« La vie sémiologique de la langue » : esquisse d une lecture des Notes Manuscrites de Saussure - article ; n°107 ; vol.26, pg 73-83
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« La vie sémiologique de la langue » : esquisse d'une lecture des Notes Manuscrites de Saussure - article ; n°107 ; vol.26, pg 73-83

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Description

Langages - Année 1992 - Volume 26 - Numéro 107 - Pages 73-83
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 32
Langue Français

Extrait

Ioanna BERTHOUD-
PAPANDROPOULOU
« La vie sémiologique de la langue » : esquisse d'une lecture
des Notes Manuscrites de Saussure
In: Langages, 26e année, n°107, 1992. pp. 73-83.
Citer ce document / Cite this document :
BERTHOUD-PAPANDROPOULOU Ioanna. « La vie sémiologique de la langue » : esquisse d'une lecture des Notes
Manuscrites de Saussure. In: Langages, 26e année, n°107, 1992. pp. 73-83.
doi : 10.3406/lgge.1992.1643
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1992_num_26_107_1643Johannes FEHR
CNRS, URA 381
« LA VIE SÉMIOLOGIQUE DE LA LANGUE »
ESQUISSE D'UNE LECTURE DES NOTES MANUSCRITES
DE SAUSSURE
Proscrire la figure, c'est se dire en possession de toutes les vérités,
autrement vous êtes radicalement hors d'état de dire où commence et où
finit une métaphore. ... Ce serait fort beau, si on était un instant
persuadé que ceux qui prêtent ce serment ont la moindre idée de ce à quoi
ils s'engagent. Plus défigures ? Ainsi rien que des termes répondant aux
absolues réalités du langage ? Cela équivaut à dire que les absolues
réalités du langage n'offrent pas de mystère pour les néo-grammairiens,
qu'ils nous les ont dévoilées... (F. de Saussure)
Tout acte de langage produit un excès de cognition, mais il ne peut
jamais espérer savoir, ou connaître, le procès de sa propre production.
Il n'y a jamais assez de savoir pour adéquatement rendre compte de
l'illusion de savoir. (P. de Man)
On trébuche un peu sur cette étrange tournure de « vie sémiologique de la langue »
dans le Cours de linguistique générale où l'on est plus habitué à entendre parler de
« système » ou de « loi ». S'agit-il d'un propos plutôt malencontreux, d'un accident de
surface qui ne touche pas à la substance théorique du Cours ?
Nous tâcherons de répondre ici à cette question. Principalement, en présentant les
textes saussuriens souvent surprenants qui se groupent autour de ces deux notions : « la
sémiologie » et « la vie ». Deuxièmement, en traçant les contours d'une lecture de ces
textes. Il faudra examiner, notamment, si cette configuration textuelle donne accès à
une nouvelle approche de la « sémiologie saussurienne ».
Chemin faisant, nous espérons montrer comment les notes manuscrites de Saussure,
accessibles aujourd'hui à travers différentes publications l, peuvent être utilisées dans
un commentaire du Cours.
« Une seconde vie »
Sauf erreur, ce n'est qu'à une seule occasion que, dans le Cours, Saussure emploie le
terme de « vie sémiologique » en parlant de « la langue ». Essayons d'abord d'en repérer
le contexte argumentatif.
1. Dans cet article, nous nous référerons notamment aux textes suivants :
— Cours de linguistique générale ; édition critique par Rudolf Engler, Wiesbaden 1967 sv., Otto Harassowitz,
cité désormais : CLG/E (I).
— Jean Starohinski : Les mots sous les mots, Les anagrammes de Ferdinand de Saussure, Paris 1971, Gallimard.
— Cours de linguistique générale ; édition critique par Rudolf Engler, tome 2, fascicule 4, Notes de F. de
Saussure sur la générale (BPU Genève), Wiesbaden 1974, Otto Harassowitz, cité désormais :
CLG/E (II).
— Aldo Prosdocimi : « Sul Saussure délie leggende germaniche », dans : Cahiers Ferdinand de Saussure 37,
1983, p. 35-106.
73 Dans le chapitre intitulé Immutabilité et mutabilité du signe, Saussure évoque les
phénomènes linguistiques que la supposition d'un système de signes différentiels et
arbitraires permet d'expliquer. Tel, par exemple, le phénomène de l'évolution des
langues dans le temps : Si « la langue s'altère, ou plutôt évolue, sous l'influence de tous
les agents qui peuvent atteindre soit les sons soit les [sic] sens » 2, « c'est une des
conséquences de l'arbitraire du signe » 3. Conséquence majeure, il est vrai, car, de ce
