Le stalinisme entre histoire et mémoire : le malaise de la mémoire russe - article ; n°1 ; vol.68, pg 65-81
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Description

Matériaux pour l'histoire de notre temps - Année 2002 - Volume 68 - Numéro 1 - Pages 65-81
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 84
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Madame Maria Ferretti
Le stalinisme entre histoire et mémoire : le malaise de la
mémoire russe
In: Matériaux pour l'histoire de notre temps. 2002, N. 68. pp. 65-81.
Résumé
L'article étudie la mémoire du stalinisme en Russie, de l'époque de la perestroika à nos jours. Il distingue les différentes étapes
de la confrontation de la Russie avec son passé, les difficultés et les obstacles qui l'ont entravée, la tentation du refoulement et le
refus d'assumer un passé traumatique. Il montre comment, dans la période eltsinienne, on a essayé d'effacer purement et
simplement le passé soviétique, comme s'il s'agissait d'une parenthèse malheureuse et de construire une image idéalisée de la
Russie tsariste. Les désillusions provoquées par l'introduction brutale du capitalisme et les promesses non tenues du
néolibéralisme ont conduit une population massivement appauvrie à se réfugier dans le nationalisme.
Abstract
Maria Ferretti,
Stalinism between history and memory : the malaise of Russian memory.
The article studies the memory of Stalinism in Russia, from the age of perestroika to our own time. It distinguishes between dif
ferent stages of Russia's conflict with her past, the obstacles that have hampered it, the temptation to repress it and the refusal to
assume traumatic past. The article shows how, during the Yeltsin years, there was an attempt purely and simply to efface the
Soviet past - as if it were a bad parenthesis - and to construct an idealized image of Tsarist Russia. But the disillusionment
provoked by the brutal introduction of capitalism and the failed promises of neo-liberalism have caused a massively impoverished
population to take refuge in nationalism
Citer ce document / Cite this document :
Ferretti Maria. Le stalinisme entre histoire et mémoire : le malaise de la mémoire russe. In: Matériaux pour l'histoire de notre
temps. 2002, N. 68. pp. 65-81.
doi : 10.3406/mat.2002.403337
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mat_0769-3206_2002_num_68_1_403337:
:
stalinisme entre histoire et mémoire : le malaise de la mémoire russe 65 Le
Le stalinisme entre histoire et mémoire :
le malaise de la mémoire russe
d'ailleurs que celui d' « identité », est à l'heure
Tout années, Russie au a long le connue passé de la au n'a grande cours jamais transformation des cessé quinze d'être dernières que ques la actuelle largement « inflationniste»; on le rencont 1. Cette expression, servant
re à chaque pas, aussi bien dans le discours savant à désigner le passé nazi,
s'est imposée lors de la tionné avec passion. Depuis le milieu des années que dans les médias3. Cependant, au niveau épis- controverse sur le révisio1980, lorsque la libéralisation entamée par M. Gor témologique son emploi est loin de faire l'unani nnisme ayant opposé au mibatchev a permis au travail de la mémoire, jus mité même parmi les chercheurs, et sa définition lieu des années 1980 histoqu'alors sous la stricte surveillance de l'histoire offi reste le plus souvent floue, comme le montre du riens et philosophes
cielle, de se déployer d'une manière de plus en la prolifération d'adjectifs auxquels on a allemands, et notamment Ernst Nolte et Jürgen Haber- plus libre, on a assisté à la naissance et à la suc recours pour essayer de cerner de plus près cette mas (voir, en français, Ger- cession rapide de nouvelles représentations du réalité empirique fuyante dont on observe pourtant not Erler ef ai, L'Histoire esl'existence4 : on parle de mémoire historique, passé, qui ont remodelé profondément l'identité du camotée. Les tentatives de
liquidation du passé nazi en pays. La tragédie du stalinisme a été réintégrée, puis mémoire collective, mémoire diffusée, mémoire
Allemagne, Paris, La Découvà nouveau refoulée ; la révolution d'Octobre, acte publique, mémoire sociale et ainsi de suite. Pour erte, 1 988). fondateur du système soviétique, a été soumise à ma part, j'essayerai donc de préciser au préalable 2. Sur l'évolution du disune révision radicale ; une ¡mage idéalisée de la mon usage de cette catégorie, du moins en une cours politique en Russie, on
