Musée et société dans l Europe moderne - article ; n°2 ; vol.98, pg 991-1096
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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1986 - Volume 98 - Numéro 2 - Pages 991-1096
Dominique Poulot, Musée et société dans l'Europe moderne, p. 991-1096. Le statut si particulier de la collection a fait l'objet de théories diverses et contradictoires, ici répertoriées. Pour certains il ne peut y avoir d'histoire des collections, car l'intérêt collectionneur, universel et éternel, relève de la seule psychologie. Chez d'autres l'histoire des collections n'est que le reflet d'une histoire des idées et des goûts esthétiques de la société des amateurs. Dans ces deux hypothèses, les plus courantes, la transformation de collections privées en musée public n'est qu'une vicissitude sans grandes conséquences. On tient généralement la collection pour figure déterminante de l'histoire des rapports aux objets, le musée n'étant que construction idéologique particulière. L'analyse sociologique, comme l'histoire du goût, travaillent sur les collectionneurs et les mécènes; l'épistémologue ou l'historien d'art sur les ruptures dans l'ordre des systèmes de pensée ou des modes. Le clivage privé/public ne retrouve toute sa pertinence qu'à l'intérieur du champ (v. au verso) institutionnel. Si l'on tient que le musée a une histoire qui n'est pas celle de la collection, il faut partir de cette évidence qu'il est d'abord institution, et ne pas considérer exclusivement son fonds. On devra dès lors explorer les rapports qu'il entretient avec l'académie et l'école de dessin, les liens tissés avec les techniques d'inventaire et les mutations architecturales (l'éclairage et la disposition), la dépendance politique à l'égard des visées d'utilité (économique et nationale), comme du souci d'instruction et de progrès des arts. Une typologie « archéologique » reste à fonder ; s'opposent ainsi l'exposition de la qualité des œuvres et l'exposition du devenir des maîtres, le musée encyclopédique à fins pédagogiques et le musée-mémorial du grand homme, le musée traditionnel et le musée déterritorialisé, ou musée jacobin.
106 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 58
Langue Français
Poids de l'ouvrage 7 Mo

Extrait

Dominique Poulot
Musée et société dans l'Europe moderne
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 98, N°2. 1986. pp. 991-1096.
Résumé
Dominique Poulot, Musée et société dans l'Europe moderne, p. 991-1096.
Le statut si particulier de la collection a fait l'objet de théories diverses et contradictoires, ici répertoriées. Pour certains il ne peut
y avoir d'histoire des collections, car l'intérêt collectionneur, universel et éternel, relève de la seule psychologie. Chez d'autres
l'histoire des collections n'est que le reflet d'une histoire des idées et des goûts esthétiques de la société des amateurs. Dans ces
deux hypothèses, les plus courantes, la transformation de collections privées en musée public n'est qu'une vicissitude sans
grandes conséquences. On tient généralement la collection pour figure déterminante de l'histoire des rapports aux objets, le
musée n'étant que construction idéologique particulière.
L'analyse sociologique, comme l'histoire du goût, travaillent sur les collectionneurs et les mécènes; l'épistémologue ou l'historien
d'art sur les ruptures dans l'ordre des systèmes de pensée ou des modes. Le clivage privé/public ne retrouve toute sa pertinence
qu'à l'intérieur du champ
(v. au verso) institutionnel. Si l'on tient que le musée a une histoire qui n'est pas celle de la collection, il faut partir de cette
évidence qu'il est d'abord institution, et ne pas considérer exclusivement son fonds. On devra dès lors explorer les rapports qu'il
entretient avec l'académie et l'école de dessin, les liens tissés avec les techniques d'inventaire et les mutations architecturales
(l'éclairage et la disposition), la dépendance politique à l'égard des visées d'utilité (économique et nationale), comme du souci
d'instruction et de progrès des arts. Une typologie « archéologique » reste à fonder ; s'opposent ainsi l'exposition de la qualité
des œuvres et l'exposition du devenir des maîtres, le musée encyclopédique à fins pédagogiques et le musée-mémorial du grand
homme, le musée traditionnel et le musée déterritorialisé, ou musée jacobin.
Citer ce document / Cite this document :
Poulot Dominique. Musée et société dans l'Europe moderne. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps
modernes T. 98, N°2. 1986. pp. 991-1096.
doi : 10.3406/mefr.1986.2886
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1986_num_98_2_2886DOMINIQUE POULOT
MUSÉE ET SOCIÉTÉ DANS L'EUROPE MODERNE*
«L'art a non seulement une nature sociale, mais en
core des effets sociaux. Il est le produit de la fantaisie
collective, mais il est aussi ce sur quoi on s'accorde et
dont les effets sentimentaux sont relativement les mêmes
chez tous à un moment donné, dans une société donnée.
C'est cette nature et cette fonction, qui expliquent, proba
blement, la persistance et les variations, l'universalité et
l'instabilité du sentiment du beau».
Marcel Mauss1
L'histoire des musées, outre son rapport classique aux aléas du mar
ché et aux vicissitudes du goût, paraît liée à certaines évolutions général
es : le professionnalisme des tâches savantes et la mutation des élites
cultivées, la démocratisation des jouissances et le déclin de l'évergétisme
des notables, enfin les transformations du commerce des biens symboli
ques sous l'effet des politiques patrimoniales et de la production infinie
de la rareté. Le musée «exprime» et révèle son époque : le choix des piè
ces et leur cadre de classement, au sens le plus général, ne lui sont év
idemment pas spécifiques. Les procédures de conservation et d'exposition,
bref de traitement d'objets, proviennent souvent d'autres pratiques, par
fois tout à fait étrangères à l'établissement. Le mode de fondation ou le
contexte de l'ouverture au public relèvent de l'état politique d'une société.
La littérature d'accompagnement, qui se consacre à mettre en situation sa
visite, traduit l'exigence commune de pédagogie de la science et d'initia-
* Je tiens à exprimer ma reconnaissance envers Mme Elisa Debenedetti,
MM. Jörg Garms, Giorgio de Marchis et Carlo Pietrangeli pour l'accueil réservé à
mes recherches, à MM. Jean Adhémar et Jacques Guillerme pour leur constant
soutien.
1 L'art et le mythe d'après M. Wundt, dans Revue philosophique de la France et
de l'étranger, LXVI, 1908; repris dans Marcel Mauss, Œuvres, présentation de Vic
tor Karady, II, Paris, 1974, p. 206.
MEFRM - 98 - 1986 - 2, p. 991-1096. 992 DOMINIQUE POULOT
tion à la jouissance; elle définit aussi un code de conduite (l'emploi légit
ime de l'institution), un bon usage, en forme de respect du rituel, qui est
signe de distinction. Ainsi, malgré son discours de l'écart absolu, le musée
fait preuve d'une efficacité certaine, sociale et culturelle, que la généalog
ie de l'institution permettrait de mettre au jour.
Nous n'avons le plus souvent, en guise d'histoire, que la recension des
legs et des achats, c'est-à-dire la chronologie de l'accroissement des col
lections, sur le modèle des mises à jour périodiques fournies par les
conservateurs. Ce discours périphérique - décompte des numéros ou ana
lyse budgétaire - qui laisse échapper le «champ» spécifique de son objet
semble réservé à l'historien, tandis que le membre du sérail ou l'historien
d'art se consacre exclusivement à l'analyse des pièces, à leur classifica
tion - attribution, voire à l'iconologie ou à la recherche scientifique, sans
s'inquiéter du cadre «transparent» de son travail. Aujourd'hui, néan
moins, l'attention portée en histoire au micro-récit, à la monographie
renouvelée et, spécifiquement, au cadre matériel rejoint la constitution
progressive, chez les conservateurs, d'un regard rétrospectif sur l'exposi
tion et la muséologie. Il vaut la peine, à la veille de voir aboutir divers
travaux sur ce thème, de fournir les pièces d'un dossier mal connu, aux
implications trop souvent confuses. Les quelques remarques qui suivent
n'ont d'autre ambition que de «mettre à plat» les histoires et les interpré
tations, afin de disposer d'un état des lieux, aussi utile que possible - sans
prétendre à une improbable exhaustivité.
Intentions
La profusion de débats sur la nature et les usages du musée, qui
répond au « museum-boom » universellement observé, a attiré l'attention
des sciences humaines sur une institution jusque-là négligée. Quand d'au
tres - de l'école à la caserne, de l'hôpital à la prison. . . - suscitaient l'inté
rêt des philosophes, sociologues et historiens, son étude demeurait l'apa
nage de ses praticiens. L'opinion commune tenait toute enquête à son
propos pour inutile ou banale, préférant répéter quelques aphorismes de
Walter Benjamin ou d'André Malraux, selon le cas. La nécessité d'une
approche de l'histoire des collections et des épistémés faisait courir le ri
sque d'incompétence à l'étranger au milieu, à son architecture intérieur
e. . . L'élitisme affiché ou présumé rendait l'établissement insignifiant
dans une perspective d'histoire sociale qui entendait rompre avec le culte
classique des chefs-d'œuvre et la communion intemporelle des élites. MUSÉE ET SOCIÉTÉ DANS L'EUROPE MODERNE 993
Bref l'enquête, d'un abord délicat, exigeant un «connoisseurship»
spécifique, pouvait se révéler infructueuse au regard des ambitions nouv
elles de la recherche. Ainsi, à l'égal d'autres institutions de la culture
savante (collèges, universités, académies . . .) le musée a sans doute pâti
un temps de ce désintérêt, abandonné à une histoire des idées quelque
peu déconsidérée ou à des monographies traditionnelles d'établissements.
Le microcosme des amateurs et des curieux fournissait, à l'évidence,
comme une caricature de ces «hommes de plume,

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