Le juif à l écran en France vers la fin des années trente - article ; n°1 ; vol.18, pg 89-100
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le juif à l'écran en France vers la fin des années trente - article ; n°1 ; vol.18, pg 89-100

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1988 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 89-100
Jews in French films in the late 1930s, Rémy Pithon.
An analysis of French movies producted in the late 1930s reveals a curious paradox : a change from rather widespread anti-semitism to a kind of « repression » of the image of the Jew. Examining anti-semitic stereotypes, the author shows that their relative decline corresponds to the just image of a « vague Jewishness », just as horrible, for it opens the door to indifference.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 57
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Rémy Pithon
Le juif à l'écran en France vers la fin des années trente
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°18, avril-juin 1988. pp. 89-100.
Abstract
Jews in French films in the late 1930s, Rémy Pithon.
An analysis of French movies producted in the late 1930s reveals a curious paradox : a change from rather widespread anti-
semitism to a kind of « repression » of the image of the Jew. Examining anti-semitic stereotypes, the author shows that their
relative decline corresponds to the just image of a « vague Jewishness », just as horrible, for it opens the door to indifference.
Citer ce document / Cite this document :
Pithon Rémy. Le juif à l'écran en France vers la fin des années trente. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°18, avril-juin
1988. pp. 89-100.
doi : 10.3406/xxs.1988.2918
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1988_num_18_1_2918LE JUIF À L'ÉCRAN EN FRANCE
VERS LA FIN DES ANNÉES TRENTE
Rémy Pithon
De l'usurier perfide au métèque lib c'est Grémillon, le plus honnête, le plus
rigoureux — le plus méconnu aussi — des idineux, le triste imaginaire de l'antis
émitisme hante les salles obscures dans cinéastes français qui a signé ce film, par
les années 1930. Pourtant, face à la montée ailleurs admirable. Antisémite, Grémillon ?
des périls, la figure du juif semble s'ef Sûrement non. Alors, comment comprend
facer peu à peu des écrans, au profit re ? Nous entendons dire, en posant cette
d'une « judéité vague » aux contours de question, qu'il est du devoir de l'historien
plus en plus flous. Heureux déclin de de chercher à comprendre la valeur de t
l'antisémitisme ? La réponse est hélas émoignage de ces images, au-delà du réflexe
qu'elles peuvent — et doivent sans doute — plus terrible...
déclencher. Ce qui est en cause ici, c'est une
tentative de reconstitution des mentalités Le témoignage de l'image cinémato
graphique a quelque chose d'impla profondes1, par l'analyse d'un document
cable par son évidence même, et cela d'autant plus irréfutable qu'il témoigne sans
est aussi vrai du film de fiction que du film l'avoir voulu : le film de fiction. Travail
documentaire et du film d'actualités. Ainsi, d'historien, et non de moraliste : on ne
revoir actuellement, dans La petite Lise de s'étonnera donc pas de trouver, dans les
Jean Grémillon, les quelques scènes où ap pages qui suivent, un essai d'analyse plutôt
paraît l'usurier joué par Alexandre Mihalesco que des jugements éthiques, quels que puis
donne froid dans le dos. Le personnage est sent être par ailleurs les réflexes spontanés
en effet porteur de toutes les caractéristiques
qui, depuis des siècles, indiquent le juif:
1. Nous proposons, pour la notion de «mentalité», la son activité lucrative d'abord, bien sûr ; mais définition, volontairement peu contraignante, que donne Pierre
Sorlin : « Manière dont les individus, ou les groupes, structurent aussi le décor, le costume, les réflexes psy le monde de façon à y trouver place et à s'y diriger » (Pierre
chologiques : il vit dans une sorte de taudis Sorlin, Sociologie du cinéma. Ouverture pour l'histoire de demain,
Paris, Aubier-Montaigne, 1977, p. 25) ; cet ouvrage est fonoù il cache des sommes apparemment consi damental pour aborder la problématique de l'étude historique
dérables ; il est habillé comme un juif de des films ; voir, notamment, la distinction proposée entre
«mentalités» et «idéologies» (p. 18-33). Il existe divers réroman-feuilleton illustré du 19e siècle ; il est pertoires bibliographiques récents sur les problèmes métho
dologiques et les travaux fondamentaux : François Garçon, sans cœur, mais vaguement libidineux. Il va
« Le film : une source historique dans l'antichambre. Orientation être tué par les jeunes gens qui ont commis bibliographique », Bulletin de l'Institut d'histoire du temps présent,
12, juin 1983, p. 30-56 ; Rémy Pithon, « L'historien face au l'erreur de s'adresser à lui pour résoudre film. De quelques difficultés nouvelles du métier d'historien »,
leurs difficultés matérielles immédiates, et le Education 2000. Audiovisuel, Communication. Pédagogie, 18, 1981,
p. 25-32 ; Rémy Pithon, « Clio dans les studios : la règle du spectateur prend en pitié non l'odieuse vic jeu », Les Cahiers de la Cinémathèque (Perpignan), 35-36, 1982,
time, mais les meurtriers malgré eux. Et p. 71-76 et 232.
