Pouvoir, un marqueur d évidentialité - article ; n°1 ; vol.102, pg 41-55
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Pouvoir, un marqueur d'évidentialité - article ; n°1 ; vol.102, pg 41-55

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Description

Langue française - Année 1994 - Volume 102 - Numéro 1 - Pages 41-55
Liliane Tasmowski & Patrick Dendale : « Epistemic pouvoir, an evidential marker » Taking into account the close relationship between devoir and pouvoir, we argue that epistemic pouvoir should be considered an evidential marker in the same way epistemic devoir is, which means that epistemic pouvoir signals information gained by inference. After a characterization of epistemic pouvoir along these Unes, we address the problem of the influence of the conditional mood on both verbs.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Liliane Tasmowski
M. Patrick Dendale
Pouvoir, un marqueur d'évidentialité
In: Langue française. N°102, 1994. pp. 41-55.
Abstract
Liliane Tasmowski & Patrick Dendale : « Epistemic pouvoir, an evidential marker »
Taking into account the close relationship between devoir and pouvoir, we argue that epistemic pouvoir should be considered an
evidential marker in the same way epistemic devoir is, which means that epistemic pouvoir signals information gained by
inference. After a characterization of pouvoir along these lines, we address the problem of the influence of the
conditional mood on both verbs.
Citer ce document / Cite this document :
Tasmowski Liliane, Dendale Patrick. Pouvoir, un marqueur d'évidentialité. In: Langue française. N°102, 1994. pp. 41-55.
doi : 10.3406/lfr.1994.5713
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1994_num_102_1_5713TASMOWSKI Liliane
Université d'Anvers-UIA
Patrick DENDALE et KVH-Anvers
POUVOIRE : UN MARQUEUR D'ÉVIDENTIALITÉ
1 . Pouvoir et devoir : verbes modaux épistémiques
1.1. DevoirE, un marqueur ďévidentiaUté
Les grammaires et études spécialisées reconnaissent deux valeurs distinctes à
devoir épistémique (devoirE), soit celle de probabilité, soit celle d'inférence. Cette
hésitation se comprend bien au vu d'exemples comme (1) et (2) :
(1) Jean doit avoir perdu, car il a l'air tout penaud
(2) Ça doit être terrible, l'enfer
Dans (1), où devoirE est facilement considéré comme inférentiel, on voit qu'une
conclusion (« Jean-perdant ») a été tirée à l'aide d'un raisonnement (cf. car) à partir
de données préalables (il a l'air tout penaud). Dans (2), rien de ce genre n'apparaît,
d'où le fait que ce type de cas pousse plutôt à accorder à devoirE la valeur de
probabilité. Parfois, devoirE est caractérisé par les deux valeurs ensemble mais le
plus souvent, et selon le type de contexte privilégié au départ, il est défini par une des
deux valeurs au détriment de l'autre. Dans la tradition française, c'est généralement
celle de probabilité qui est retenue.
On peut argumenter (cf. Dendale, ce volume) d'une part, que la valeur de
probabilité relève de la modalité alors que celle d'inférence ressortit à l'évidentialité
et d'autre part, que la valeur évidentielle est à considérer comme plus fondamentale
que la valeur modale. C'est qu'en effet l'emploi de devoirE signale que le locuteur a
lui-même créé l'information qu'il transmet. Ainsi par exemple, si la sonnerie du
téléphone retentit vers 17 h et qu'on émette (3) :
(3) — Ça doit être Pierre
on n'a pas par (3) décrit une situation de fait. (3) ne transmet pas que le téléphone
sonne, (3) livre une information créée par le locuteur à propos d'une action présumée
de Pierre (« Pierre téléphone ») à partir d'une situation de fait (la sonnerie du
téléphone).
Que l'opération de création d'information signalée par l'emploi de devoirE
comprenne une inference, cela a déjà été largement reconnu dans la littérature,
surtout anglo-saxonne. Mais ce qu'on n'a pas explicité jusqu'à présent, c'est la
complexité de la procédure inférentielle. L'inférence doit en effet s'appuyer sur des
prémisses et ces prémisses ne sont pas des données brutes, mais le fruit d'une
41 et d'une sélection de la part du locuteur. Elles comprennent des données recherche
obtenues par constatation ou par emprunt à autrui, des informations faisant l'objet
d'un savoir ou d'un croire particulier ou commun, ou encore des informations qui
