Linguistique et intelligence artificielle - article ; n°87 ; vol.22, pg 21-31
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Description

Langages - Année 1987 - Volume 22 - Numéro 87 - Pages 21-31
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 17
Langue Français

Extrait

Bernard Pottier
Linguistique et intelligence artificielle
In: Langages, 22e année, n°87, 1987. pp. 21-31.
Citer ce document / Cite this document :
Pottier Bernard. Linguistique et intelligence artificielle. In: Langages, 22e année, n°87, 1987. pp. 21-31.
doi : 10.3406/lgge.1987.1960
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1987_num_22_87_1960Bernard POTTIER
Université de Paris-Sorbonne
LINGUISTIQUE ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
1. Le besoin d'ouverture en linguistique
La linguistique a pour vocation l'étude du phénomène langagier dans son ensemb
le, comme activité humaine générale manifestée par un grand nombre de langues
naturelles (LN). La complexité du domaine est telle qu'il est légitime d'y découper un
certain nombre de tranches d'intérêt, mais on comprend mal que ce qui n'est qu'une
approche partielle puisse être présentée comme une finalité en soi. Le foisonnement
des adjectivations ces dernières années (linguistique structurale, fonctionnelle, distri-
butionnelle, quantitative, automatique, formelle, generative, relationnelle, transfor-
mationnelle, « scientifique »...) révèle probablement un désarroi devant la vastitude
du champ de la recherche, surtout qu'il faut y ajouter la série préfixale psycho-,
ethno-, sodo-, neuro-, patho-, sémio- et autres. Les méthodes d'approche d'une part,
les relations avec des disciplines voisines d'autre part, obligent le linguiste à tenu-
compte de l'ensemble de ce qui peut contribuer à une meilleure explication des fonc
tionnements du langage et des faits de langue. Les engouements, même durables,
comme celui qui a été manifesté pour la grammaire generative, ont nécessairement
une fin, du type du « serpent qui se mord la queue ». Voici le sévère jugement de
R. Thom : « La générativité, qui fut le dogme central de la grammaire generative,
ressemble fort à une illusion [...] n'est sans doute rien de plus qu'une illusion formal
iste » (1985a, p. 179, 180). Certains linguistes américains réagissent nettement contre
le « partialisme » (partiel et partial) régnant : « Les structures grammaticales ne cons
tituent pas un système formel ou niveau de représentation autonome [...] Nous consi
dérons qu'une sémantique formelle fondée sur des conditions de vérité est inadéquate
pour décrire le sens des expressions linguistiques » (Langacker, 1986, p. 1, 2).
Les scientifiques ont tout naturellement été tentés par ces mécanismes soumis à
des « règles », et les graphes, les algorithmes, leur sont familiers. On est frappé par le
fait que les articles parus récemment dans des revues comme La recherche ou Pour la
science, et présentant au grand public averti des aspects du traitement automatisé des
langues par ordinateur, soient, au niveau théorique, peu différents de ce qui se faisait
en traduction automatique dans les années soixante.
Notre opinion est qu'il faut délibérément se tourner vers des recherches beaucoup
plus délicates, peu formalisables, fondées quand il le faut sur l'intuition et sur l'intro
spection (mots tabous pour ceux qui croient que tout est directement observable), cette
recherche se situant essentiellement au niveau de la conceptualisation.
Depuis vingt ans, nous tentons de développer la réflexion sur les conditions du
passage du monde référentiel infini par nature, à l'expression en LN, sensiblement
contrainte, à travers la conceptualisation (voir une synthèse dans Pottier 1987). Dans
l'optique des lecteurs intéressés par les problèmes liés à l'intelligence artificielle, nous
21 avons choisi de présenter quelques questions relatives au cognitif, au mental, à la
représentation imaginée et imaginaire. De nombreux travaux récents ouvrent des pers
pectives, élargissent le domaine, aèrent le champ clos des dissections savantes. Nous
évoquons en particulier des publications de Changeux, Finke, Langacker, Thom,
