Le schismatique, tyran furieux - article ; n°2 ; vol.94, pg 921-949
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1982 - Volume 94 - Numéro 2 - Pages 921-949
François Jacques, ~~Le schismatique, tyran furieux. Le discours polémique de Cyprien de Carthage~~, p. 921-949. Dans ses attaques contre les schismatiques (Novatus de Carthage, Novatien de Rome), saint Cyprien recours à un vocabulaire et à une rhétorique typiquement romains. La marque de la tradition ne se limite pas à la seule expression. Pour les disqualifier dans le domaine religieux, l'évêque de Carthage assimile ses ennemis aux factieux de l'époque républicaine (Catilina, Pison), aux empereurs-tyrans, tel Néron : les mêmes dérèglements, les mêmes vices, les mêmes crimes - réels ou supposés -les condamnent irrémédiablement. En revanche, Cyprien défend la légitimité du pape Corneille avec des arguments très comparables à ceux de Pline dans son Panégyrique de Trajan. Pour autant, il ne s'agit pas seulement de références intellectuelles : Cyprien renvoie constamment à la réalité (juridique, institutionnelle) et à la mentalité de son temps. Dans le domaine bien précis de la polémique, on note une intégration intime du christianisme dans l'univers romain dès le milieu du IIIe siècle.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 75
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

François Jacques
Le schismatique, tyran furieux
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 94, N°2. 1982. pp. 921-949.
Résumé
François Jacques, Le schismatique, tyran furieux. Le discours polémique de Cyprien de Carthage, p. 921-949.
Dans ses attaques contre les schismatiques (Novatus de Carthage, Novatien de Rome), saint Cyprien recours à un vocabulaire
et à une rhétorique typiquement romains. La marque de la tradition ne se limite pas à la seule expression. Pour les disqualifier
dans le domaine religieux, l'évêque de Carthage assimile ses ennemis aux factieux de l'époque républicaine (Catilina, Pison),
aux empereurs-tyrans, tel Néron : les mêmes dérèglements, les mêmes vices, les mêmes crimes - réels ou supposés -les
condamnent irrémédiablement. En revanche, Cyprien défend la légitimité du pape Corneille avec des arguments très
comparables à ceux de Pline dans son Panégyrique de Trajan. Pour autant, il ne s'agit pas seulement de références
intellectuelles : Cyprien renvoie constamment à la réalité (juridique, institutionnelle) et à la mentalité de son temps. Dans le
domaine bien précis de la polémique, on note une intégration intime du christianisme dans l'univers romain dès le milieu du IIIe
siècle.
Citer ce document / Cite this document :
Jacques François. Le schismatique, tyran furieux. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 94, N°2. 1982. pp.
921-949.
doi : 10.3406/mefr.1982.1348
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1982_num_94_2_1348FRANÇOIS JACQUES
LE SCHISMATIQUE, TYRAN FURIEUX
LE DISCOURS POLÉMIQUE DE CYPRIEN DE CARTHAGE*
Au sein de l'œuvre de saint Cyprien, la correspondance de l'évêque de
Carthage offre un intérêt des plus considérables pour l'historien du IIIe
siècle1. On y trouve un écho des grands événements du temps, au premier
chef des persécutions de Dèce puis de Valerien, ainsi qu'une réaction
immédiate aux problèmes des communautés. De plus, et c'est cet aspect
qui nous retient ici, les lettres échangées par Cyprien et ses correspon
dants (avant tout africains et romains) jouent un rôle actif dans la vie des
églises, permettant, entre autres, à Cyprien de défendre ses positions
auprès d'interlocuteurs éloignés.
Rhéteur et probablement avocat avant sa conversion2, Cyprien appart
enait au milieu des notables carthaginois, les plus huppés des domi nobi-
* Ce travail doit beaucoup à l'aide amicale et désintéressée de Nicole Moine et
de John Scheid. John Scheid avait présenté, dans un séminaire de l'université de
Lille III, une étude sur la typologie de l'empereur-tyran, du Ier au IVe siècle; j'ai
largement mis à contribution ses recherches, malheureusement restées inédites.
L'intime connaissance qu'a Nicole Moine des sources chrétiennes et de la biblio
graphie les concernant, m'a été des plus précieuses
1 J'ai suivi l'édition du chanoine L. Bayard, Saint Cyprien, Correspondance
(Collection des Universités de France), Paris, 1925, en deux tomes, qui améliore celle
de W. Hartel, CSEL, 3, 2, Vienne, 1871. En revanche, il m'a semblé nécessaire de
reprendre la traduction des passages cités ici.
2 Sur la vie et l'œuvre de saint Cyprien, reste essentielle la somme de P. Monc
eaux, Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne depuis les origines jusqu'à l'invasion
arabe. IL Saint Cyprien et son temps, Paris, 1902 (réédition anastatique, Bruxelles,
1963) (cité Histoire). Pour la vie de Cyprien avant son élection comme évêque de
Carthage, P. Monceaux, Histoire, p. 201-208. Sa connaissance du droit est évidente
(cf. E. F. Osborn, Cyprian's imagery, dans Antichton (Sydney), VII, 1973, p. 65-79,
non vidi) ; mais on a nié qu'il ait été avocat de profession (G. W. Clarke, The Secul
ar Profession of St Cyprien of Carthage, dans Latomus, 24, 1965, p. 633-638).
MEFRA - 94 - 1982 - 2, p. 921-949. 59 922 FRANÇOIS JACQUES
les africains. Sa conversion, vers 245, dut faire scandale; à cette époque,
elle impliquait une rupture avec l'univers intellectuel dans lequel il s'était
épanoui jusqu'alors. P. Monceaux insiste sur ce point: «Dans son œuv
re. . . on ne relève pas une seule citation d'auteur païen; il ne nomme ni
un poète, ni un orateur»3; la rhétorique aurait continué de marquer le
style de Cyprien, mais sans influence sur sa pensée. En fait, la correspon
dance montre une imprégnation bien plus intime que ne le soupçonnait P.
Monceaux. Que les réminiscences fourmillent dans l'œuvre en général,
dans la correspondance en particulier, on ne saurait s'en étonner chez
quelqu'un qui, non seulement possédait la culture classique d'un hones-
tior, acquise par l'exercice de la mémoire, mais l'avait enseignée à son
tour4. Mais il apparaît vite que, pour des questions qui ne touchent pas
directement le dogme, c'est tout l'univers mental de Cyprien qui demeure
strictement romain. Ainsi, devant des problèmes de discipline, dans des
conflits qui sont d'abord des questions de personnes, l'évêque de Cartha
ge s'incrit dans le courant de la rhétorique et de l'histoire polémiques
romaines.
Pour l'essentiel, nous nous attachons aux lettres échangées à la suite
de la persécution de Dèce, qui fut à l'origine de schismes tant en Afrique
qu'à Rome5. Dès la fin des poursuites6 se posa la question des lapsi : nom
breux étaient les apostats qui, la persécution interrompue, demandèrent
leur réintégration dans les églises, et la rupture se fit sur l'attitude à
adopter; les schismes survinrent entre partisans de la fermeté, et même
de l'intransigeance, et les avocats de l'indulgence, taxés de laxisme par
leurs adversaires7. Mais les affrontements de personnes jouèrent assuré-
3 P. Monceaux, Histoire, p. 207; aussi M. Naldini, Note esegetiche al «De Lap-
sis» di s. Cipriano, dans Giornale italiano di filologia, XXX, 1978, p. 57-72.
4 On a des réminiscences de Sénèque (H. Koch, Cyprianische Untersuchungen,
Bonn, 1926, p. 286-313; G. Barbero, Seneca e la conversione di san Cipriano, dans
Rivista di studi classici, 10, 1962, p. 16-23); de Pline de Jeune (H. Koch, Novaziano,
Cipriano e Plinto il Giovane, dans Religio, XI, 1935, p. 321-332); d'Apulée
(H. Koch, Untersuchungen, p. 314-333; art. cit., Religio, p. 331-332).
5 Sur la persécution en Afrique, P. Monceaux, Histoire, p. 18-24; Ch. Sauma-
gne, La de Dèce en Afrique d'après la correspondance de saint Cyprien,
dans Byzantion, 32, 1962, 1-29.
6 La retraite de Cyprien durant la persécution avait favorisé les luttes dans la
communauté, et le problème des lapsi se posa avant la fin de la persécution (fin de
l'hiver 251) puisqu'ils sollicitaient des billets d'indulgence de martyrs et de chré
tiens encore emprisonnés {e.g., lettres 15 à 17); le premier choc passé, des apostats
se préoccupaient de rentrer dans la communauté.
7 P. Monceaux, Histoire, p. 26-39. LE SCHISMATIQUE, TYRAN FURIEUX 923
ment un rôle essentiel; ainsi Novatus, tête de file des opposants carthagi
nois partisans du pardon, fit cause commune avec Novatien, rigoriste qui,
à Rome, contesta l'élection de Corneille, jugé compromis, et se fit nom
mer évêque à son tour. Chaque parti envoyait ses émissaires aux diverses
communautés pour faire reconnaître sa légitimité, convaincre les hési
tants; les lettres échangées ne correspondent donc qu'à un aspect des
rapports intenses et constants entre Rome et l'Afrique.
La passion de Cyprien, la noirceur des personnages dénoncés incitent
dès l'abord à suspecter, à tout le moins, des exagérations, et même une
déformation des faits. Mais, si l'on considère ces lettres d'un œil neutre et
critique, il apparaît très vite que les ennemis de Cyprien se réduisent à
des silhouettes : comme le montre à l'évidence le portrait de Novatus, les
accusations sont empruntées à l'arsenal de la polémique classique. Il
devient impossible de faire la part du lieu-commun et de la réalité, au
point qu'on en vient à douter de l'existence même des faits objectifs qui
sont (au mieux) au départ de l'accusation. «La rhétorique prend sa revan
che»8, mais non pas seulement au niveau du st

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