89 :
:
REMY PITHON
de l'auteur, qui est aussi — et préalablement universellement reçues —, ces personnages
à tout processus d'interprétation — un spec exercent des activités caractéristiques : usur
tateur. iers, financiers, banquiers, fripiers, tailleurs,
La petite Lise est un film de 1930, et il fourreurs, bijoutiers et autres types sem
faut évidemment l'étudier dans son temps. blables fourmillent. Il y a même quelques
La grande tentation, dans ce sujet, est de protagonistes de films qui sont clairement
voir partout des signes précurseurs des désignés comme juifs, le plus célèbre étant
grands déchaînements antisémites du milieu sans doute le personnage joué par Harry
ou de la seconde moitié des années 1930, Baur dans David Golder de Julien Duvivier
c'est-à-dire de se laisser aller à l'anachro en 1930. Enfin, on ne saurait aborder ce
nisme1. En outre, il faut tenir compte non sujet sans rappeler les quatre films tournés
seulement de l'environnement historique, entre 1930 et 1936 par André Hugon : Lévy
mais aussi de culturel, ou, et Cie, Les Galeries Lévy et Cie, Moïse et
pour nous borner au cas des films, des lieux Salomon parfumeurs et Les mariages de madem
communs du cinéma de l'époque à propos oiselle Lévy. Dans cette première moitié de
des juifs. Nous connaissons beaucoup mieux, la décennie, il y a donc une très large
depuis quelques années, les films français exploitation du stéréotype et du personnage
des débuts du sonore2. Nous pouvons donc du juif, le plus souvent — mais pas exclu
relever quelques constantes qui, si elles n'ont sivement, comme les films de Duvivier et
de Grémillon déjà cités le montrent — dans pas de valeur statistique absolue, sont tout
de même passablement significatives. Nous le registre comique. Or au moment même
savons donc que le cas du film de Grémillon où, dans la réalité sociale, l'antisémitisme va
n'est pas isolé. Nombreux sont en effet les changer complètement dans ses manifestat
personnages secondaires qui, dans ces films, ions concrètes, le cinéma français va évoluer
sont très clairement signalés comme juifs : en sens inverse. Pour ne pas répéter ici une
costumes, caractéristiques physiques, pho- analyse que nous avons esquissée ailleurs3,
nétisme et comportements les désignent c'est exclusivement à ce qui peut être constaté
comme tels, en fonction d'idées reçues dont dans la seconde moitié des années 1930 que
l'origine, sans doute ancienne, n'entre pas nous allons consacrer l'essentiel de notre
dans le cadre de la présente étude ; d'autre article ; c'est en quelque sorte l'image du
part — et selon d'autres idées non moins juif dans les films où il n'y a plus de
personnages juifs que nous allons tenter,
1. La mise en garde de Lucien Febvre à propos de paradoxalement, de traquer. l'anachronisme psychologique vaut pour l'historien du cinéma
comme pour tout historien, bien que les sources filmiques
soient assez récentes. Jean-Pierre Jeancolas écrit à ce propos O MILIEUX DU CINÉMA « L'horreur de la Seconde Guerre mondiale, la solution finale
ET DISCOURS ANTISÉMITE dont nous connaissons l'application par les nazis et par les
autorités françaises ont chargé notre regard d'une dimension
douloureuse écorchée, qui risque de fausser notre lecture du En effet, si l'on cherche à dresser un passé. On racontait dans les années trente des histoires juives inventaire des personnages explicitement comme on raconte en 1980 des histoires belges, et ceux qui
en riaient, quand ils n'étaient pas juifs, n'étaient pas nécessa désignés comme juifs dans ce corpus cinirement des racistes à la Drumont ... C'est vrai aussi que le
ématographique chronologiquement limité climat d'agressivité qui enveloppe la soc

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents