant ; il mesure sa
santé à sa capacité de surmonter les crises organiques pour
instaurer un nouvel ordre.
C. Canguillhem, Essai sur plusieurs problèmes concernant
le normal et le pathologique, 1943, p. 123.
L'immigration, en sa forme actuelle, réalise sur la terre d'immigration (c'est-
à-dire au sein de la société d'immigration) un mode de présence très particulier, et,
pour le moins inconfortable, cet inconfort étant partagé par tout le monde.
1) II est partagé par la société d'immigration qui voit s'installer en elle, à
demeure, de manière permanente, presque au même titre que la population nationale,
une population immigrée, c'est-à-dire une population étrangère, qui, idéalement, n'a à
être là qu'à titre provisoire, pour des raisons de travail. C'est toute la vie des
immigrés qui est, directement, pour les travailleurs eux-mêmes, ou indirectement, pour
les membres de leurs familles — ces autres « immigrés », jeunes ou adultes qui sont
comme des « ayants droits » à l'immigration, même quand ils n'ont émigré de nulle
part, en raison de l'immigration du travailleur, cette immigration-ci donnant son sens à
cette immigration-là qui en dérive — , subordonnée au travail, le seul alibi légitime qui
Nous reprenons ici un texte publié par A. Sayad en dans la revue Gérontologie, n° 60, pp. 37-
55. La REMI et les coordinateurs du numéro sont très heureux de pouvoir incorporer à ce
dossier un texte de notre collègue et ami disparu en 1 997, et qui a été en France le premier à
aborder le thème du vieillissement des immigrés Nous remercions la direction de Gérontologie
et Rébécca Sayad de nous y avoir autorisés. 12 Abdelmalek SAYAD
soit de la présence, ici, de l'immigré et aussi, corrélativement et solidairement (car ce
qui est vrai dans un cas l'est aussi dans l'autre cas), de l'absence, là, de l'émigré.
2) Le même inconfort est partagé aussi par la société d'émigration qui voit se
détacher d'elle, pour longtemps (si ce n'est pour toujours), et tels des lambeaux voués à
l'errance, des morceaux entiers d'elle-même (individus et familles), et qui assiste de la
sorte, sans pouvoir en conjurer les effets, à sa véritable décomposition.
3) II est partagé, enfin, et au premier chef, dira-t-on, par les intéressés eux-
mêmes, les émigrés-immigrés qui ne peuvent vivre leur émigration de là et leur
immigration ici, aussi durables soient-elles, que sur le mode du provisoire.
Présence « provisoire » et, corrélativement, absence aussi « provisoire » : c'est
là une attitude généralisée commune à tous les partenaires que le phénomène
migratoire fait se confronter : l'émigration et l'immigration ne peuvent être supportées
ou, en d'autres termes, ne peuvent advenir et se perpétuer que sur la base d'un certain
nombre d'illusions également partagées — illusio et collusio ! — dont la première de
toutes est l'illusion du provisoire, présence et absence « provisoires » et comme par
définition. Si la force de travail, force « brute » peut s'importer et s'exporter ou, pour
dire autrement, si, d'un côté, on importe le surplus de travailleurs (ressortissants
étrangers) dont on a besoin, et, de l'autre côté, on exporte le surplus de travailleurs
disponibles (c'est-à-dire ses propres ressortissants), on ne peut, à proprement parler,
souscrire à un transfert définitif — ce qui se produira inévitablement quand ce transfert
sera consacré politiquement par la naturalisation, c'est-à-dire par l'intégration
politique, forme ultime de toutes les autres intégrations — , dans un cas, d'une partie de
sa population future, les immigrés, et, dans l'autre cas, d'une partie de sa population
actuelle ou de la population qu'on considère en droit comme sienne, les émigrés.
Parce qu'elle est l'illusion la plus manifeste, la plus facile à déceler, celle dont
les immigrés ont, individuellement et collectivement, le plus directement et le plus
immédiatement connaissance et, par suite, le plus clairement conscience — chaque
immigré en fait quotidiennement l'expérience, une expérience tout à la fois effective
(acquise de manière pratique) et affective (éprouvée sur le mode subjectif, celui de la
sensibilité de chacun) — , l'illusion du provisoire dont il est question ici n'est que la
forme la plus expressive de toute une série d'autres illusions corrélatives qui lui sont
indissolublement associées : le séjour « provisoire » (effectivement ou illusoirement
provisoire, la différence importe peu pour l'heure) appelle quelque autre raison
extérieure à lui, qui lui donne du sens, le motif susceptible de donner sens et raison au
séjour de l'immigré (car il est constitué comme étant à la fois la cause première et la fin
dernière du séjour provisoire de l'immigré) est le travail (et pas n'importe quel travail,
le travail qui est socialement assigné à l'immigré). Présence provisoire en droit,
présence qui n'a pas sa fin en elle-même, présence subordonnée au travail dont elle
tient sa raison d'être et la légitimité seconde (et non pas intrinsèque) qui lui est
concédée, la présence de l'immigré devrait cesser (en droit, idéalement) dès lors que
cesse le travail qui en est la raison et la justification ultime.
REMI 2001 (17) 1 pp. 11-36 « vacance » comme pathologie de la condition d'immigré 13 La
Présence étrangère, donc présence provisoire, donc présence qui a sa raison
hors d'elle-même et qui est toute subordonnée à cette raison (le travail) : solidaires
l'une de l'autre, au point de n'être, à la limite, que de la retraduction sous des formes
diversifiées d'une seule et même caractéristique dont elles dérivent toutes, celle-ci
étant au principe de celles-là, toutes ces caractéristiques se retrouvent subsumées dans
cet autre qui en est tout à la fois, le condensé qui les contient toutes et la forme
première qui est à leur origine, à savoir que la présence de l'immigré est une présence
a-politique en tous les sens du terme, une présence qui échappe à l'ordre de la cité et, à
plus forte raison, à l'ordre de la nation. C'est parce qu'il est, en dernière analyse,
étranger à l'ordre de la nation (i.e. à l'ordre politique) que l'immigré ne peut avoir,
selon l'ordre de l'immigration, qu'une présence provisoire, et, partant, une présence
soumise à condition et surdéterminée par la raison ou l'alibi du travail, une
exclue du « politique » lors même qu'elle constitue en elle-même et par elle-même un
fait éminemment politique. Conjuguant leurs effets, politique (domaine dont sont
exclus les immigrés) et politesse impriment à la présence des immigrés une modalité
particulière : elle est une présence « polie », c'est-à-dire neutre1, celle-là qui convient à
ceux qu'on invite chez soi, lors même qu'ils sont des « invités de tous les jours », des
invités appelés à devenir des invités permanents, tout à fait ordinaires — la
«

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