Tradition populaire et création littéraire dans la poésie de Bachir Hadj-Ali - article ; n°1 ; vol.22, pg 37-46
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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1976 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 37-46
A partir d'une analyse de la langue, des thèmes et des formes (poétiques et musicales) utilisés par Bachir Hadj Ali, il s'agit de montrer comment ce poète algérien réinterprète le vieux fonds populaire — celui des proverbes et chansons — pour en tirer des leçons nouvelles : un chant révolutionnaire qui est aussi un chant de joie.
Starting from an analysis of the language, the themes and the forms, both poetical and musical, used by Bachir Hadj Ali, we have tried to show how this Algerian poet gives a new interpretation of ancient folk-lore, that of songs and proverbs, and derives from it fresh lessons ; a revolutionary song that is also a song of joy.
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 39
Langue Français

Extrait

François Desplanques
Tradition populaire et création littéraire dans la poésie de Bachir
Hadj-Ali
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°22, 1976. pp. 37-46.
Résumé
A partir d'une analyse de la langue, des thèmes et des formes (poétiques et musicales) utilisés par Bachir Hadj Ali, il s'agit de
montrer comment ce poète algérien réinterprète le vieux fonds populaire — celui des proverbes et chansons — pour en tirer des
leçons nouvelles : un chant révolutionnaire qui est aussi un chant de joie.
Abstract
Starting from an analysis of the language, the themes and the forms, both poetical and musical, used by Bachir Hadj Ali, we have
tried to show how this Algerian poet gives a new interpretation of ancient folk-lore, that of songs and proverbs, and derives from it
fresh lessons ; a revolutionary song that is also a song of joy.
Citer ce document / Cite this document :
Desplanques François. Tradition populaire et création littéraire dans la poésie de Bachir Hadj-Ali. In: Revue de l'Occident
musulman et de la Méditerranée, N°22, 1976. pp. 37-46.
doi : 10.3406/remmm.1976.1376
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1976_num_22_1_1376POPULAIRE ET CREATION LITTERAIRE TRADITION
DANS LA POÉSIE DE BACHIR HADJ-ALI
par François DESPLANQUES
Dans ce dossier consacré aux rapports des littératures et de l'expression po
pulaire au Maghreb actuel, il nous a semblé tout naturel de faire une place à la
poésie de B. Hadj Ali. Nous n'est pas ici un pluriel universitaire mais une réalité :
trois étudiants constantinois et moi. Et si je suis ici le porte-parole, qu'il soit bien
entendu que l'enseignant — ignorant tout ou presque de l'arabe — a été bien sou
vent l'enseigné.
D nous a donc semblé que les trois recueils de B. Hadj Ali, Chants pour le
onze décembre (1), Chants pour les nuits de septembre (2) et. . . Que la j'oie de
meure (3), constituaient un cas exemplaire dans la perspective choisie pour ce
dossier. En effet, voilà une œuvre écrite en français qui n'est pas seulement algé
rienne par son contenu, mais encore toute entière nourrie de la tradition populaire.
Et ce dernier trait n'est pas si fréquent. Certes, B. Hadj Ali n'est pas l'homme d'une
seule tradition. On pourrait aussi chercher ce que cette poésie doit à Eluard ou à
Lorca ou à Hikmet et, à l'intérieur même du monde arabe, aux grands poètes et
musiciens classiques, andalous notamment. Mais B. Hadj Ali ne serait pas le poète
qu'il est sans cette tradition populaire algérienne, arabe et berbère, cette tradition
qu'il connaît et qu'il aime comme militant, comme musicologue et comme écrivain.
Or cette culture populaire est justement un combat pour l'homme, dont le chant
est le mode d'expression favori et la poésie la langue naturelle. L'œuvre de B. Hadj
Ali se situe au point de rencontre de ces trois réalités, qui sont pour lui trois expé
riences vécues.
