Les capacités des ordinateurs et leurs limites - article ; n°100 ; vol.18, pg 19-37
19 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les capacités des ordinateurs et leurs limites - article ; n°100 ; vol.18, pg 19-37

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
19 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Réseaux - Année 2000 - Volume 18 - Numéro 100 - Pages 19-37
L'auteur propose de réexaminer l'étendue exacte des limites entre les capacités des ordinateurs et les capacités humaines relativement à quatre types de connaissance : la connaissance symbolique, la connaissance incarnée, la connaissance encapsulée dans le cerveau et la connaissance culturelle. Les progrès de l'intelligence artificielle se heurtent aux caractéristiques propres à la connaissance culturelle, notamment à sa transmission par l'éducation et la socialisation. La socialite (socialness), qui désigne la capacité, typiquement humaine, à improviser sans violer de règles, met en jeu deux types d'action : les actions miméomorphiques, qui sont basées sur un schéma comportemental unique, et les actions polymorphiques, qui peuvent être réalisées par plusieurs comportements. Alors que les ordinateurs peuvent imiter les actions du premier type, ils butent sur la complexité des actions qui relèvent du second type.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Harry Collins
Marc Relieu
Les capacités des ordinateurs et leurs limites
In: Réseaux, 2000, volume 18 n°100. pp. 19-37.
Résumé
L'auteur propose de réexaminer l'étendue exacte des limites entre les capacités des ordinateurs et les capacités humaines
relativement à quatre types de connaissance : la connaissance symbolique, la connaissance incarnée, la connaissance
encapsulée dans le cerveau et la culturelle. Les progrès de l'intelligence artificielle se heurtent aux caractéristiques
propres à la connaissance culturelle, notamment à sa transmission par l'éducation et la socialisation. La socialite (socialness),
qui désigne la capacité, typiquement humaine, à improviser sans violer de règles, met en jeu deux types d'action : les actions
miméomorphiques, qui sont basées sur un schéma comportemental unique, et les actions polymorphiques, qui peuvent être
réalisées par plusieurs comportements. Alors que les ordinateurs peuvent imiter les du premier type, ils butent sur la
complexité des actions qui relèvent du second type.
Citer ce document / Cite this document :
Collins Harry, Relieu Marc. Les capacités des ordinateurs et leurs limites. In: Réseaux, 2000, volume 18 n°100. pp. 19-37.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_2000_num_18_100_2210LES CAPACITES DES ORDINATEURS
ET LEURS LIMITES
Harry COLLINS
Réseaux n° 100 - CNET/Hermès Science Publications - 2000 -71-
- à l'exception peut-être des Ainsi que la plupart des animaux
chimpanzés et des dauphins, pour lesquels la question reste ouverte
- les ordinateurs, comme les autres machines, diffèrent des êtres
humains. Cette différence se manifeste le plus clairement lorsque les êtres
humains font usage du langage. Pourtant le langage n'est qu'un symptôme
d'une qualité fondamentale partagée par les être humains et leurs semblables.
J'appelle cette qualité la « socialite » (socialness). Malheureusement, à cause
de dégâts cérébraux ou à la suite d'une éducation inaboutie (par exemple, les
enfants élevés par des animaux sauvages ou enfermés en eux-mêmes depuis
le premier âge) tous les humains ne font pas preuve de socialite. Notez que la
socialite, ainsi entendue, ne concerne pas non plus lesdites « créatures
sociales » : fourmis, abeilles, ou chiens (un cas que nous retrouverons ci-
après). De même, aucun ordinateur connu ou envisageable ne manifeste de
socialite, quoique les réseaux d'ordinateurs soient aussi « sociaux » que les
fourmis ou les abeilles1.
S 'inspirant de Descartes, mon argument établit une division similaire à celle
des frontières de l'âme. Néanmoins, mon acception de cet argument
n'empêche pas, du moins en principe, un ordinateur d'acquérir un jour la
« socialite », car celle-ci n'est pas chose sacrée. Pourtant, la socialite est
mystérieuse ; nous n'en connaissons pas véritablement le ressort et n'avons
par conséquent aucune idée de la manière dont on pourrait l'implémenter
dans des machines actuelles ou envisageables. Quoique nous ne sachions pas
comment la socialite fonctionne, nous pouvons tenter de la décrire. La
socialite est simplement la capacité qui nous permet (1) d'acquérir toutes les
habiletés et le savoir-faire pour lesquels nous ne pouvons pas formuler de
règles, et (2) d'user de ces habiletés et savoir-faire de façon créative et en
empruntant des voies nouvelles sans pour autant violer leurs règles d'usage.
