Quand le sang et la viande étaient des médicaments - article ; n°340 ; vol.91, pg 611-626
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Description

Revue d'histoire de la pharmacie - Année 2003 - Volume 91 - Numéro 340 - Pages 611-626
Lorsqu'on examine les publicités pharmaceutiques du début du XXe siècle, et les dépôts de marque, on constate que nombre d'entre eux soulignent les bienfaits de produits pharmaceutiques à base de sang animal. Cette mode remonte principalement aux travaux de Fuster en 1865 sur la tuberculose mais aussi Deschiens, Catillon, Adrian, et surtout Richet. Cet engouement pour les dérivés du sang en thérapeutique s'éteindra progressivement après la Deuxième Guerre mondiale et l'arrivée des antibiotiques. C'est donc un siècle de gloire que vont connaître ses spécialités qui paraissent bien étranges aujourd'hui dans le contexte du VIH et de la « vache folle ». Mais certain aspect de ces recherches seront à la base des travaux plus modernes sur l'érythropoiétine (la fameuse EPO).
When blood and meat were drugs.
When one look at pharmaceutical advertising and trademarks at the beginning of the 20th century, several of them emphasize the interest of pharmaceutical specialties based on animal blood. This fashion goes back to Fuster's work in 1865 on tuberculosis, but also to Deschiens, Catillon, Adrian and mainly Richet. This interest for blood derivatives in therapy will progressively disappear after the Second World war and with antibiotic discovery. Consequently, it has been a century of glory for these specialties that seem strange today in the context of HIV and ESB issues. But some of these research will be the basis for modern works on erythropoetin (the famous EPO).
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bruno Bonnemain
Quand le sang et la viande étaient des médicaments
In: Revue d'histoire de la pharmacie, 91e année, N. 340, 2003. pp. 611-626.
Résumé
Lorsqu'on examine les publicités pharmaceutiques du début du XXe siècle, et les dépôts de marque, on constate que nombre
d'entre eux soulignent les bienfaits de produits pharmaceutiques à base de sang animal. Cette mode remonte principalement aux
travaux de Fuster en 1865 sur la tuberculose mais aussi Deschiens, Catillon, Adrian, et surtout Richet. Cet engouement pour les
dérivés du sang en thérapeutique s'éteindra progressivement après la Deuxième Guerre mondiale et l'arrivée des antibiotiques.
C'est donc un siècle de gloire que vont connaître ses spécialités qui paraissent bien étranges aujourd'hui dans le contexte du VIH
et de la « vache folle ». Mais certain aspect de ces recherches seront à la base des travaux plus modernes sur l'érythropoiétine
(la fameuse EPO).
Abstract
When blood and meat were drugs.
When one look at pharmaceutical advertising and trademarks at the beginning of the 20th century, several of them emphasize
the interest of specialties based on animal blood. This fashion goes back to Fuster's work in 1865 on
tuberculosis, but also to Deschiens, Catillon, Adrian and mainly Richet. This interest for blood derivatives in therapy will
progressively disappear after the Second World war and with antibiotic discovery. Consequently, it has been a century of glory for
these specialties that seem strange today in the context of HIV and ESB issues. But some of these research will be the basis for
modern works on erythropoetin (the famous EPO).
Citer ce document / Cite this document :
Bonnemain Bruno. Quand le sang et la viande étaient des médicaments. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 91e année, N.
340, 2003. pp. 611-626.
doi : 10.3406/pharm.2003.5557
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_2003_num_91_340_5557611
Quand le sang et la viande
étaient des médicaments *
par Bruno Bonnemain* D u
E
De tout temps, le sang et la viande ont été considérés comme
des matières premières pour le traitement d'affections multiples.
La Bible dit « le Sang est la vie ». Maurice Bouvet, dans Y Histoire
de la pharmacie en France 1 montre le rôle fondamental qu'ont joué les médi
caments d'origine animale ou humaine en médecine, avec un engouement
particulier au début du XVIIe siècle : le sang humain, la momie, le sang de
bouc, le sang de lièvre, font partie des produits énumérés par Jean de Renou l.
L'intérêt pour ces produits s'atténue au XVIIIe siècle et le nombre des pro
duits cités dans les formulaires et les pharmacopées, nous dit Maurice Bouvet,
s'amenuise peu à peu l. En réalité, certains produits issus du sang ou de la
viande vont rester très populaire, ou le redevenir à la fin du XIXe siècle et au
début du XXe. C'est ainsi que les publicités pharmaceutiques vantent en 1905
les mérites de la « poudre de viande crue de Catillon », de « l'hémoglobine
Deschiens », de « la de bifteck Adrian » ou encore de « la poudre de
viande de Trouette-Perret ». En 1986, il existait encore, dans le Vidal, 228
spécialités d'origine bovine dont 128 ont disparu du Vidal 1996 32.
Pratiquement toutes ont disparu aujourd'hui. Il est intéressant de voir pour
quoi cette catégorie de produits a poursuivi sa carrière thérapeutique à la char
nière du XIXe et du XXe siècle.
