Linguistique et sociologie - article ; n°11 ; vol.3, pg 3-35
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Description

Langages - Année 1968 - Volume 3 - Numéro 11 - Pages 3-35
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Joseph Sumpf
Linguistique et sociologie
In: Langages, 3e année, n°11, 1968. pp. 3-35.
Citer ce document / Cite this document :
Sumpf Joseph. Linguistique et sociologie. In: Langages, 3e année, n°11, 1968. pp. 3-35.
doi : 10.3406/lgge.1968.2899
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1968_num_3_11_2899J. SUMPF
Faculté des Lettres et Sciences humaines
de Paris-Nanterre
LINGUISTIQUE ET SOCIOLOGIE
Les rapports entre linguistique et sociologie sont évidemment multi-
voques. La plupart du temps, en France, lorsque le sociologue va vers
la linguistique ou tout au moins vers quelque chose qui lui ressemble,
il s'agit d'analyse de contenu.
Cette expression recouvre un ensemble si hétéroclite de préoccupat
ions, de méthodes qu'on peut lui dénier toute valeur (Hockett) x. Cepen
dant, la fréquence des références indique sans aucun doute un besoin de
la recherche 2. Il semble possible, avec F. Lévy 3 de distinguer les conte
nus linguistiques et les contenus non linguistiques (les comportements
par exemple), de distinguer à l'intérieur du premier groupe l'analyse docu
mentaire, lecture normalisée d'un corpus, et l'analyse de contenu selon
des catégories imposées par le chercheur à l'ensemble du corpus, ou à
l'univers, car la plupart du temps le corpus n'est même pas défini en
tant que tel. Enfin on peut s'interroger, comme le font Moscovici et Henry
dans l'article du présent numéro, sur la finalité et la valeur des différentes
méthodes possibles.
D'une manière plus « ontologique », on peut dire que dans l'analyse
de contenu, la linguistique et la sociologie tentent de coopérer à l'éluci-
dation d'un champ à la fois vital et mal défini. En effet, que ce soit à
propos des rapports du patient et du psychothérapeute, ou de la vie
politique dans ces différents aspects (mythes, slogans, élites, etc.), il
s'agit toujours de rechercher un effet, un accent, liés eux-mêmes à une
force plus ou moins efficace, l'attention. Le germe de l'action politique
ou thérapeutique est dans l'attention, force diffuse qui oriente le patient
ou la vie politique, diminue, augmente en tel ou tel point, en tout cas
1. Hockett, in Language in Culture, Edited by Harry Hoijer, The American
Anthropological Association, vol. 56, n° 6, part 2, Mémoire 79, décembre 1954, p. 151.
2. Par exemple, F. Isambert, « L'analyse des attitudes religieuses », Archives
Soc. des Religions, 6 (II), janvier-juin 1961, pp. 35-52.
3. F. Lévy (n° spécial du Bulletin du C. E. R. P. sur l'analyse de contenu). et se manifeste par des termes plus ou moins fréquents. Certes, change
l'attention s'incarne dans des attitudes, des habitudes signifiantes (mea
ning habits), mais l'attention est au premier chef, une force.
L'intérêt anthropologique d'une telle recherche est évident puisqu'il
lie Freud et Marx 4, linguistique et sociologie, dans l'appréhension de
l'action globale du politique ou de l'analyste. On peut trouver des préoc
cupations analogues liées à un autre cadre, à une autre méthodologie
dans l'œuvre de G. Le Bras que F. Isambert définit comme une « éner-
J( gétique typologique 5 ».
Mais dans le cas de Lasswell et de ceux qui lui sont plus ou moins
liés, l'urgence des problèmes a pour ainsi dire commandé la méthodologie.
Dès lors, nous nous trouvons en présence, comme c'est souvent le cas
du praticien, d'une logique d'autant plus confuse qu'elle tente de multi
plier les voies d'accès à cette force plus ou moins intense qui est la clef
de la compréhension et de la prévision du changement. Berelson dresse
une liste des catégories de signifiés (valeurs, acteurs, etc.). I.-L. Janis
tente de distinguer différents types d'analyse (l'analyse du signifiant en
lui-même [sign- vehicle analysis], l'analyse sémantique [désignation, attri
bution, assertion analysis]) et de diriger chaque type d'analyse vers l'objet
qui lui est le plus adéquat. Ainsi l'analyse de désignation indique les
tabous, les préférences, etc. Le coefficient d'imbalance permet de donner
une formule du déséquilibre ou de l'équilibre de l'attention 6.
