Races (humaines) et manuels scolaires - article ; n°1 ; vol.33, pg 67-75
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Description

Mots - Année 1992 - Volume 33 - Numéro 1 - Pages 67-75
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 27
Langue Français

Extrait

Pierre Darlu
Races (humaines) et manuels scolaires
In: Mots, décembre 1992, N°33. pp. 67-75.
Citer ce document / Cite this document :
Darlu Pierre. Races (humaines) et manuels scolaires. In: Mots, décembre 1992, N°33. pp. 67-75.
doi : 10.3406/mots.1992.1740
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1992_num_33_1_1740Pierre DARLU
CNRS
Races (humaines) et manuels scolaires
La race : toujours, encore d'actualité ?
Depuis plusieurs décennies, de nombreux scientifiques affirment
que le concept de « race humaine » est un concept étranger à la
science, bien qu'on lui reconnaisse par ailleurs une réalité socio
logique ou politique. Régulièrement les anthropologues et les
généticiens reviennent sur cette évidence qu'ils essaient de faire
comprendre à tous les niveaux du corps social. Conférences,
articles de vulgarisation, interviews, expositions sont généralement
les moyens qu'ils utilisent pour convaincre du bien-fondé de leur
position. Malgré tous ces efforts, il ne semble pas que leur
réussite soit totale ni profonde, si l'on en juge par la résurgence
régulière du débat.
N'a-t-on pas, en effet, cru nécessaire d'interroger, ici, des
généticiens pour connaître leur opinion d'« experts » sur les races ?
Imaginerait-on, de nos jours, des astrophysiciens accepter une
invitation pour discuter de la pertinence scientifique de l'astrologie
ou des signes du zodiaque ? Sans doute que non. Il faut donc
bien en tirer la conclusion que le concept de « race humaine »
renvoie inéluctablement, encore et toujours, au biologique, malgré
les explications répétées des biologistes et des généticiens.
Une bonne façon d'appréhender l'impact des avancées scienti
fiques sur le problème des races humaines (ou leur degré de
déformation éventuelle) est de se pencher sur les manuels scolaires.
Une lecture critique de tels ouvrages est particulièrement révélat
rice : générés par des professeurs ayant une formation scientifique,
élaborés à partir de directives émanant de politiciens de l'éduca
tion, abordés comme parole d'évangile par les jeunes têtes qui
formeront les adultes de demain, les livres scolaires constituent
l'une des meilleures illustrations de la réalité complexe du pro
blème.
67 Avant 1988, la question des races est abordée explicitement
dans les programmes du Secondaire, Terminale Cou D, dans le
contexte de la « variation et de son approche biométrique ». Dans
le paragraphe consacré à « quelques problèmes de génétique et
d'évolution », le sous-paragraphe « la variation » prévoit de donner
une idée de « la diversité des races dans une espèce animale
domestique ou une plante cultivée ». Reconnaissons qu'il n'est
cependant pas question de races humaines mais seulement que
l'idée de race est présente. Le programme prévoit également de
« donner une esquisse de l'histoire (de l'homme) et de son
évolution ». Il s'agit d'un sujet où le concept de race trouve
parfois sa place.
Après 1988, le terme race disparait totalement des programmes.
De toute évidence, il a été procédé à un toilettage complet. Les
programmes comportent maintenant un chapitre sur le polymor
phisme génétique et sur la diversité des populations humaines. Ce
point était absent des programmes antérieurs. En revanche, plus
rien n'apparait sur la sélection artificielle et sur la diversité des
espèces domestiques. Il reste toujours un chapitre sur l'hominisa-
tion, mais il s'agit cette fois de développer l'origine de l'homme
moderne en tant qu'espèce, et non pas de la diversité
de l'homme moderne.
Trouver dans les manuels scolaires une définition claire de la
race est une tâche particulièrement difficile, voire impossible,
même dans les manuels antérieurs à 1988. Le mot race est très
occasionnellement ou même jamais utilisé. Il apparait parfois à
l'improviste, comme un lapsus mal contrôlé.
Pourtant le concept est rarement absent, et l'on peut schéma-
tiquement distinguer au moins quatre attitudes différentes vis-à-vis
de la race : le concept peut être explicite, ambigu, nié ou substitué.
Nous en donnerons brièvement quelques exemples.
Un concept explicite
De ce point de vue, l'approche la plus abrupte se trouve dans
Oria (1967)° à propos des notions préliminaires qu'il donne sur
l'espèce. Il affirme en effet que « les diverses " races " humaines
° Les références entre parenthèses sont développées dans la Bibliographie en
fin d'article.
68 actuelles constituent une seule espèce ». Le postulat de l'existence
des races humaines n'est donc pas remis en cause et les guillemets
que l'auteur dispose autour du mot race ont une signification
laissée totalement à l'appréciation du lecteur.
Ailleurs, chez Escalier (1980), dans un court texte de docu
mentation, la question est posée pour introduire quelques notions
sur la classification de Linné : « Genre, Espèces, Variétés,
Races ? ». Mais aucune réponse n'est apportée quant à la race.
De ce fait, la race acquiert bien un statut classificatoire, mais
sans qu'aucune définition ne soit proposée.
Pour Désiré (1972), la race doit bien exister d'une certaine
façon puisqu'il déclare : « On tend à remplacer l'appellation
mongolisme, peu courtoise pour les hommes de race mongole,
par trisomie 21. »
Le rapprochement entre les restes humains retrouvés au paléo
lithique et les « races actuelles » est l'un des sujets le plus souvent
abordé. Ce revient implicitement à admettre l'exi
stence de telles races. Par exemple, Campan (1967) affirme que
« l'homme de Cro-Magnon s'apparente à la race blanche actuelle ».
Désiré parle des trois races, faisant références aux trois fossiles
humains les plus célèbres : « la race de Cro-Magnon, la race de
Chancelade, la race de Grimaldi ». Seul Vincent (1980), avant le
changement de programme de 1988, ne sacrifie pas à ce triumvirat
préhistorique et dénonce même son assimilation abusive aux
négroïdes, europoïdes et mongoloïdes.
Plus récemment, Boden (1989) se fait prendre à parler de
« race » dans un texte intitulé « La fréquence des groupes sanguins
dans la population européenne de race blanche ».
De même, Demounem (1989) indique que « si les hommes
diffèrent entre eux par de nombreux caractères physiques, les
analyses biochimiques montrent aujourd'hui une diversité telle /.../
qu'il devient difficile de définir des sous-groupes ou des races
dans l'espèce humaine ». On peut ici souligner que « difficile »
n'est pas nécessairement compris comme « impossible ».
69 concept ambigu Un
Le mot race est parfois utilisé dans une acceptation ambiguë.
En particulier quand il s'agit de définir une « race pure ».
Dans beaucoup de manuels, du moins avant 1988, le qualificatif
le plus couramment attribué à la « race » est celui de pure.
Convenons cependant qu'il n'est jamais question alors de races
humaines. Mais il n'est pas dit non plus que le concept de « race
pure » ne peut s'appliquer à l'espèce humaine ni pourquoi. La
pureté étant définie à partir de un ou deux caractères seulement,
comme la couleur du pelage de la souris ou l'aspect des grains
de maïs, on ne voit pas ce qui fait obstacle à son application à
l'homme au travers de la couleur de sa peau ou de la texture
de ses cheveux, par exemple...
Ainsi, dans Désiré : « Les plantes à grains ridés donnent toujours
des plantes à grains ridés : une race qui porte le caractère récessif
est toujours une race pure. » Ailleurs, il est question de deux
« races pures » de drosophiles différant par deux caractères : ailes
normales et corps gris, ailes vestigiales et corps ébène.
La confusion vient donc de ce que la « race pure » est un
concept défini ici à partir d'un nombre réduit de facteurs géné
tiques. Généralement, un ou deux de ces facteurs suffisent. Très
souvent, il y a une assimilation de l'homozygotie à la « race
pure ». Plusieurs auteurs ne parlent pas de « race pure », mais
de « lignée pure ». D'après Escalier, « race pure »

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