Le collège Sadiki de Tunis et les nouvelles élites - article ; n°1 ; vol.72, pg 37-52
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Description

Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1994 - Volume 72 - Numéro 1 - Pages 37-52
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Noureddine Sraïeb
Le collège Sadiki de Tunis et les nouvelles élites
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°72, 1994. pp. 37-52.
Citer ce document / Cite this document :
Sraïeb Noureddine. Le collège Sadiki de Tunis et les nouvelles élites. In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée,
N°72, 1994. pp. 37-52.
doi : 10.3406/remmm.1994.1651
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1994_num_72_1_1651Noureddine Sraïeb
Le collège Sadiki de Tunis
et les nouvelles élites
La Tunisie, à l'instar d'autres pays arabes et musulmans ayant été dépendants
de l'Empire ottoman ou non, a ressenti le besoin de se moderniser à l'image de
ce qui s'était déjà produit pour l'Europe, dès sa période d'industrialisation. Pour
cela il semblait nécessaire de développer un enseignement de type nouveau en vue
de mettre en pratique les projets de réformes. Nous prendrons ici réformisme dans
son sens premier, à savoir l'action de rendre meilleur ce qui était ou apparaissait
mauvais. Cela peut concerner tout aussi bien des comportements moraux que poli
tiques, la condition sociale ou économique que l'état des institutions d'un pays.
Les réformistes seront, pour nous, ce que Gilbert Delanoue écrivait à propos des
Moralistes et politiques de l'Egypte du XIXe siècle :
« Tous les hommes qui, par leurs écrits, parfois simplement par leur enseignement
oral, ont proposé à d'autres, à une élite choisie et préparée de disciples, ou vi
rtuellement à un public mal défini, voire à la masse de la population, des modèles
de vie, des directives, des conseils, des plans de réformes. »
Cette définition donnée par G. Delanoue sera assez commode pour nous per
mettre de suivre dans la diachronie l'évolution d'une institution scolaire, le col
lège Sadiki de Tunis, et les générations successives des hommes qui y ont été for
més, afin d'évaluer le rôle que ceux-ci ont joué dans la Tunisie contemporaine.
RE.M.M.M. 72, 1994/2 38 1 Nourredine Sraïeb
cUlamâ> et militaires : un même combat
Aborder cette relation, c'est revenir à l'origine des réformes en Tunisie, c'est-
à-dire celles qui furent instaurées par Ahmad Pacha Bey. Nous ne reviendrons pas
ici sur le détail de ces réformes (voir notamment Leon Carl Brown, 1974). Il nous
paraît, cependant, utile de nous arrêter un moment sur ce qui dans cette œuvre
peut nous aider à comprendre le processus qui a conduit les dirigeants de l'époque
à se pencher sur le problème de l'enseignement, la création du collège Sadiki et
le rôle qui lui était dévolu.
Ce processus traduit les préoccupations des réformistes tunisiens, comme ceux
des autres provinces de l'Empire ottoman, face à la fascination et à la crainte
qu'exerçaient sur eux les pays européens. Cette crainte ne put que croître avec l'occ
upation de l'Algérie par la France qui constitua un danger virtuel pour la Tunisie
voisine.
Le deuxième facteur c'est l'intérêt que présentaient pour les réformistes tuni
siens les tentatives de réformes, les Tanzîmât, introduites par la Sublime Porte, réf
érence essentielle pour certains Etats musulmans, et notamment l'Egypte et la
Tunisie.
Les premières réformes entreprises touchèrent l'enseignement militaire. Ce
fut donc la création en 1838 de l'école polytechnique du Bardo qui commença
à fonctionner en 1840 et qui devint plus tard l'école militaire du Bardo. Le but
de cette école était de moderniser l'armée en lui fournissant des cadres formés à
l'européenne. Aussi fît-on appel à des officiers européens pour prendre en charge
cette formation et introduisit-on l'enseignement des langues étrangères et des
sciences nouvelles, profanes, qui n'étaient pas alors enseignées à la Zaytûna, seule
institution d'enseignement importante à l'époque. Mais cet enseignement nou
veau n'occulta nullement l'enseignement originel donné à la Zaytûna. Non seu
lement cet enseignement était maintenu, mais il était assuré par des cheikhs
célèbres, eux-mêmes acquis à l'idée de réformes comme le cheikh Mahmûd
Qabàdû.
C'est de l'enseignement de cette institution, des jeunes officiers qui en sont issus
et des enseignants, cheikhs réformistes de la Zaytûna, que naîtra le noyau des réfor
mistes tunisiens qui vont marquer de leur empreinte la Tunisie contemporaine.
Leur objectif était de réaliser le changement du pays de l'intérieur, c'est-à-dire
améliorer ses institutions, notamment par une modernisation de l'administration,
et créer les conditions favorables à l'émergence et à l'affermissement de l'Etat
moderne, inspiré des monarchies constitutionnelles européennes et de l'esprit
des Lumières français.
L'arrivée de Kheredine au pouvoir en 1873, à la suite des événements graves
qu'a connus la Tunisie (dont le soulèvement général de 1864, qui mit en danger
le pouvoir beylical, l'endettement du pays, les exactions de toute nature que
subissaient les populations paysannes, notamment l'ingérence de plus en plus
dangereuse des puissances européennes dans les affaires intérieures et extérieures Le collège Sadiki de Tunis et les nouvelles élites 1 39
du pays), sera l'occasion de mettre en pratique des réformes en vue d'assainir la
situation : réformes administratives et création d'un enseignement nouveau qui,
aux yeux de ses promoteurs, devait constituer l'instrument fondamental de cet effort
de redressement et de modernisation du pays par l'acquisition de sciences et de
technologies nouvelles. C'est ainsi que, dès 1874, une commission était chargée
de réfléchir aux réformes à apporter à l'enseignement de la Zaytûna et à l'inst
itution d'un enseignement nouveau. La création du collège Sadiki en 1875, après
la réforme de la Zaytûna, concrétisera ces options.
Nous nous intéresserons, dans le cadre de cette contribution, à la création du
collège Sadiki pour signaler son originalité par rapport aux autres institutions
d'enseignement, au niveau de son organisation, du contenu des enseignements
qui y étaient donnés et des objectifs qui lui étaient assignés.
Le décret organique de 1875 est constitué d'un préambule et de quatre-vingt
deux articles. Il est daté du 5 dû al-higga 1291 et signé du mu§ïr Sadok bey qui,
dit le texte, « prenant en considération l'intérêt de la population en vue du déve
loppement de la civilisation, décidait de fonder une école, à cet effet, dans la capit
ale, Tunis ». Cet établissement, appelé le collège Sadiki en l'honneur du bey Sadok,
comprend trois sections : les deux premières sont consacrées aux enseignements
religieux et juridiques, tandis que la troisième constitue l'originalité du projet dans
la mesure où elle introduit l'enseignement des langues étrangères et des sciences
profanes utiles, al-utûm al- aqliyya 'n-nâfî a, dont a besoin la nation musul
mane pour la gestion de ses affaires en conformité avec la sarï'a islamique.
Le décret trace, par ailleurs, les lignes d'orientation de l'enseignement de cha
cune des sections, établit le modèle de conduite des élèves et des maîtres, déter
mine les responsabilités administratives et pédagogiques et le régime des sanc
tions.
Le collège est ouvert aux Tunisiens musulmans exclusivement, en vue d'y
apprendre le Coran et les sciences utiles. Ils sont soit internes, soit externes. Les
études seront gratuites pour les deux catégories et les frais d'internat intégralement
pris en charge par le collège. L'Etat se doit, par ailleurs, d'aider les élèves méritants
qui voudraient poursuivre à l'étranger des études techniques indispensables. Les
élèves, recrutés à travers toutes les régions du pays, sont admis au collège de l'âge
de six à dix ans. Si un élève a déjà entamé des études avant son entrée au collège,
il subira un examen et pourra être autorisé à continuer ses études au niveau que
lui permettent ses connaissances acquis

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