Langage et histoire - article ; n°1 ; vol.15, pg 3-17
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Description

Langue française - Année 1972 - Volume 15 - Numéro 1 - Pages 3-17
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Claude Chevalier
Langage et histoire
In: Langue française. N°15, 1972. pp. 3-17.
Citer ce document / Cite this document :
Chevalier Jean-Claude. Langage et histoire. In: Langue française. N°15, 1972. pp. 3-17.
doi : 10.3406/lfr.1972.5605
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1972_num_15_1_5605Jean-Claude Chevalier, Paris VIII (Vincennes)
LANGAGE ET HISTOIRE
Ce numéro de Langue française est un chantier et un champ d'agres
sions; par nécessité. La fameuse coupure saussurienne établie entre syn
chronie et diachronie coupait le cou à l'histoire traditionnelle, à l'histoire
qui supposait une évolution homogène, quasi organique; par là même, elle
questionnait l'histoire. Ce qu'exigeait le CL. G., c'était l'établissement
d'un système de langue fondé sur le jeu des formes; clôture provisoire,
clôture-provocation; ce qui est étonnant, c'est qu'ait pu opérer si long
temps une analyse de langue qui refusait de dépasser les limites du mot, au
plus, du groupe de mots. Aujourd'hui, la linguistique saussurienne est
attaquée de toutes parts, mais au nom des principes mêmes qu'elle a
posés, d'un surtout : la langue est étroitement solidaire de la société qui en
justifie l'emploi. Ici se noue le jeu des deux couples célèbres : synchronie-
diachronie et langue-parole. Ces dernières années, on a beaucoup parlé du
second, fort peu du premier : l'histoire reste entre parenthèses. Si l'on
examine quels rapports ont été établis entre la langue et la parole, on
comprendra aisément pourquoi.
On a parfois inconsidérément identifié le couple compétence-
performance de la Grammaire generative à l'opposition de la langue et
de la parole. Comme l'a très justement montré Denis Slakta, dans un
article récent *, Chomsky a profondément modifié le contenu de ces
concepts. Dans la visée saussurienne, la langue apparaît comme l'outil
d'une masse parlante, confiée à la mémoire des sujets qui peuvent la repro
duire en prenant le mot pour unité de base; dans la visée chomskyenne,
le sujet parlant possède une compétence qui, grâce à sa puissance créative,
lui permet de produire des discours dont l'unité est la phrase. Reproduct
eur ou producteur? Le sujet est dans la cible. Conjointement à son
discours. Reprenons le problème de plus loin.
La grammaire traditionnelle établissait depuis l'Antiquité une hié
rarchie des unités d'analyse : le son (ou la lettre) — le mot — la phrase
1. Denis Slakta, «Esquisse d'une théorie lexico-sémantique », Langages 23,
septembre 1971, p. 102. ■ — discours, hiérarchie fondée sur un découpage de la matière permetle
tant d'aller du simple au complexe et vice versa selon les deux procédures
de l'analyse et de la synthèse, de la décomposition et de la recomposition;
le langage est conçu comme un objet naturel, extérieur à l'expérimenta
teur qui y applique les forces de son esprit. Les structuralistes logeront
leur effort de systématisation à l'intérieur de cette échelle : la « double
articulation » distingue lettres et sons — réorganisées fonctionnellement
en systèmes de phonèmes ou de graphèmes — des groupements signi
fiants dont l'élément minimal est le monème, base d'étude du signe.