Wierzbicka, Yau (cf. Bibliographie). Ce choix correspond à une intention de dépayse
ment, absolument nécessaire devant le caractère répétitif d'une partie importante de la
littérature linguistique en France.
Si l'on admet que le langage 'a d'abord une fonction de représentation du monde,
d'où ses facultés d'expression et de communication, on comprendra que nous posions
comme unité de base le concept d'événement (EVE). Cela signifie que nous sommes
sensibles à des tranches ou séquences relationnelles, dans une chaîne événementielle
continue (celle de notre vie). Par nécessité, nous découpons les événements : il y a des
pauses, des zones d'intensité, des flux et des reflux. Aucune définition stricte ne
pourra être donnée de l'EVE. Mais « un enfant qui glisse et tombe », « la contemplat
ion d'un tableau du Greco », « le souvenir qu'on a oublié ses clés à la poste » en sont
des exemples. La verbalisation pourra prendre les formes les plus diverses. Quant aux
bornes de l'EVE, elles seront toujours ouvertes. « Une pomme tombe d'un arbre »
peut avoir un avant (le vent souffle) et un après (je vais la manger) et ainsi de suite.
Langacker s'intéresse aux « types d'événements cognitif s dont l'occurrence constitue
une expérience mentale donnée » (1986, p. 3). Dans le domaine du langage gestuel, ce
sera une pantomine de la chaîne mimique (Yau 1982).
2. Représentation et expression
2.1. Le vécu et l'imaginaire ; le visuel et l'auditif
La représentation mentale n'apparaît que dans ses manifestations. Pour notre pro
pos, nous mettrons en parallèle celles qui sont directement observables et celles qui ne
le sont pas, mais qui sont tout aussi importantes du point de vue de la représentation.
Observable Non-observable
de l'extérieur de l'extérieur
LN orale (AUDITIF) IA : imaginaire auditif
LN écrite 1 IV : visuel
LG (langage > (VISUEL) (les autres sens pourraient aussi être
gestuel) j considérés)
Tous ces systèmes supposent un fonctionnement à base de mémoire (MEM), et
une compétence polyvalente, fondée à la fois sur la faculté de rappel du déjà vu ou
entendu (re-voir) et sur la faculté d'appel, celle qui permet d'imaginer, de créer (pré
voir).
Le langage gestuel offre de grands parallélismes avec la LN (Yau 1982, 1986). Il
s'agit dans ce cas d'un LG créé par un sujet ne connaissant pas de LN, et seulement
conditionné par l'entourage socio-culturel et les conditions percepto-cognitives général
es. Un exemple : la péronymie verbale « une larme glissait le long de sa joue » (pour
l'orthonyme pleurait) se retrouve dans le geste de l'« index pointé glissant du bord
inférieur de l'œil le long de la joue » (Yau 1982). Ce LG suit un iconisme fort. En LN
22 on peut aussi en être proche. En LN lexigraphique, orale ou écrite, on idéographique,
a recours soit à un signe intégrant démotivé {larme, pleurer), soit à une série ouverte
de péronymies, par ex. « une goutte de rosée glissait sur sa joue ».
Du côté du non-observable se trouve l'imaginaire. Prenons le cas de l'imaginaire
visuel. Nous n'avons aucune difficulté à re-voir dans notre esprit la tour Eiffel, le
visage d'un ami, un coucher de soleil ou un triangle rectangle. Mais on note qu'on
passe insensiblement d'un re-voir à un pré- voir. Avez- vous déjà vu une girafe sur un
terrain de rugby ? Probablement pas. Or vous voyez la scène dans votre tête sans
aucune difficulté. Ajoutez un nœud au cou de la girage (soit que son cou fasse un
nœud, soit qu'on la décore d'un nœud d'organdi rouge) et vous créez encore aisément
cette scène. Il n'y a pas de limite à l'imaginaire, lequel peut ensuite être verbalisé en
LN. L'imaginaire involontaire est le rêve, que l'on peut également dessiner ou racont
er.
Si je recherche dans un texte tous les h, j'ai en tête une image-filtre du h qui se
superpose aux h du texte et permet une identification rapide. Finke (1986) suppose
ainsi que ce sont les mêmes mécanismes neuroniques qui régissent la perception
visuelle et l'imagerie mentale. Cela paraît satisfaisant.
On constate que nous avons une énorme compétence prévisionnelle : le joueur de
billard qui voit le parcours de la boule, le pa

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