proviennent elles-mêmes d'une inference. Le locuteur établit ensuite entre elles un
rapport, en général exprimable sous le format du modus ponens. Pour ce qui est de
(3), la majeure serait Si quelqu'un téléphone vers 17 h, c'est Pierre, la mineure
Quelqu'un téléphone vers 17 h, et la conclusion C'est Pierre. Le choix de la majeure
est basé sur la mobilisation d'un ensemble particulier de propositions qui comprend
raient en l'occurrence :
— Quelqu'un téléphone (situation faisant l'objet d'une perception) ;
— Pierre avait promis de téléphoner avant 17 h et il est presque 17 h (savoir
particulier épisodique) ;
— Pierre est quelqu'un qui tient généralement ses promesses (savoir particulier
non épisodique) ;
— Il n'y a aucune raison particulière pour croire que quelqu'un d'autre tél
éphonerait à cette heure (savoir particulier épisodique).
Sans doute le locuteur a-t-il donc de bonnes raisons pour poser la majeure. Mais bien
entendu, à partir des prémisses données ci-dessus, ce n'est pas à (3), mais à (3bis)
qu'on aboutirait :
— C'est Pierre (3bis)
II faut donc reconnaître que les raisons données ne sont pas contraignantes, car il
reste possible que de façon non prévisible, ou de façon moins vraisemblable aux yeux
du locuteur, quelqu'un d'autre que Pierre téléphone à 17 h. Par l'adjonction de
devoirE, le locuteur admet l'existence possible de données pertinentes qui lui échap
peraient.
Dans (4) par exemple, les prémisses dépendent de signes visuellement percepti
bles (examina attentivement la tête de son interlocuteur), signes dont le locuteur
expérimente l'insuffisance au moment même où il cherche à créer la majeure :
(4) Gridoux examina attentivement la tête de son interlocuteur.
— Vous devez avoir dans les...
Mais il s'interrompit.
— C'est difficile à dire, murmura-t-il (Queneau, Zazie dans le métro, Folio,
p. 82)
On reconstitue : Si quelqu'un possède telle et telle caractéristique, il a dans les X ans.
Mais le problème est que l'interlocuteur de Gridoux est ici un homme sans caracté
ristiques, de sorte qu'aucune hypothèse ne s'impose.
Ailleurs, la majeure, au heu de procéder de signes perceptibles, s'appuie sur
1' activation de connaissances générales stéréotypées. C'est le cas dans (5) :
(5) Gabriel regarde dans le lointain ; elles, elles doivent être à la traîne, les
femmes, c'est toujours à la traîne ; (ib., 11)
Gabriel base son comportement sur la croyance Les femmes sont toujours à la traîne
et la déduction Elles sont femmes, donc elles sont à la traîne. DevoirE dans ce
contexte souligne que la généricité de l'énoncé Les femmes sont toujours à la traîne est
42 bien une généricité par défaut (cf. Kleiber 1988), malgré la présence de toujours. En
effet, la conclusion « elles — à la traîne » n'est assurée que si les circonstances sont
normales et que Zazie et sa mère soient des femmes comme les autres (Gabriel se
trompe d'ailleurs en effet, car Zazie est déjà là, devant lui).
Comment alors justifier (2) ? Rien n'indique ici sur quoi a bien pu être construite
une conclusion, et pourtant, même hors contexte, l'énoncé est immédiatement accept
é. C'est que (2) aussi renvoie à un savoir commun, faisant partie du patrimoine
chrétien, et on n'a donc aucune difficulté à reconstituer un raisonnement comme Un
endroit où telles et telles choses se produisent est un endroit terrible. L'enfer (on nous
Га appris) est un endroit où de telles choses ont cours. Donc, l'enfer est terrible. Il
n'empêche qu'en introduisant devoirE dans son énoncé, le locuteur reconnaît que ce
savoir commun n'a pas le statut de donnée verifiable.
En somme, devoirE signale une inference valide et une conclusion justifiée à
partir des éléments disponibles, mais ces éléments pourraient, de l'avis même du
locuteur, finalement s'avérer ne pas être suffisants.
1.2. Et pouvoir ?
Que nous sachions, les études qui ont reconnu en devoirE un marqueur d'évi-
dentialité n'ont pas cherché à considérer pouvoir de la même manière, malgré les
nombreux parallélismes qui ont été notés entre les deux verbes (cf. Sueur 1975, 1977,
1979) et malgré le fait que devoir et pouvoir sont souvent décrits ensemble en tant que
verbes modaux.
Or il est parfaitement concevable d'utiliser pouvoir dans des contextes analo
gues à ceux de (3), (4) et (5) :
(3') (En entendant la sonn

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