Sur la grammaire historique du français - article ; n°1 ; vol.10, pg 7-30
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Description

Langue française - Année 1971 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 7-30
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 85
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Stéfanini
Sur la grammaire historique du français
In: Langue française. N°10, 1971. pp. 7-30.
Citer ce document / Cite this document :
Stéfanini Jean. Sur la grammaire historique du français. In: Langue française. N°10, 1971. pp. 7-30.
doi : 10.3406/lfr.1971.5535
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1971_num_10_1_5535Jean Stéfanini, Faculté des Lettres d'Aix-en-Provence.
SUR LA GRAMMAIRE HISTORIQUE DU FRANÇAIS
Ces pages ne contiennent ni une histoire de cette discipline, — elle se
réduirait à un palmarès — , ni des considérations épistémologiques, mais
quelques réflexions sur l'évolution des méthodes et des doctrines, qui
mettront l'accent sur le permanent, autant que sur le changement.
En toute rigueur, il suffirait de rappeler que la grammaire historique
du français, comme celle des langues romanes, a appliqué des méthodes,
— notamment la comparative — , conçues pour d'autres langues, de
définir ces méthodes et leurs avatars.
Mais, langues de civilisation, matières d'enseignement, riches de
documents étalés sur plus de vingt siècles, latin, français et autres parlers
néo-latins ont joué un rôle important, non dans la création, — nul
romaniste ne dispute à Bopp la gloire de fondateur (cf. Thomsen, Peder-
sen, Kukenheim, Ivic, MouNiN [1967], etc., et, cependant, Robins,
170 sv., et Malmberg, 12) — , mais dans la préhistoire et lors de « tour
nants » décisifs de la linguistique diachronique.
* * *
I. Préhistoire du romanisme.
De l'intuition à la démonstration de la filiation des langues néo
latines, des intuitions géniales et des pratiques instinctives à la méthode
clairement définie, le chemin fut plus sinueux que ne le dit Brunot
(H.L.F.,Ï), avec des régressions, des reprises x. Péripétie caractéristique
que la dernière : les progrès du comparatisme dans le domaine celtique
1. Souvent, dans notre discipline, la théorie fut faite bien après l'application :
ainsi, pour la méthode comparative, par Meillet, Saussure, aujourd'hui Fourquet,
Hoenigswald, Greenberg (1957, 34-74, et 1968, 1955 sv.), etc. inspirent la puissante synthèse de Court de Gébelin et les divagations
sur le bas-breton universel 2 (Stéfanini, 1969, 258 sv.). Par réaction,
Raynouard reprend la vieille thèse humaniste des origines latines et
de la préséance du provençal, mais l'appuie sur un immense travail
philologique, sur lequel se fondera Diez (1874, p. v).
Ces métaphores familiales, avant celle du romanisme, ont exprimé
la problématique de l'origine du langage. Avec, pour données externes,
la Bible et, pour données internes, la comparaison désordonnée des
langues alors connues, on concluait nécessairement à la monogénèse,
— avec, suivant les interprétations, l'hébreu pour langue originaire,
ou le scythe ou le haut-allemand — , d'où l'on dérivait un classement
par familles autour de langues mères (par ex., les onze linguae matrices
de J.-J. Scaliger). Sur ces bases ruineuses, parfois, on raisonna et on
observa bien : le P. Thomassin, pour concilier thèse hébraïque et bonté
divine, suppose que Dieu, en modifiant légèrement la langue d'Adam,
a empêché la communication, sans détruire une unité profonde, décelable
pour l'érudit, et prend pour exemple les langues romanes : quelques
règles de correspondance font aisément franchir, entre français et provenç
al, ou italien, ou espagnol, la barrière linguistique où s'arrête le vulgaire
(I, 277).
Ces règles, — Thomassin en fournit — , on les a recherchées de bonne
heure. Dante prouve déjà la commune origine des parlers de si, d'oc et
ďoil par les ressemblances de ce que nous nommons le vocabulaire
fondamental : Dieu, ciel, amour, terre, être, vivre, aimer, mourir (De
vulgari Eloquentia, trad. Pézard, in Œuvres, Paris, « Bibl. de la Pléiade »,
563-565).