On peut en effet s'étonner de l'intérêt renouvelé pour les spécialités à base
de sang ou de viande en cette fin de XIXe siècle, alors même que leur engoue
ment a si fortement décru auparavant. On peut sans doute mieux le comprendre
avec l'avancée des connaissances sur le sang lui-même et la mise en uvre de
nouvelles techniques de conservation.
* 58 rue du Maréchal Joffre, 77270 Villeparisis
REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE, LI, N° 340, 4e TRIM. 2003, 611-626. 6 1 2 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE
En 1867, Fumouze et Barreswil publient un article qui résume les avancées
en matière de produits pharmaceutiques à l'occasion de l'Exposition Universelle
de cette année-là à Paris. Ils insistent sur l'intérêt de l'extrait de viande et
déclarent : « Les innombrables troupeaux qui errent en liberté dans les vastes
plaines de l'Amérique du Sud fournissent depuis longtemps au commerce des
cuirs une grande partie des peaux qui lui sont nécessaires ; mais la viande pro
venant des animaux abattus n'avait pas encore trouvé son emploi. On avait
bien essayé, il est vrai, de la conserver soit en la salant, soit en la fumant ou la
séchant, mais sous ces différentes formes, elle ne donnait qu'un aliment de
qualité inférieure. Dans ces dernières années, un savant illustre, le baron
Liebig, de Munich, montra par ses travaux sur la chair musculaire, que l'on
pouvait en préparer un extrait " renfermant, sous un petit volume, tous les
principes nutritifs de la viande ". Les auteurs précisent qu'une société a été
fondée avec l'aide du savant dans le but de préparer un extrait alimentaire
d'une qualité parfaite vendue sous le nom d'extractum carnis de Liebig 2.
Un autre élément important vient renforcer l'intérêt pour le sang : la découv
erte de l'hémoglobine et de ses propriétés à partir de 1864. la matière colo
rante du sang a été décrite depuis longtemps mais c'est Hoppe-Seyler qui, en
1864, découvre, le premier, les caractéristiques spectroscopiques de l'hémog
lobine. À partir de ce moment, les travaux de Schmidt, de Valentin (1865),
de Strokes (1864) et de Royer (1868) constituent la période initiale de la
découverte de l'hémoglobine. C'est principalement sa richesse en fer qui va
pousser à l'utiliser comme médicament à partir de 1885 où " il prend une place
à part parmi les meilleures spécialités ferrugineuses " 15. »
Les spécialités pharmaceutiques à base de sang et de viande à la fin du
XIXe siècle et au XXe siècle
Le buf (Bos taurus) fait partie très tôt des produits pharmaceutiques : chair,
os, moelle et bile (ou fiel) figurent au Codex de 1837. La fin du XIXe siècle voit
s'affronter, dans une concurrence parfois ouverte et agressive, différentes
formes de médication issues de la viande ou du sang ; ce sont trois formes sur
tout qui retiennent l'attention (et qui vont persister au-delà de 1945) : les sucs
et jus de viande, voire les extraits ; les peptones, qui résultent de l'action de la
pepsine sur la viande ; l'hémoglobine et diverses compositions associées.
- Suc et jus de viande, extraits
En 1868, François Arnoud, pharmacien, et Charles de Beaumont, religieux
trappiste, s'affrontent à propos des valeurs respectives de leur spécialité. L'un SANG ET VIANDE 613
(Aroud) défend l'intérêt de l'extrait de viande de Liebig et des préparations
associées ; l'autre prône la Musculine Guichon. Aroud vante les mérites de ses
produits : pastilles, bonbons, vin de Quina, vin de Malaga, sirop concentré de
Tolu, tous à l'extrait de viande de Liebig, et déclare : « Si les Révérends Pères
trappistes conseillent la vulgarisation de la Musculine dans les familles et dans
les pensionnats, en s' appuyant sur ce que leur préparation est agréable à la vue
et au palais, nous pouvons exprimer le même désir, car nous ne craignons pas
d'être démentis en affirmant que nos bonbons et pastilles sont bien supérieurs
comme préparations, comme aspect et comme saveur, à tous les produits de
viande connus. » 8 De son côté, frère Ridet, procureur du monastère de la
Trappe de Notre-Dame-des-Dombes, défend les tablettes de musculine
Guichon « préparation alimentaire à base de chair musculaire crue, provenant
du filet de buf » 5. Il rappelle que l'introduction de la viande crue en théra
peutique remonte à 25 ou 30 ans plus tôt avec les travaux russes du Dr Weisse a.
Les avantages de la viande crue, selon Ridet, proviennent de la présence des
sels assimilables, lactates et phosphates, et de la fibrine, « principe le plus
important de ceux qu'elle renferme ». Faisant allusion aux extraits Liebig, il
indique qu'il serait facile de montrer la supériorité de son produit sur les
« sirops allemands », et sur les s

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