Les sectes en France. Marges et dissidences - article ; n°1 ; vol.66, pg 67-78

Jean-Pierre Chantin

Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 2000 - Volume 66 - Numéro 1 - Pages 67-78
La question des sectes en France a été récemment relancée par les suicides-homicides d'adeptes de l'Ordre du Temple solaire en Suisse et dans l'Hexagone. Le débat est depuis mené par les parlementaires et les groupes antisectes qui s'opposent très régulièrement aux sociologues sur le danger de tel ou tel groupe, et sur l'opportunité de l'emploi du mot secte.
L'historien doit avoir son mot à dire en replaçant le phénomène dit « sectaire » dans une plus longue durée. Le cas de la France est sur ce point particulièrement intéressant. Les groupes les plus divers s'y sont succédé, et beaucoup sont autochtones. Le contexte religieux particulier de notre pays a créé une originalité dans le monde catholique que l'on peut suivre jusqu'à aujourd'hui. Il serait pourtant préférable d'évoquer ces mouvements comme étant « en marge » des grandes traditions spirituelles mondiales (et, dans ce cas précis, presque exclusivement chrétienne), ce qui renforcerait la perception du tournant pris depuis les années 1970, une évolution plus particulièrement étudiée par les sociologues.
The issue of sects in France bas recently corne back on the scene with the suicide-homicides of the members of the Order of the Sun Temple in Switzerland and France. The debate is nota with the members of Parliament and anti-sect groups that regularly disagree with the sociologists as to the danger of this or that group and of the sense in using the word sect.
The historian should have his/her word to say by putting the « sectarian » pheno-menon in a longer frame. The case of France is particularly interesting. Many native and extremely varied groups bave corne and gone. The religions context in our country created an originality in the Catholic world that still exists today. It would be better though to consider these movements at the margins of the world spiritual traditions (and in this precise case, almost exclusively Christian), which would reinforce the perception of change taken as of the 1970s, one particularly studied by sociologists.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: VINGTIEME_SIECLE-_REVUE_D-HISTOIRE
• Publié le: 01 janvier 2000
• Nombre de lectures: 69
• Langue: Français
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Extrait

Jean-Pierre Chantin
Les sectes en France. Marges et dissidences
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°66, avril-juin 2000. pp. 67-78.
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Chantin Jean-Pierre. Les sectes en France. Marges et dissidences. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°66, avril-juin 2000.
pp. 67-78.
doi : 10.3406/xxs.2000.4563
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_2000_num_66_1_4563Résumé
La question des sectes en France a été récemment relancée par les suicides-homicides d'adeptes de
l'Ordre du Temple solaire en Suisse et dans l'Hexagone. Le débat est depuis mené par les
parlementaires et les groupes antisectes qui s'opposent très régulièrement aux sociologues sur le
danger de tel ou tel groupe, et sur l'opportunité de l'emploi du mot secte.
L'historien doit avoir son mot à dire en replaçant le phénomène dit « sectaire » dans une plus longue
durée. Le cas de la France est sur ce point particulièrement intéressant. Les groupes les plus divers s'y
sont succédé, et beaucoup sont autochtones. Le contexte religieux particulier de notre pays a créé une
originalité dans le monde catholique que l'on peut suivre jusqu'à aujourd'hui. Il serait pourtant préférable
d'évoquer ces mouvements comme étant « en marge » des grandes traditions spirituelles mondiales
(et, dans ce cas précis, presque exclusivement chrétienne), ce qui renforcerait la perception du tournant
pris depuis les années 1970, une évolution plus particulièrement étudiée par les sociologues.
Abstract
The issue of sects in France bas recently corne back on the scene with the suicide-homicides of the
members of the Order of the Sun Temple in Switzerland and France. The debate is nota with the of Parliament and anti-sect groups that regularly disagree with the sociologists as to the
danger of this or that group and of the sense in using the word sect.
The historian should have his/her word to say by putting the « sectarian » pheno-menon in a longer
frame. The case of France is particularly interesting. Many native and extremely varied groups bave
corne and gone. The religions context in our country created an originality in the Catholic world that still
exists today. It would be better though to consider these movements at the margins of the world spiritual
traditions (and in this precise case, almost exclusively Christian), which would reinforce the perception
of change taken as of the 1970s, one particularly studied by sociologists.LES SECTES EN FRANCE
MARGES ET DISSIDENCES
Jean-Pierre Chantin
La question des sectes revient r très régulièrement exploitée par les journal
égulièrement inquiéter l'opinion et les méd istes et les groupes antisectes et envoyée
ias. La longue histoire des dissidences re aux procureurs de la République par le mi
ligieuses en France est-elle susceptible nistère de la Justice, est contestée par les
d'éclairer leur prolifération récente, et de chercheurs qui s'interrogent sur l'opportun
mettre en valeur une spécificité hexago ité d'y faire figurer tel ou tel groupe 2.
nale ? Ou confirme-t-elle au contraire la Aucun spécialiste n'a été auditionné par la
nouveauté radicale des dérives sectaires commission d'enquête, pas plus que ne l'a
dont l'Occident est le théâtre depuis été Mgr Vernette, représentant de l'épis-
bientôt trois décennies ? C'est en historien copat français pour ces questions, et à ce
des marges du catholicisme que Jean- titre peu susceptible d'être suspecté 3 de
Pierre Chantin explore ce dossier contro complaisance pour les sectes. L'Observat
versé. oire interministériel sur les sectes, créé en
1996, les ignorait lui aussi : aux côtés des
L'une des questions très contempor représentants des différents ministères
aines qui semblent hanter les esprits concernés, le groupe des « personnalités
dans nos sociétés occidentales est qualifiées » était surtout composé de dé
celle des déviations religieuses, jugées gl putés et de sénateurs, et de deux représent
obalement néfastes. L'exemple français est ants des mouvements antisectes 4.
sur ce point particulièrement éclairant : Il nous paraît intéressant pourtant de re
l'analyse de la situation est très r placer le phénomène actuel des diss
égulièrement faite, au mieux, par des socio idences religieuses françaises dans une
logues ou ethnologues, mais ils sont con perspective historique qui manque généra-
currencés par les médias et les associations
2. Massimo Introvigne, J. Gordon Melton (dir.), Pour en antisectes. Quant aux historiens, ils parais
finir avec les sectes. Le débat sur le rapport de la commission sent singulièrement absents d'un débat qui parlementaire, Milan, Cesnur-Di Giovanni, 1996, en particul
ier la deuxième partie, ■< Quelques problèmes spécifiques », a été largement lancé sur la place publique
p. 231-343. Cf., également, les déconvenues d'un groupe depuis la tragédie de l'Ordre du Temple accusé à tort par le rapport, dans Nathalie Luca, Frédéric Le-
solaire, au cours de laquelle cinquante- noir, Sectes. Mensonges et idéaux, Paris, Bayard Éditions,
1998, p. 292-298. trois puis seize de ses membres (plus trois 3- Le rapport annuel de l'Observatoire interministériel sur
de leurs enfants) ont été trouvés morts en les sectes rappelle en 1997 que des « juristes, sociologues et
historiens des religions » se sont réunis après la publication Suisse et dans le Vercors (octobre 1994 et du rapport parlementaire (cf. Massimo Introvigne, J. Gordon décembre 1995 ')• Une commission d'en Melton (dir), op. cit., « Les raisons d'une controverse »,
p. 15-55), et affirme qu'ils - s'étaient jusqu'alors exprimés iquête parlementaire a été constituée en
ndividuellement en faveur des "nouvelles minorités juillet 1995 ; les députés qui la compos religieuses" ■■ (p. 15). Cela n'a pas empêché les membres de
aient ont établi une liste de sectes pré cette commission de rencontrer ultérieurement certains de
ces « spécialistes et chercheurs du champ religieux » (Observsentes sur le territoire national. Cette liste, atoire interministériel sur les sectes, Rapport annuel 1997,
Paris, La Documentation française, 1998, p. 40).
1. Il faudrait ajouter le suicide de cinq membres de l'OTS 4. Journal Officiel de la République française, Y7 sep
au Québec en mars 1997. tembre 1996.
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avril-juin Vingtième 2000, Siècle. p. 67 Revue à 78. d'histoire, 66, Jean-Pierre Chantin
lenient aux présentes analyses « à chaud », lent au préalable les différents sens qui
au risque d'omettre une possible singular ont été donnés par les chercheurs, surtout
ité nationale. Il ne s'agit nullement ici de des sociologues. Mais les élus rapportent
prétendre que les débats contemporains ensuite la notion de secte à dix critères
sur les phénomènes sectaires ne seraient utilisés par les Renseignements Généraux,
que la répétition d'affrontements plus an qui font explicitement référence à la
ciens. Mais ce recul peut permettre de « dangerosité de groupes à prétention rel
comprendre, à travers l'exemple français, igieuse », un seul de ces critères réalisés
en quoi le débat qui a toujours opposé les suffisant à stigmatiser un groupe comme
Églises aux sectes a changé, et de mieux sectaire. Cette approche n'est guère
saisir l'originalité des mouvements apparus satisfaisante 3. Il n'est pas difficile d'éva
depuis une trentaine d'années - phéno luer « le caractère exorbitant des ex
mène d'ailleurs largement étudié par les igences financières », mais que dire des re
sociologues. En permettant la mise en ligieux catholiques qui cèdent l'admi
perspective de ce bouleversement récent nistration de leurs biens à l'organisme qui
par sa confrontation à la longue durée des les accueille ? Certaines de leurs commun
groupes situés en marge des grandes tradi autés ne conduisent-elles pas à une
« rupture induite avec l'environnement tions religieuses, la démarche historienne
peut aider sinon à relativiser la question, d'origine », troisième critère ? Qu'en
du moins à la cerner au plus près. Le cas tendre en outre par « embrigadement des <