Mais, pendant des siècles, une grammaire comparée demeure imposs
ible :
— faute d'une description cohérente des sons : on distingue consonnes,
voyelles, semi-consonnes, comme les Anciens, sourdes et sonores (identi
fiées d'abord comme fortes et faibles), plus malaisément, voyelles ouvertes
et fermées (là encore prévaut un classement acoustique). Des corrélations
connues depuis les Grecs p, t, к s'expliquent par la vague notion
b, d,g
d'affinités. On ignore le rôle de l'accent, l'influence des sons voisins :
Sylvius relève ainsi des correspondances multiples et imprévisibles entre
a du latin et français a (part), e (tel), au (faux), i ([je] gis < iacio, et
vider < vacuare [\]) (Isagôge, 16 sv., cf. Brunot, H.L.F., H, 135-136);
— faute aussi de concevoir clairement comment évoluent les langues :
ces bilingues (Zumthor, 67 sv.) opposent latin et français non comme un
parler mort à son successeur vivant, mais comme une langue soustraite
au changement en tant qu'organe de la Bible et de l'Église, de la théologie
2. Expulsées de la linguistique, ces rêveries ont conservé leur séduction religieuse
(cf. Fabre d'Olivet et les théosophes) et poétique jusqu'à nos jours (cf. Fulcanelli,
Le mystère des cathédrales, Paris, 1957). du savoir, que grammatica à un idiome sans cesse changeant suivant et
les temps et les lieux. Ils distinguent mal synchronie et diachronie,
emprunt et mot populaire, points de vue génétique et typologique 3.
Ces lacunes sur le plan théorique ont privé de leur plein effet les
progrès accomplis aux xvne et xvine siècles :
— dans l'analyse articulatoire par Cordemoy, d'Aisy et surtout
Dangeau, de Brosses, dans les etymologies par Du Cange et Ménage;
— par la création du comparatisme 4 pour retrouver, avec Huet,
l'universalité des dogmes chrétiens sous la multiplicité des religions et,
avec Court de Gébelin, l'histoire même de l'humanité, de sa langue,
de sa mythologie et de ses institutions, comparatisme souvent génial,
mais toujours mutilé sur le lit de Procuste d'une chronologie réduite à
quelques millénaires 5.
Au moins les siècles classiques laissaient en héritage :
— l'idée que le changement est un des universaux du langage, base
de toute linguistique diachronique (Hoenigswald, in Greenberg,
Universals of Language, 33 sv.), et l'hypothèse fondamentale de l'origine
latine et commune des langues romanes;
— depuis Ramus, de plus, la notion de substrat. Il retrouvait dans
la syntaxe les traces du gaulois supplanté par le latin (p. 2). Les celtisants
recenseront les etymologies pré-latines, indiquées par les Latins eux-
mêmes (alouette, char), ou qu'ils découvrent (Stéfanini, 1969, 264 sv.)
— surtout en toponymie. Avec Bovelles, on a, en même temps que les
premières observations suivies sur les dialectes, la thèse qu'ils résultent
des différences du peuplement germanique, c'est-à-dire la notion même
de superstrat;
— enfin, des siècles de comparaison aboutissaient tout de même à
quelques correspondances indubitables (du latin e au français ie, par ex.,
ou du français, du provençal / au gascon, à l'espagnol h), fondant et
vérifiant les 70 % d'étylomogies exactes de Ménage, sans compter de
solides documents philologiques comme ceux de Raynouard 6.
3. H. Estienne voit (cf. la Conformité du langage françois avec le grec) dans
l'emploi analogue des articles, périphrases verbales, participes, la preuve d'affinités
entre le génie des deux peuples. Périon semble davantage songer à une filiation his
torique. Positions conciliables dans une conception a volontariste » du langage où une
langue se bâtit d'emprunts délibérés. Meillet, au contraire, oppose filiation du latin
au français et ressemblances typologiques entre français et anglais, dues à l'identité
de civilisation et qui rendent l'anglais plus aisément intelligible à un Français que le
latin.
4. Regrettons que Rousseau et Pighois dans leur excellent manuel sur La
littérature comparée (Paris, Colin, 1967, coll. U) aient négligé ces sources françaises du
comparatisme.
5. Cette chronologie a courte », la conviction que l'humanité a quelques millé
naires seulement derrière elle, expliquent que certains aient fait naître l'écriture en
même temps que le langage (on avait des documents écrits fort anciens

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