Russie pré-révolutionnaire s'est imposée. Tout en première approximation. peut voir l'étude tout récente
de Ekaterina Levintova, « Po- s'étant initialement affirmée avec une très grande En général, je préfère le terme de mémoire tout litiœskij diskurs v postso- facilité, cette dernière représentation, qui était court à la notion plus répandue, en France surtout, vetskoj Rossii (1992-2001 censée devenir le fondement de la nouvelle ident de mémoire collective. Bien que beaucoup des gg.) », Monitoring obscest-
ité que la Russie voulait se donner au moment où intuitions de Maurice Halbwachs sur la mémoire vennogo mnenija, 2002/2,
pp. 1 6-26. Je tiens à remercelle tournait la page de l'expérience soviétique, a collective5 gardent, à mon avis, en dépit de nomb ier Boris Dubin pour me perdu, au cours des dernières années, de sa force. reuses mises en cause de cette notion6, leur per l'avoir signalé. Une disjonction entre la mémoire officielle pro tinence et leur actualité7, il me semble néanmoins 3. Voir, par exemple, les
pagée par le pouvoir et la vivante de la préférable de recourir à ce concept le moins pos constats de Henry Rousso,
La hantise du passé, Paris, société est apparue à nouveau. En fait, au début du sible, car les usages différents qu'en font les divers Textuel, 1998, p. 14. Pour nouveau siècle, la Russie n'arrive toujours pas à auteurs l'ont transformé en une sorte de récipient une historique de l'entrée de régler ses comptes avec l'expérience traumatique de où coexistent des significations multiples et le plus ces notions dans le vocabulson XXe siècle. Le malaise de la mémoire l'em souvent non explicites : tantôt la mémoire collec aire, voir John R. Jillis,
« Memory and identity: the pêche d'arriver à recomposer les fragments éclatés tive semble se confondre avec la natio
history of a relationship », in de son identité : la décision du président Poutine, à nale, tantôt avec la mémoire officielle, tantôt avec id. (dir.), Commemorations. la fin de 2000, de revenir à l'ancien hymne sovié une contre-mémoire qui s'y opposerait et ainsi de The politics of national identtique, même si c'est avec de nouvelles paroles, peut suite. En outre, dans la mesure où la notion de ity, Princeton, Princeton
être considérée comme l'emblème de ce trouble. mémoire collective est totalisante8, elle ne m'ap- University Press, 1 994, pp. 3-4 et passim. Le but de mon texte est d'essayer d'en expliquer les paraît pas apte à cerner les tensions et les dyna 4. Je renvoie ici aux consiraisons. J'analyserai, en particulier, le sort de la miques qui la traversent, et en particulier l'articula dérations de Henry Rousso, tion toujours mouvante du rapport entre la mémoire mémoire du stalinisme et la manière dont cette der « Les usages politiques du
publique - à savoir la mémoire qui domine dans nière a conditionné les représentations du passé que passé histoire et mémoire»,
in Denis Peschanski, Mil'espace public - et les mémoires des groupes la Russie s'est données au cours de cette période chael Pollack, Henry Rousso convulsive et contradictoire. Mon hypothèse est que sociaux appelés à s'y identifier. Pour éviter toute (dir.), Histoire politique et le refoulement de ce traumatisme majeur de l'histoire confusion, j'utilise la notion de « mémoire collec sciences sociales, Bruxelles,
russe du XXe siècle - un autre passé qui ne passe tive» uniquement pour nommer le souvenir d'ex Complexe, 1991, pp. 243-
264 ; pour une discussion pas^ - joue un rôle de premier plan dans le malaise périences vécues en commun par un groupe critique, voir Marie-Claire actuelle de la mémoire et, plus généralement, dans social, ou même par la société dans son entier. Lavabre, « Du poids et du la difficulté qu'éprouve la Russie aujourd'hui à se Dans les autres cas, il me semble que l'emploi de choix du passé. Lecture cr
l'adjectif «collective» n'ajoute rien au substantif constituer une identité autrement que sur une modali itique du "Syndrome de
Vichy"», ibid, pp. 265-278. té nationaliste. En effet, depuis le début de la pre « mémoire ». 5. Maurice Halbwachs, Les mière guerre contre la Tchétchénie (1994) le natio Par

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