Le «mythe de Grenoble» des années 1960 et 1970 un usage politique de la modernité - article ; n°1 ; vol.58, pg 111-126
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Le «mythe de Grenoble» des années 1960 et 1970 un usage politique de la modernité - article ; n°1 ; vol.58, pg 111-126

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Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1998 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 111-126
The Grenoble Myth in the 1960s. A Political Use of Modernity, Bernard Bruneteau.
In the 1960s, the city of Grenoble was set up as the symbol of modernity. A model of expansion, it was also the symbol of municipal management based on the control of urban development, citizen participation and the centrality of the new middle classes. Through its success, Grenoble became a myth that structured French political life and was able to nourish the Mendesian as well as the Gaullist Systems of reference.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 75
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bernard Bruneteau
Le «mythe de Grenoble» des années 1960 et 1970 un usage
politique de la modernité
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°58, avril-juin 1998. pp. 111-126.
Abstract
The "Grenoble Myth" in the 1960s. A Political Use of Modernity, Bernard Bruneteau.
In the 1960s, the city of Grenoble was set up as the symbol of modernity. A model of expansion, it was also the symbol of
municipal management based on the control of urban development, citizen participation and the centrality of the new middle
classes. Through its success, Grenoble became a myth that structured French political life and was able to nourish the
Mendesian as well as the Gaullist Systems of reference.
Citer ce document / Cite this document :
Bruneteau Bernard. Le «mythe de Grenoble» des années 1960 et 1970 un usage politique de la modernité. In: Vingtième
Siècle. Revue d'histoire. N°58, avril-juin 1998. pp. 111-126.
doi : 10.3406/xxs.1998.3748
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1998_num_58_1_3748.
«MYTHE DE GRENOBLE» LE
DES ANNÉES 1960 et 1970
UN USAGE POLITIQUE DE LA MODERNITÉ
Bernard Bruneteau
Pour changer la vie, fallait- il changer contribue à l'affirmation d'un pouvoir
la ville ? Lieu symbole de l'expansion local fort face à l'État. S'incarnant dans la
technicienne dans les années I960 et figure inédite d'un maire technicien,
1970, Grenoble fut aussi l'incarnation Hubert Dubedout, cette expérience munic
de la modernité municipale, le lieu ipale a inauguré ce qu'il est convenu
d'une « décolonisation » de la ville par d'appeler le «mythe de Grenoble», mythe
rapport à l'État autoritaire de la Cin conquérant à la fin des années I960, mais
quième République. Mais Grenoble «mythe blessé» dès la fin de la décennie
entretint un mythe durable que se di suivante1. En écho de ce mythe, revient
sputèrent aussi bien le gaullisme que la de prime abord l'aventure de la «deuxième
nouvelle gauche mendésiste. gauche » tant celle-ci a, par ses porte-parole,
parié sur l'avènement d'une France de
« 50 millions de Grenoblois » 2, point La spectaculaire urbanisation des
d'aboutissement logique de cet «avant- Trente Glorieuses, créatrice de «grands
poste du socialisme à la française, efficace, ensembles» et de «banlieue-dortoirs»,
n'a guère reposé sur l'idée que la vie modéré et constructif»^.
On peut voir dans le mythe, comme le sociale pouvait être favorisée par une
font les historiens du religieux, un récit action sur l'espace. Opérations d'aménage
qui se réfère au passé mais qui éclaire une ment intégré, d'habitat social ou de réhab
situation présente. Par sa valeur prescriptilitation des vieux quartiers centraux,
ive, ce récit peut renforcer le prestige de Grenoble, ville phare de la croissance
la tradition mais souligner tout autant la urbaine depuis les années 1950, dénonce,
valeur d'une volonté de changement À quant à elle, la «sarcellite» au cours des
cet égard, une lecture très comprehensive deux décennies suivantes en étant l'une
de la première ère Dubedout a pu accrédes rares villes françaises à encadrer son
diter cette définition en souhaitant «que développement par un véritable projet poli
tique, concrétisant par là même une cer
1. Pierre Frappât, Le mythe blessé, Paris. A. Moreau, 1979- taine utopie spatialiste face aux carences 2. Claude Glayman, 50 millions de Grenoblois, Paris, Rolx;it Laf-
de la planification urbaine nationale. fonL 196«.
3. Bruno Frappai, «Le laboratoire brisé», Le Monde, 8 mars Champ d'action privilégié par les municip
1983. alités à orientation socialiste qui se suc 4. André Reszler, Mythes politiques modernes, Paris, PUF,
1981, p. 219. cèdent à partir de 1965, l'urbanisme
111 BERNARD BRUNETEAU
l'expérience grenobloise ne soit pas inutile entre un discours et une attente globale
dans la lutte pour la décolonisation des dans un contexte précis, celui des
communes françaises»1. années 1965-1975, ce point d'équilibre de
On peut aussi tout simplement assimiler «l'entre-deux de la modernité»1^. On sait en
effet que l'idée de modernité s'incarne cycli- le mythe à une mystification, une illusion,
camouflant les données de l'observation quement en des lieux qui aident à la prise
empirique. À ce titre, l'historien verra dans de conscience sociale d'une époque nouv
l'adolescence de ce pouvoir municipal de elle7. On sait d'autre part que le mythe
gauche une simple rémanence du «réfo est d'abord «une parole, un message, investi
rmisme technicien» de la municipalité de complaisances, de révoltes, d'images»
Paul Mistral de l'entre-deux-guerres résol dont l'effet est de faire passer un objet
vant, dans la plus pure tradition commu- «d'une existence fermée, muette à un état
naliste, des problèmes sans remettre en oral, ouvert à l'appropriation de la société»8.
cause la politique du pouvoir. Quant au Comment les différents acteurs sociaux
politiste, il pourra relativiser, comme l'avait se sont-ils approprié Grenoble, le dévelop
fait Georges Lavau dès 1965, l'idée qu'à pement urbain comme la politique munic
Grenoble naissait une prise de conscience ipale ? En vertu de quels projets, de quelles
civique de la «nouvelle classe salariée tech pratiques, de quelles réalisations, 1'« expé
nicienne»2. rience » a-t-elle été considérée comme por
teuse d'avenir nourrissant par là même cerLe mythe, c'est enfin, selon la formule
sorélienne, un «ensemble lié d'images taines représentations utopiques et
motrices», une incitation à l'action. Toute certaines révoltes ? À quelles complaisances
une veine rhétorique ayant pour objet la politiques, à quels enjeux propres aux
capitale dauphinoise conforte cette défini années 1960-1970 enfin, le «mythe de Gre
noble» s'est-il prêté? tion d'école, du Nouvel Observateur de
1967 affirmant que Grenoble est «un train
en marche dans lequel il faut sauter au
O L'APPROPRIATION SOCIALE DE GRENOBLE bon moment »^ à Martine Aubry inaugu
rant ostensiblement le mouvement Agir à «S'il est une ville de la province française
Grenoble, ville symbole, à ses yeux, «d'une qui participe avec dynamisme à tous les
certaine manière de faire la politique » 4. courants de l'innovation contemporaine,
Le mythe politique de Grenoble se struc c'est bien Grenoble » 9. Cette singularité gre
ture et s'affirme certainement en fonction nobloise qui a polarisé nombre de géogra
de ces trois dimensions constitutives de phes s'ancre à n'en pas douter dans la
l'histoire de la deuxième gauche, le «socia tradition industrielle de la cité. «Ville sainte
lisme municipal», les «couches nouvelles», de la houille blanche et du tourisme», «sa
«l'épreuve des faits». Il semble néanmoins renommée est maintenant universelle et
que l'érection de cette ville en « site politico- elle en tirera largement bénéfice » rapporte
administratif classé »5 ait tenu à l'adéquation ainsi Raoul Blanchard, lors de l'Exposition
internationale de 1925, événement qui peut
1. B. Delbard, R. P. Gattefosse, Ch. Lacroix, J.-F. Parent,
6. Jacques Cupdevielle, René Mouriaux, Mai 68. L'entre- M. F. Soulage, L'adolescence d'un nouveau pouvoir commun
deux de la modernité. Histoire de trente ans, Paris, Presses al, Grenoble 1965-1976, Grenoble, Université des sciences
de Sciences Po, 1988. sociales, UER Urbanisation-Aménagement, 1978, p. 356.
2. Georges Lavau, « Réflexions .sur le "mythe" de l'élection 7. Jürgen Habermas, «La modernité: un projet inachevé»,
Critique, 413, octobre 1981. grenobloise -, Revue française de science politique, 5, octo
bre 1965, p. 958-963. 8. Roland Baithes, Mythologies, Paris, Le Seuil, 1970,
p. 193-194. 3. Le Nouvel Observateur, 25-31 janvier 1967.
9. Armand Frémont, «Milieu géographique et innovation: 4. Le Monde, 1.6 février 1995.
5. Pour reprendre l'expression de Pierre Grémion dans «Les le cas grenoblois», Revue de géographie alpine, 75(4), 1987,
p. 300. associations et le pouvoir local », lisprit, 6, juin 1978, p. 20. <

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