C'était ramener la problématique à un temps antérieur à Port-Royal :
si à Port-Royal, on garde en effet dans la Grammaire la même échelle,
il n'en reste pas moins que deux démarches décisives décalent l'orienta
tion de l'analyse de la langue. La première, c'est le privilège accordé
non à la phrase, mais à la proposition. La phrase résulte d'un assemblage
de mots qui renvoie à des lieux organisant la scène d'un discours, la pro
position établit un jugement qui marque l'appropriation du monde par
l'esprit; l'art de parler est intégré à l'art de penser; appropriation affirmée
de façon éclatante par les exemples : « Dieu existe » est surdéterminé
par « La terre tourne »; on est passé du stade de la construction de mots
évoquant le mouvement du monde par analogie au stade de l'interpré
tation ordonnant le monde sous le regard humain. Ce qui conduit à un
deuxième bond qualitatif quand on passe au discours : le discours n'est
pas seulement un ensemble de propositions — il ne serait qu'une suite
de syllogismes — , il est un effort de communication tendant à faire
intégrer l'assertion propositionnelle par l'interlocuteur; le discours para
phrase sous des formes variées la formule : « Je te dis que la terre tourne. »
Cette problématique est désormais la base de la science de langue
qui se développe dans le savoir rationaliste : un saut qualitatif sépare
l'assemblage des mots en propositions de l'assemblage des sons, puis des phrases en discours de des mots. S'il était
possible d'envisager une science, la phonologie, qui opposât des éléments
formels à l'intérieur d'une construction par un jeu de substitutions et
d'additions, il devenait impossible d'envisager une opération parallèle au
niveau de la phrase sans revenir à la conception associationniste d'avant
Port-Royal. Le caractère décevant des « syntaxes » structuralistes sou
vent voilé par le talent d'auteurs comme G. Gougenheim ou A. Martinet,
n'a pas d'autres sources. Dans l'épistémé rationaliste, les unités de
compte sont la proposition et le discours : la proposition implique, à
elle seule, une adhésion à la démarche rationaliste, dont le sujet peut être
mis entre parenthèses, le discours implique que le sujet est déterminé
— ou neutralisé et renvoyé à l'universel (sujet cartésien). Chaque démarche
implique référence au monde et à son interprétation et ouvre la possibil
ité — ou la nécessité — ■ d'un recours à l'histoire. Autant dire que dans
une publication qui a pour titre Langage et Histoire, les développements sont conditionnés par la proposition et le discours. Dans une première
partie, nous commenterons donc, en prenant pour appui les articles de ce
numéro, l'un et l'autre. Dans une deuxième partie, nous situerons le
discours sur le discours des grammairiens ou des philosophes de la langue
des xixe et xxe siècles.
Analyse de la proposition et histoire
L'originalité de Chomsky, c'est d'avoir, délibérément, posé comme
axiome premier que l'unité de compte était la phrase P et qu'elle se
réécrivait SN SV, c'est-à-dire que cette phrase était une proposition.
Hypothèse parfaitement raisonnable dans la mesure où elle permettait à
l'auteur d'affirmer comme base d'analyse ce qui est la base des démarches
dans la pensée et ses formalisations depuis le xvine siècle et de porter
la rigueur de la formalisation contemporaine dans le cadre épistémique
enraciné dans trois siècles de science; mais hypothèse raisonnable aussi
dans la mesure où une suite de démarches empiriques permettait de voir le développement de cette formule de base une possibilité d'expliciter
la créativité du langage. Le postulat chomskyen autorise alors toutes
sortes de démarches précises dans un cadre épistémique défini; on peut
envisager que soient inventoriées les structures du langage dans un
ensemble cohérent, tâche qui, pour toutes sortes de raisons, n'a jamais
été sérieusement entreprise. On constatera, par exemple, avec Maurice
Gross qu'alors qu'en chimie ou en biologie toutes sortes d'inventaires
exhaustifs ont depuis deux siècles requis les travaux d'équipes multiples,
rien de tel n'existe pour le langage; les grammaires raisonnant sur exemples
choisis n'ont jamais pu présenter les caractères d'une entreprise scienti
fique selon des normes admises en chimie ou en biologie. Certes, la gram
maire historique au xixe siècle, la linguistique structurale au xxe, chacune
à leur manière ont effectué des compilations impressionnantes. Mais les
unes et les autres ont rarement dépassé l'étude des sons et de la morphol
ogie, en sorte que les hypothèses sur les évolutions ou les apparentements
sont toujours extrêmement aventurées ou rapportées à de

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