Questions sur la grammaire traditionnelle : le profil grec - article ; n°1 ; vol.41, pg 77-104
29 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Questions sur la grammaire traditionnelle : le profil grec - article ; n°1 ; vol.41, pg 77-104

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
29 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langue française - Année 1979 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 77-104
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 41
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Fernand Fournier
MME Danielle Leeman
Questions sur la grammaire traditionnelle : le profil grec
In: Langue française. N°41, 1979. pp. 77-104.
Citer ce document / Cite this document :
Fournier Fernand, Leeman Danielle. Questions sur la grammaire traditionnelle : le profil grec. In: Langue française. N°41, 1979.
pp. 77-104.
doi : 10.3406/lfr.1979.6147
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1979_num_41_1_6147Fernand Fournier
Lycée Georges-Braque (Argenteuil)
Danielle Leeman
Paris-X (Nanterre)
QUESTIONS SUR LA GRAMMAIRE
TRADITIONNELLE
LE PROFIL GREC
Pour essayer de définir un objet, la grammaire traditionnelle par
exemple, deux méthodes sont possibles : une méthode « interne » qui consiste
à partir du contenu explicite de cet objet, pour en déterminer les caractéris
tiques et les présuppositions (théoriques, philosophiques, sociales, etc.),
et une méthode « externe » qui, définissant une histoire, une genèse, cherche
à définir l'objet comme résultat, reflet, et outil de courants coïncidents en
philosophie, en science, en économie, etc.
Ces définitions préliminaires montrent que nous ne considérons pas
la grammaire comme un tout en soi, dégagé en particulier des influences
sociales, politiques ou économiques, des pressions idéologiques, des contin
gences historiques, ou ayant une histoire autonome, indépendante du contexte
dans lequel elle s'insère.
Nous ne reviendrons pas sur l'analyse interne de la grammaire tra
ditionnelle telle en particulier qu'on la connaît dans l'institution scolaire :
ses inadéquations pratiques (définitions, classements), ses choix théoriques
implicites (dont témoigne par exemple l'importance relative du classement
par rapport à la syntaxe), son hétérogénéité (critères de sens et/ou critères
formels, règles générales de la langue et/ou relevé d'usages spécifiques)
supposant des choix théoriques contradictoires (par exemple, la langue
conçue comme nomenclature/la langue conçue comme système), sa normati-
vité, etc., ont été bien souvent décrits, dans le cadre même de la revue
Langue française 1. Et sans qu'il soit question de critique explicite, de nom
breux travaux linguistiques montrent a contrario de quels manques
souffrent les descriptions traditionnelles (par exemple, J. Dubois, M. Cross).
L'hypothèse que permettent d'ébaucher ces analyses internes, c'est
que la grammaire traditionnelle n'a pas pour but d'enseigner la langue, mais
de fournir des modèles (littéraires) à ceux qui possèdent déjà la langue sou
tenue 2. Il ne s'agit pas de prendre les grammairiens traditionnels pour des
imbéciles qui, inconscients, ne se rendent pas compte que a) leur description
est scientifiquement irrecevable, et b) ils jouent un rôle idéologique d'exclu
sion du savoir (et du pouvoir) des classes non élitiques donc non dominantes;
il ne s'agit pas non plus de les prendre pour des canailles qui, conscients,
1. Par exemple, n° 1, R. Lagane («Problème de définition, le sujet»), M. Cross
(« Remarques sur la notion d'objet direct en français »); n° 16, G. Petiot et Chr. Mahcheixo-
Nizia (« La norme et les grammaires scolaires »); n° 19, H. Ниот (« Phonétique et enseignement
du français »); n° 20, A. Chervel (« La grammaire traditionnelle et l'orthographe »).
2. On peut aussi considérer comme A. Chervel que la grammaire n'a d'autre fonction
que de justifier a posteriori l'orthographe — proposition d'ailleurs non contradictoire à la
précédente, mais qui ne vaut que pour une période relativement récente.
77 « feraient exprès » de continuer en ce sens. La grammaire traditionnelle est
à la fois le reflet et le résultat d'une organisation sociale, et l'outil de la classe
dominante, une force agissante dans son idéologie, pour le maintien de cette
domination.
Dans les ouvrages généraux présentant brièvement l'histoire de la
réflexion grammaticale, par exemple Introduction à la linguistique théo
rique, de J. Lyons (Larousse), ou Brève histoire de la linguistique, de
R..-H. Robins (Colin), on nous dit quelles découvertes les Grecs ont faites
(Platon et Aristote en particulier) en ce qui concerne la description du lan
gage, et comment la grammaire traditionnelle est l'héritière de ces découv
ertes.
C'est aussi par le recours à cette filiation que l'on justifie les ina
déquations de la grammaire traditionnelle : cette dernière aurait été calquée
sur les grammaires grecques et latines 3, et les problèmes viendraient de la dif
férence entre les systèmes linguistiques, qui font par exemple que s'il est per
tinent pour le latin de classer les verbes selon leur désinence infinitive, parce
qu'il y a une relation entre les désinences temporelles et celle de l'infinitif, cela
ne l'est plus pour le français (la désinence -ir entre dans deux groupes; aller
et envoyer, quoique se terminant par -er, ne se comportent pas dans leur
conjugaison comme chanter ou aimer; le troisième « groupe » est un entas
sement de désinences et de conjugaisons différentes, etc.).
Or, s'il est généralement précisé que la « grammaire » ne constituait
pas à cette époque une discipline autonome, mais entrait explicitement dans
le domaine de la philosophie, la seule filiation reconnue est celle de l'inves
tigation grammaticale, compte non tenu par conséquent du contexte dans
lequel elle prenait place et dont elle était solidaire.
La question qui se pose donc — et précisons d'emblée, précision qui
ne relève en rien d'une quelconque modestie, que ce qui suit n'est qu'un
ensemble de suggestions partiel, le travail permettant d'élaborer des hypo
thèses restant à faire — est celle-ci : est-ce qu'il ne faudrait pas chercher
aussi l'explication de la grammaire traditionnelle, la source de ses carac
téristiques, dans la philosophie à l'intérieur de laquelle prenait place la
réflexion sur le langage dont elle est issue?
Si ce type de question constitue à notre sens un progrès par rapport
à l'explication de la grammaire par l'histoire propre de la grammaire et le
discours que les grammairiens tiennent sur la grammaire, il ne saurait suff
ire, car se borner à une telle recherche, c'est rester dans le seul domaine
idéologique : on substitue ou associe à l'explication de la grammaire par
l'idéologie grammaticale une explication par l'idéologie philosophique.
L'élaboration d'une hypothèse sérieuse suppose que l'on montre les méca
nismes et les médiations par lesquels une formation sociale et économique
produit une idéologie grammaticale, comme le fait par exemple J.-P. Vehnant
à propos de la production des catégories de la pensée (Mythe et pensée chez
les Grecs, Maspéro).
3. Voir par exemple Linguistique et enseignement du français, de E. Genouvrier
et J. Peytahd (Larousse), p. 80-82 : « [•••] une tradition s'installe, et pour longtemps, qui
soumet la grammaire française aux cadres de la grammaire latine. [...] Et la tradition se
poursuit de nos jours, sinon intacte, du moins encore très puissante. »
78 . Les sophistes, ou la parole autonome * 1
II convient d'abord de mettre l'accent sur le fait que la réflexion sur
le langage s'amorce avec le mouvement de la sophistique : Platon, puis
Aristote, ont ancré leurs philosophies respectives du langage dans les débats
suscités par les positions formulées par les sophistes, et leur tâche a été
circonscrite dans l'espace théorique commandé par la nécessité de réfuter les
thèses de la sophistique 4.
Pourquoi cette nécessité? Il faut partir d'un constat : l'ancienne
communauté (la gens) s'est lentement désagrégée avec l'apparition de l'éc
onomie marchande. A mesure que se relâche ainsi le lien collectif, grandit
l'essor de la personnalité individuelle d'une part, de la démocratie d'autre
part. Chacun entend jouir de sa liberté et aspire à posséder à la fois la
richesse et le crédit politique. Le développement de l'individualisme féroce
conduit le Grec à s'interroger sur les techniques du savoir en tant qu'il donne
accès au pouvoir.
C'est dans ce contexte économique, social et politique, que la sophis
tique ap

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents