Révolte juvénile et contre-culture : Les nihilistes russes des «années 60» - article ; n°4 ; vol.31, pg 489-537
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1990 - Volume 31 - Numéro 4 - Pages 489-537
Michael Confino, Youth revolt and counter culture: The Russian nihilists of the 1860's.
Nihilism in the 1860's has been described in Russian historiography either as a phenomenon pertaining to the realm of history of ideas, or as a manifestation of the Russian soul. While acknowledging the importance of the nihilists' contribution to the ideologies of their time, the article focuses on the major role of the social and psychological features which structured this mouvement and represented the critical differentia that set it apart from the ideological groupings and tendencies of the era.
These young men and women belonged to one and the same age group; most of them came from the nobility and had severed all links with home. Their primordial revolt was against their social milieu, their fathers and the noble family as they happened to know it from their own life experience. They met in or around the universities and congregated into closely knit groups, where they set up rules of behavior, of dress, and of speach that distinguished them from the others. And they adhered to a strict code (kodeks) of their making and to a way of life that was the embodiment of their worldview. The article analyzes these features as manifestations of the nihilists' collective mentalité and counter culture, seen as original existential experiences far above and beyond the sole realm of ideas.
Michael Confino, Révolte juvénile et contre-culture: les nihilistes russes des «années 60».
Le nihilisme des années 1860 a été vu dans l'historiographie russe soit comme un phénomène historique appartenant au mouvement des idées de cette époque, soit comme une manifestation de l'« âme russe ». Tout en reconnaissant l'importance de l'apport des nihilistes aux idées sociales et politiques de leur temps, l'article relève le rôle majeur des traits sociaux et psychologiques qui structurèrent ce « mouvement » et qui constituèrent la differentia critique qui le caractérise.
Ces jeunes appartenaient à un même groupe d'âge ; la plupart d'entre eux étaient d'origine noble et avaient rompu les liens avec la maison paternelle. Leur révolte primordiale était contre leur milieu social et contre la famille nobiliaire telle qu'ils l'avaient connue personnellement. Leur rencontre eut lieu dans les villes universitaires, où ils élaborèrent des règles de conduite particulières, des façons de s'habiller et un vocabulaire qui les distinguaient du milieu ambiant. Ils adoptèrent un code (kodeks) et une manière de vivre bien définis, que l'article analyse comme des expressions de la mentalité collective et de la contre-culture nihilistes, et de leur caractère existentiel qui dépasse de loin le seul domaine des idées.
49 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Michaël Confino
Révolte juvénile et contre-culture : Les nihilistes russes des
«années 60»
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 31 N°4. Octobre-Décembre 1990. pp. 489-537.
Citer ce document / Cite this document :
Confino Michaël. Révolte juvénile et contre-culture : Les nihilistes russes des «années 60». In: Cahiers du monde russe et
soviétique. Vol. 31 N°4. Octobre-Décembre 1990. pp. 489-537.
doi : 10.3406/cmr.1990.2248
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1990_num_31_4_2248Abstract
Michael Confino, Youth revolt and counter culture: The Russian nihilists of the 1860's.
Nihilism in the 1860's has been described in Russian historiography either as a phenomenon pertaining
to the realm of history of ideas, or as a manifestation of the "Russian soul". While acknowledging the
importance of the nihilists' contribution to the ideologies of their time, the article focuses on the major
role of the social and psychological features which structured this "mouvement" and represented the
critical differentia that set it apart from the ideological groupings and tendencies of the era.
These young men and women belonged to one and the same age group; most of them came from the
nobility and had severed all links with home. Their primordial revolt was against their social milieu, their
fathers and the noble family as they happened to know it from their own life experience. They met in or
around the universities and congregated into closely knit groups, where they set up rules of behavior, of
dress, and of speach that distinguished them from the "others". And they adhered to a strict code
(kodeks) of their making and to a way of life that was the embodiment of their worldview. The article
analyzes these features as manifestations of the nihilists' collective mentalité and counter culture, seen
as original existential experiences far above and beyond the sole realm of ideas.
Résumé
Michael Confino, Révolte juvénile et contre-culture: les nihilistes russes des «années 60».
Le nihilisme des années 1860 a été vu dans l'historiographie russe soit comme un phénomène
historique appartenant au mouvement des idées de cette époque, soit comme une manifestation de l'«
âme russe ». Tout en reconnaissant l'importance de l'apport des nihilistes aux idées sociales et
politiques de leur temps, l'article relève le rôle majeur des traits sociaux et psychologiques qui
structurèrent ce « mouvement » et qui constituèrent la differentia critique qui le caractérise.
Ces jeunes appartenaient à un même groupe d'âge ; la plupart d'entre eux étaient d'origine noble et
avaient rompu les liens avec la maison paternelle. Leur révolte primordiale était contre leur milieu social
et contre la famille nobiliaire telle qu'ils l'avaient connue personnellement. Leur rencontre eut lieu dans
les villes universitaires, où ils élaborèrent des règles de conduite particulières, des façons de s'habiller
et un vocabulaire qui les distinguaient du milieu ambiant. Ils adoptèrent un code (kodeks) et une
manière de vivre bien définis, que l'article analyse comme des expressions de la mentalité collective et
de la contre-culture nihilistes, et de leur caractère existentiel qui dépasse de loin le seul domaine des
idées.ARTICLES
MICHAEL CONFINO
RÉVOLTE JUVÉNILE ET CONTRE-CULTURE :
LES NIHILISTES RUSSES DES « ANNÉES 60 »
II existe deux manières principales de concevoir et d'interpréter le nihilisme
russe et chacune d'elles implique des directions de pensée et de recherche diffé
rentes. Selon l'une - qui inspira surtout des méditations philosophiques, des rêve
ries littéraires ou des essais d'histoire des idées -, le nihilisme russe est un phéno
mène qui n'a pas de limites dans le temps et n'est pas lié à des structures sociales et
intellectuelles déterminées. D'après cette manière de voir, le nihilisme se présente
comme un trait ou une tendance de l'« âme russe ». C'est dans ce sens que
Dostoevskij pouvait dire : « Nous sommes tous des nihilistes », et dans ce sens
aussi qu'un chercheur moderne a écrit : « Au fond, chaque Russe est un nihi
liste »'. Cette approche a produit des écrits intéressants, parfois riches d'idées ori
ginales. Cependant, quelle que soit la terminologie adoptée, ils traitent en fait de
propositions métaphysiques et de spéculations de l'esprit, abstraites et a-
historiques.
Dans l'autre optique, le nihilisme est conçu comme un phénomène historique,
ayant eu lieu dans une période bien délimitée (et relativement brève), donc comme
un phénomène lié à des circonstances déterminées et, par conséquent, explicables
à l'aide de recherches précises, d'analyses des faits et de leurs résultats. Ce nihi
lisme apparut et se répandit en Russie au cours des « années 60 » du dix-
neuvième siècle2. Cette période de l'histoire des intellectuels russes intéressa part
iculièrement Nikolaj Berdjaev, grand connaisseur de l'« âme russe », qui conclut
pourtant qu'il y a quelque chose de mystérieux dans les années 603. Il y a, en effet,
plusieurs traits nouveaux dans les développements sociaux et psychologiques de
cette période et dans la vitalité soudaine de l'activité politique et sociale. Certes,
depuis le temps où Berdjaev s'interrogeait sur la signification de ces développe
ments, plusieurs d'entre eux, mieux étudiés, cessèrent de paraître « mystérieux ».
D'autres n'ont pas encore reçu une explication entièrement satisfaisante. C'est leur
examen qui fait l'objet du présent article.
Cahiers du Monde russe et soviétique, XXXI (4), octobre-décembre 1990, pp. 489-538. 490 MICHAEL CONHNO
LE MOT ET LES CHOSES
« Le mot nihilisme est un mot d'argot ; ce sont les enne
mis du mouvement radical et réaliste en Russie qui l'ont mis
en avant. Le mot est resté. Ne cherchez donc pas une défini
tion du nihilisme dans l'étymologie. La destruction, prêchée
par nos réalistes, tend par toutes ses aspirations à
l'affirmation... »
Alexandre Herzen
Ivan Turgenev, comme la plupart de ses contemporains, était persuadé qu'il
avait introduit le mot « nihilisme » dans la langue russe et dans son vocabulaire
politique en l'employant, comme on sait, dans son roman Pères et fils (Otcy i de ti),
paru en 1862, et dont le héros, Bazarov, est décrit comme un « nihiliste », et ses
opinions - comme des « idées nihilistes ». Il y eut certes, à cette époque, quelques
voix isolées qui firent remarquer que ce mot n'était pas nouveau, mais elles se per
dirent parmi les nombreux échos - favorables ou défavorables - et les débats pas
sionnés que suscita l'œuvre de Turgenev. Un an après sa publication, le critique li
ttéraire N. Strahov écrivait :
« De tout ce que contient le roman de Turgenev, ce fut le mot nihilisme qui obtint le
plus grand succès. Il fut accepté sans objections tant par ceux qui approuvaient ce qu'il
exprimait, que par ceux qui y étaient hostiles. Maintenant on le rencontre constamment
dans les textes. »
Et ce mot - ajoute Strahov -, qui définit avec tant de bonheur Bazarov et ses idées,
fut « créé et découvert » par Turgenev4. Cette opinion prit racine dans la conscience
du public ; un demi siècle après la publication de Pères et fils, simples lecteurs et
spécialistes érudits - historiens, critiques littéraires, linguistes - estimaient toujours
que Turgenev avait « créé et découvert » le mot « nihilisme » dans la langue russe.
C'était là une des premières représentations erronées qui se formèrent autour de
cet épisode historique et qui contribuèrent à la cristallisation des mythes qui devaient
l'accompagner et - plus tard -en servir d'explication. En fait, Turgenev n'a ni créé ni
introduit le mot « nihilisme » dans la langue russe ; en outre, lorsqu'il l'accola à
Bazarov et à ses idées, loin d'en être une définition heureuse - comme le pensait
Strahov -, ce mot, compte tenu de son sens étymologique, signifiait à peu près le
contraire de ce que Turgenev entendait exprimer. Invité - lors de la controverse qui
suivit la publication du roman - à préciser les raisons qui l'avaient fait choisir ce mot,
Turgenev ne put

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