Nous ne connaissons pas explicitement ces règles. Pourtant nous savons que
ces habiletés et ces capacités sont gouvernées par des règles, puisque nous
nous montrons capables de les transgresser. L'exemple qui convient le
mieux pour démontrer ce point est le discours naturel : vous, cher lecteur, ne
1. Pour un développement de la notion de socialite, voir COLLINS, 1998. Réseaux n° 100 22
connaissez pas les règles de construction d'un énoncé acceptable, mais vous
savez pourtant comment produire un nombre indéterminé d'expressions
inacceptables. Nous rencontrons ce type de capacité partout où les gens
s'engagent dans des pratiques ingénieuses, y compris les pratiques
scientifiques2. Cette conception des pratiques humaines est souvent associée
au philosophe Ludwig Wittgenstein3. Nous allons tenter d'atteindre un but
similaire au sien en empruntant une route plus sinueuse.
CE DONT LES ORDINATEURS NE SONT PAS CAPABLES :
QUATRE TYPES DE CONNAISSANCE
La connaissance de type symbolique
Commençons par interroger le processus de transmission des connaissances.
Un téléfilm (dont j'ai oublié le titre) met en scène le transfert des
connaissances d'un cerveau à un autre via des signaux électriques. Un
vétéran du Vietnam a été la victime d'un lavage de cerveau par des chinois
et son cerveau est devenu seulement réceptif. Des coupelles métalliques en
forme de passoire ont été apposées sur son crâne. Lorsque l'une d'elles est
inversée puis reliée via des fils, des amplificateurs et des cathodes à une
coupelle identique placée sur le crâne d'un expert, le vétéran acquiert
rapidement la connaissance de l'expert. Il lui est alors possible de se faire
passer pour un coureur automobile virtuose, un champion de tennis ou qui
que ce soit d'autre. Une fois qu'il dispose des capacités de quelqu'un
d'autre, la CIA peut l'employer comme espion4.
L'attrait de ce modèle « de la double passoire » provient de sa similitude
avec la transmission des connaissances entre ordinateurs. Quand on extrait
des connaissances d'un ordinateur pour les déposer dans un autre, ce dernier
devient identique au premier du point de vue de ses capacités. Les capacités
sont transférées d'un à l'autre sous la forme de signaux
électriques transmis par des cordons ou enregistrés sur des disquettes. Nous
transférons quotidiennement à un ordinateur la connaissance d'un autre - le
point critique étant que Г implementation matérielle (le « hardware ») n'a
2. Un exemple basique en est donné dans COLLINS, 1974.
3. WITTGENSTEIN, 1953.
4. Les applications ordinaires des percées scientifiques brillantes d'Hollywood se révèlent
déprimantes. Les capacités des ordinateurs et leurs limites 23
presque aucune importance. De cette façon, nous pouvons transférer « la
connaissance de type symbolique ».
La connaissance incarnée
L'approfondissement de notre réflexion sur le transfert des connaissances
symboliques entre êtres humains fait naître un ensemble de complications.
Imaginons que le cerveau de notre vétéran du Vietnam ait été rempli des
connaissances d'un champion de tennis. Au moment où il s'apprête à servir
pour son premier match - vlan ! son bras lui fait défaut. Son corps ne
possède pas la structure osseuse ou le développement musculaire nécessaire
pour effectuer un tel service. En outre, on peut se demander comment réagit
la structure des nerfs reliant le cerveau au bras et si le cerveau d'un
champion de tennis contient une connaissance du jeu de tennis adaptée à la
taille et au poids du destinataire. Pour une grande part, « le savoir » dont
dispose le champion pour jouer au tennis est contenu dans son corps5.
Cette métaphore est une version romancée de ce qu'on appelle la « thèse de
l'incarnation » (embodiment thesis). Selon une version plus radicale, la façon
dont nous segmentons le monde physique environnant est fonction de la
forme de notre corps entier. Ainsi, la reconnaissance d'une « chaise » -
quelque chose de notoirement indéfinissable - est fonction de notre taille, de
notre poids et de la façon dont nous pouvons plier les genoux. La façon dont
nous segmentons le monde, comme notre capacité d'en reconnaître les
coupes, sont des conséquences de la conformation de nos corps.
Nous disposons maintenant des prolégomènes à un système de
classification ; certains types de savoir/capacité/savoir-faire ne peuvent pas
être simplement transférés par des signaux émanant d'un cerveau/ordinateur
et reçus par un autre. Ce type de connaissance apparaît dépendre d'un
support « matériel », tandis que d'autres types de connaissance peuvent être
transférés sans que le « hardware » entre en ligne de compte.
5. Cela ne concerne pas se

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents