Les ruraux algériens et l État - article ; n°1 ; vol.45, pg 67-79
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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1987 - Volume 45 - Numéro 1 - Pages 67-79
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claudine Chaulet
Les ruraux algériens et l'État
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°45, 1987. pp. 67-79.
Citer ce document / Cite this document :
Chaulet Claudine. Les ruraux algériens et l'État. In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°45, 1987. pp. 67-
79.
doi : 10.3406/remmm.1987.2171
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1987_num_45_1_2171Claudine Chaulet
LES RURAUX ALGÉRIENS ET L'ÉTAT
L'Algérie a déjà sa place dans les tableaux comparatifs des politiques agraires
dans le monde, et désormais au chapitre des libéralisations.
Discours, objectifs et interventions concernant les campagnes ont été le plus sou
vent analysés, selon les auteurs et les périodes, en rapportant au pouvoir étatique,
au poids relatif de ses différentes composantes, les résultats obtenus en termes de
production agricole. Ce type de lecture est nécessaire. Il reste insuffisant si les
destinataires des politiques ne sont pas d'autre part présentés dans leurs attentes,
leurs pratiques et leurs discours.
Car, bien sûr, ce qui s'est passé dans les campagnes algériennes, et plus précisé
ment dans les exploitations agricoles, est aussi le résultat de la façon dont les acteurs
ruraux ont reçu mais également suscité, utilisé ou détourné, transformé ou ren
voyé les interventions dont ils étaient l'objet.
Le reconnaître, c'est poser l'existence dans les campagnes d'une capacité d'auto
nomie, hypothèse exclue à qui se les représente comme simple lieu de résidence
d'une paysannerie attardée ou d'une «masse» misérable.
On voudrait au contraire montrer ici la complexité de la société rurale, les diffé
renciations et contradictions qui la traversent, les capacités d'initiatives et d'alliances
qui peuvent s'y dégager. On cherchera de plus à montrer selon quelles lignes des
groupes sociaux, capables d'être porteurs de stratégies, s'y sont constitués, et com
ment se structure une nouvelle société rurale dont la contribution au «développe
ment», pour n'être ni agricole ni «intégrée», n'en n'est pas moins décisive.
Une telle présentation devrait être régionalisée, les enjeux étant différents selon
les potentialités des différents milieux naturels et l'histoire locale. Cela n'est pas
possible ici faute de place, et en général faute d'études de base suffisamment fines
et suivies.
Elle doit être périodisée, ce qui sera fait, pour simplifier, selon un schéma qui
retient les accentuations du politique et de l'économique, donc les conditions dans
lesquelles se sont successivement trouvés placés les ruraux.
• 1962-1971. C'est la période dominée par la nationalisation, la prise en main
par l'État national de l'héritage colonial. Elle commence juste après l'indépen
dance, par les choix concernant le devenir des fermes des colons, et s'achève, juste
ROMM 45, 1987-3 68 / C. Chaulet
après la prise de pouvoir sur les hydrocarbures, par la publication des textes de
la «Révolution Agraire».
• 1972-1979. C'est la période pendant laquelle l'État, grâce à la distribution des
revenus du pétrole, organise le politique, l'économique, le social autour d'un proj
et de «collectifs» dirigés et reproduits par lui. A la mise en place des assemblées
communales, de wilaya, nationale, aux créations d'entreprises publiques où s'appli
que la «Gestion socialiste des entreprises», à la réforme de l'Enseignement supér
ieur, à la scolarisation massive, à la médecine gratuite... répondent, dans le domaine
agricole, la création des coopératives de production et des coopératives communal
es des services (C.A.P.R.A. et C.A.P.C.S.), ainsi que le dirigisme productiviste
exercé sur les domaines «autogérés». C'est aussi une période de large création
d'emplois non agricoles, d'élargissement de la demande interne, et de constitution
de positions privilégiées au sein et en aval du «secteur public».
• 1980-1987. C'est la période où les problèmes de gestion et, à partir de la dimi
nution des revenus des hydrocarbures, les d'équilibre financier s'impo
sent : le discours officiel sinon les pratiques, s'organise autour de l'initiative, de
l'autonomie, de l'intéressement matériel, du marché, et est relayé par la fraction
de l'opinion publique qui est sensible aux courants internationaux. En ce qui con
cerne l'agriculture, cela se traduit par une série de mesures de «libéralisation»,
l'intervention de l'État étant concentrée, avec vigueur depuis 1984, sur le soutien
technique et le crédit aux producteurs, considérés indépendamment de leur statut.
Faut-il rappeler que, au long de ces trois périodes, la production agricole glo
bale a, non pas décru, mais stagné ou faiblement augmenté, résultat critique dans
la mesure où il n'était obtenu qu'au prix d'une augmentation des moyens mis en
œuvre, et alors que la population doublait tout en accédant au droit de se nourrir
mieux (S. Bedrani, 1987)? Les aspects techniques et économiques de cette crise
ont fait l'objet d'analyses qui suggèrent des solutions, «intensification» et «mana
gement». On essaiera ici de remonter à ses origines pour la comprendre comme
expression des transformations sociales, de la rencontre entre dynamique de l'État
et dynamique de la société civile.
QUELQUES DÉFINITIONS, ET UNE HYPOTHÈSE
Le terme «ruraux» sera employé ici comme une expression commode (le pluriel
ayant pour fonction de rappeler sans cesse la diversité des situations concrètes)
pour désigner l'ensemble des acteurs qui, du fait de leur résidence, pourraient être
concernés par le travail de la terre et les activités qui lui sont liées, et qui entre
tiennent entre eux des rapports de proximité donnant à leurs échanges et à leurs
oppositions un style différent de celui qui caractérise les villes.
Cette expression est préférée à «paysannerie», qui trop souvent recouvre diff
érences et contradictions sous le voile de connotations vertueuses et anachroniques.
Tous les ruraux ne sont pas engagés dans une activité agricole. La campagne est
aussi le lieu de résidence de travailleurs de l'industrie et des B.T.P., de fonction
naires, de commerçants, d'entrepreneurs... Au recensement de 1977, la moitié envi
ron de la population active recensée dans les campagnes a déclaré être employée
en dehors de l'agriculture. Quant aux hommes actifs dans l'agriculture (les formes
sociales de reconnaissance de l'activité des femmes étant très complexes, on les Les ruraux algériens et l'Etat I 69
laissera provisoirement de côté) ils n'ont pas tous le même statut, ni le même rap
port à la terre, ni la même insertion sociale.
Il est nécessaire de distinguer parmi eux :
• les salariés stables des grandes exploitations agricoles (coloniales, puis publi
ques), ouvriers intégrés dans une organisation du travail hiérarchisée et rémunér
és par un salaire en argent : ils ont à défendre leur emploi, leur pouvoir d'achat,
leurs droits sociaux, leurs conditions de travail.
• Les travailleurs rémunérés à la part de produit, dont la condition varie avec
les modalités du contrat qui les lie au propriétaire.
• Les salariés à la journée, sans garantie d'emploi permanent. Ils peuvent chan
ger de secteur d'activité (agricole, non agricole, public, privé) ou de lieu de tra
vail. Leur problème est l'instabilité, l'insécurité.
• Les salariés saisonniers, dont la période d'emploi peut se répéter régulièr
ement d'une année à l'autre, et le lieu être éloigné de leur résidence habituelle.
Leur statut est déterminé par leur situation entre les périodes de grands travaux
agricoles (journaliers, chômeurs, agriculteurs, aides familiaux, actifs non salariés...)
• Les agriculteurs qui ne consacrent qu'une partie de leur temps à leur exploi
tation et exercent d'autre part une ou des activités agricoles ou non agricoles, sala
riées ou non, hors de leur exploitation.

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