Si Osgood et, plus ou moins à sa suite, Ithiel de Sola Pool prennent
davantage appui sur le signifiant (l'attitude est définie par l'association
plus ou moins étroite), il n'en reste pas moins qu'un certain nombre de
difficultés sont communes à toutes les tentatives. 1° Difficultés du codage :
définition des unités, recueil des données, statut de la fréquence. 2° Diffi
cultés de définition des catégories d'analyse : inconvénients connus de
l'analyse factorielle, par exemple. Dans tous les cas le langage est manip
ulé, sollicité au-delà de ce qu'il peut donner, l'énoncé disparaît sinon
(ce qui est pire) sous le thème du moins sous le concept. Comment établir
son sens, sa représentativité puisque l'ensemble du lexique n'a pas été
inventorié et structuré? A ces objections de Weinreich 7, Osgood répond
que la preuve de la validité de l'inférence des signifiants associés à l'atti-
4. Voir les articles de Lasswell, in Psychanalytic Review, 1935, 22, pp. 10-24,
et 1936, 23, pp. 245-247. Psychiatry, 1938, 1, pp. 197-204. Voir in The Hayden coll
oquium ou Scientific method and concept, édité par Daniel Lerner, The Free Press 1961,
221 p. [Lasswell, 103-116.] La référence à la liaison à la fois critique et positive entre
idéologie et matérialité.
5. Cahiers internationaux de sociologie, vol. 20, janvier-juin 1956, pp. 149-169.
6. Voir sur tous ces points : H.-D. Lasswell, Y. « Leites and associates. Lan
guage of Politics », Studies in Quantitative Semantics, G.-W. Stewart, New York, 1949.
7. Voir un exposé pédagogique des thèses d' Osgood in R. Wells, Cahiers Fer
dinand de Saussure, 15-1967, pp. 117-136. Voir aussi Jodelet, Traité Fraisse et Piaget,
t. VIII. — La critique de Weinreich figure dans Word, 14, 1958. Travels through semant
ic space, pp. 340-366. Réponse d'Osgood : Semantic Space revisited, Word, 1959,
pp. 192-201. signifiée tient à la cohérence des réponses et même à leur universtude
alité. Il n'en reste pas moins vrai qu'à moins de réduire l'échelle évalua-
trice à un contenu très pauvre et, par-là même, à moins de ne rien satisfaire
des exigences communes de la linguistique et de la sociologie, l'on ne
peut détacher l'attitude de la culture (ainsi l'hypothèse de Weinreich qui
corrèle le caractère plus ou moins évaluatif du lexique avec le degré de
richesse économique du pays) et par conséquent de la structure interne
du langage.
On peut certes, comme le font Berelson et Lazarsfeld 8 approcher
de la rigueur linguistique en détaillant les dimensions de la communic
ation (réception, source; décomposition du thème en instance telles
que l'auditoire visé; le problème; les méthodes, etc.). Mais il s'agit tout
au plus des cadres assez lâches, indiqués par Morris, ou d'évidences com
modes. La vérité des schémas « linguistiques » est dans l'intention socio
logique qui commande les recours à l'analyse de contenu. Or le moins
qu'on puisse dire c'est que les capacités de prévision de l'analyse de
contenu sont faibles (par exemple l'attaque de la Norvège par l'Allemagne
n'a pas été précédée d'une évolution marquée de thèmes significatifs dans
la presse allemande). L'analyse de contenu est-elle une bonne description
de l'univers dans lequel se meuvent l'enquêteur et l'enquêté? Nous retrou
vons là de nouveau, comme dans la controverse Osgood-Weinreich, des
concepts comme ceux de culture commune, de consensus, de sens, de
communication, de description, etc. Dans ce cas, les rapports entre la
linguistique et la sociologie sont ceux de la linguistique générale et de
la sociologie générale. A ce niveau, pour peu qu'on se familiarise avec
l'immense littérature où se trouvent indiqués des thèmes communs à la
sociologie et à la linguistique, deux impressions dominent. D'une part
le thème « société » (ou celui de nation, ou de culture) hante la linguis
tique comme une évidence à la fois utile, mal définie et contradictoire.

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