fait, la langue « se sépare radicalement de toutes les autres institutions » 4 qui, elles,
« sont toutes fondées, à des degrés divers, sur les rapports naturels des choses » 5.
Si, en raison du caractère arbitraire des signes linguistiques, la langue s'écarte de
toutes les autres institutions, le principe de l'arbitraire du signe rapproche, par contre,
les langues naturelles des langues artificielles. En effet, qu'une langue soit naturelle ou
artificielle, elle « est radicalement impuissante à se défendre contre les facteurs qui
déplacent d'instant en instant le rapport du signifié et du signifiant » 6. Les langues
artificielles évolueront donc dans le temps comme le font les langues dites naturelles.
C'est d'ailleurs précisément la raison pour laquelle les langues artificielles, comme par
exemple l'espéranto, doivent toujours dans une certaine mesure manquer leur but :
« Celui qui en crée une [langue artificielle] la tient en main tant qu'elle n'est pas en
circulation ; mais dès l'instant qu'elle remplit sa mission et devient la chose de tout
le monde, le contrôle échappe. L'espéranto est un essai de ce genre ; s'il réussit,
échappera-t-il à la loi fatale ? Passé le premier moment, la langue entrera très
probablement dans sa vie sémiologique ; elle se transmettra par des lois qui n'ont rien
de commun avec celles de la création réfléchie, et l'on ne pourra plus revenir en
arrière » 7.
Parlant de l'espéranto en particulier, Saussure indique donc une raison supplémentaire
pour l'évolution fatale des langues en général. Ce n'est pas seulement et pas simplement
le principe de l'arbitraire du signe qui est responsable de l'évolution des langues, mais,
tout autant, le fait qu'une langue « est la chose de tout le monde », donc, qu'elle est « en
circulation » et qu'elle « se transmet ». Et c'est justement par rapport à cette de la langue que Saussure emploie le terme de « vie sémiologique ».
Deux choses surprennent ici : d'abord que dans le Cours Saussure ne parle,
explicitement, de la circulation de la langue que par rapport aux langues artificielles. Et
ensuite que c'est justement et exclusivement dans ce contexte que Saussure parle de
« vie sémiologique ». Quelle signification faut-il, par conséquent, attribuer au terme
« vie », s'il est déterminé par l'épithète « sémiologique » ? Quelles sont la place et la
portée exactes du concept de la circulation des langues dans la théorie saussurienne ?
Citons, pour préciser davantage ces questions, un autre passage du Cours, plus
connu et plus célèbre, dans lequel le programme d'une nouvelle science est annoncé :
« On peut donc concevoir une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie
2. CLGE/E (I), p. 169, n° 1268 sv. ; CLG/M, p. 111 [Pour faciliter la lecture, nous indiquons désormais pour
les passages provenant du texte du Cours la page correspondante dans l'édition de Tullio de Mauro, Paris 1972,
Payot, CLG/M].
3. CLG/E (I), p. 168, n° 1260 ; CLG/M, p. 110.
n" ; p. 110. 4.(I), p. 168,
n° 1260 ; CLG/M, p. 110. 5. CLG/E (I), p.
n" 1260 ; CLG/M, p. 110. 6. CLG/E (I), p. 168,
n° 1272 sv ; p. 110 ; nous soulignons. Le texte du Cours est ici largement 7.(I), p. 169,
confirmé par les notes de G. Dégallier et E. Constantin concernant le Cours III, cf. CLG/E (I), p. 169/170. Dans
Les fous du langage, Marina Yaguello donne un aperçu des espérantes réformés, espérantides et idiomes inspirés
de l'espéranto. (Paris 1984, Seuil, p. 235 sv.). Parmi les quelque cinquantes idiomes, il faut peut-être signaler
ici l'Espérantida, le Nov-esperanto et l'Espéranto II, versions développées par René de Saussure, frère cadet de
Ferdinand.
74 sociale ; elle formerait une partie de la psychologie sociale, et par_ conséquent de la
psychologie générale ; nous la nommerons sémiologie (du grec semeîon, « signe »).
Elle nous apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent.
Puisqu'elle n'existe pas encore, on ne peut dire ce qu'elle sera ; mais elle a droit à
l'existence, sa place est déterminée d'avance. La linguistique n'est qu'une partie de
cette science générale, les lois que découvrira la sémiologie seront applicables à la
lingui

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