Nous n'avons pas d'autre ambition que de montrer cela sur quelques exemples
qui s'appuieront successivement sur une étude de la langue, des thèmes et des formes
poétiques. Nous nous demanderons, pour terminer, comment, chez ce poète de la
révolution, la tradition est assumée et réinterprètée.
Premier champ d'investigation : la langue. B.H.A. écrit certes en français, mais
un français tout mêlé, tout pétri d'arabe, classique mais plus souvent parlé, "jâri",
(1) En abrégé, Dec. Edition clandestine. Alger, 1961, Réédité par La Nouvelle Critique,
Paris, 1963. Nos notes renvoient à cette seconde édition.
(2) En Abrégé, Sept. Ed. de Minuit, Paris, 1966.
(3) En abrégé, QJJ). Ed. PJ. Oswald, Honfleur, 1970. F. DESPLANQUES 38
"courant" comme on dit ici. Ainsi que le poète lui-même le précise dans cette
strophe :
"Dialectale éternelle mobile
Littérale proche sumérienne
O mes nourrices inséparables
Je laboure l'iqta sur les deux versants" (4).
Dans son premier recueil, Chants pour le onze décembre, B.H.A. introduit dans la
trame de poèmes comme Nuits algériennes ou As-salm, quelques strophes ou quelques
vers en caractères arabes, dont il donne, du moins pour le second exemple cité, une
transcription en caractères latins, elle-même suivie de la traduction. Cette juxtaposition,
ce passage d'une langue à l'autre, c'est la réalité linguistique de l'Algérie des villes,
aujourd'hui. Mais ce tissu langagier, cet habile dégradé, a aussi valeur esthétique :
il n'est pas sans évoquer l'art de la tapisserie.
Pourtant, dans les recueils suivants, postérieurs à l'Indépendance, B.H.A.
renonce à ce procédé un peu voyant et nous ne trouvons plus alors que des expres
sions et surtout des mots transcrits mais pas toujours traduits. Cette traduction,
lorsqu'elle intervient, peut être soit donnée en note, soit intégrée au texte poétique,
et c'est bien sûr ce dernier procédé qui est le plus intéressant d'un point de vue
stylistique (5). Voici, parmi beaucoup d'autres, un ou deux exemples tirés du célèbre
Aroubi(6) qui ouvre Chants pour le onze décembre :
"Echchatar belghomza
A l'éveillé suffît le clin d'œil"
Et plus loin :
"Qu'elle est loin qu'elle est loin ce soir
Des ouattek filles nubiles
Tulipes rouges au sortir du hammam".
Nous avons là un type très particulier de répétition qui, dans le premier cas, a
nettement valeur d'insistance, et qui, dans le second, souligne une nostalgie. Mais
il importe surtout de bien noter qu'à chaque fois, l'arabe, premier venu, est le mod
èle et la source.
D'une manière plus générale, B.H.A. obtient par ce procédé et d'autres qui
lui sont apparentés un élargissement du champ sémantique et musical. Il ne s'agit
pas toujours en effet de simple traduction, mais de jeux d'échos, de correspon
dances subtiles, comme celles que nous trouvons dans Le collier de la colombe (7).
Ce poème s'ouvre par le vers : "Le goual dit", c'est-à-dire : le conteur dit, mais
mot à mot : le diseur dit. D y a ici jeu entre le sujet et le verbe, entre l'arabe et
(4) QJ.D.p.89.
(5) Sur ce tissage linguistique, voir l'article de Sellin (E.) "The poetry of Bachir Hadj Ali
n° or 4. the 1972. aesthetics of the footnote", in L "Esprit Créateur. Univ. du Kansas, Lawrence, Vol. XII,
(6) Dec. p. 9.
(7) QJJ). p. 39. POESIE DE BACHIR HADJ-ALI 39
le français. Plus loin, dans le même poème, nous rencontrons ces deux vers : "Le
rawi rêve /Galope le gallal". L'équivalence n'est plus ici sémantique mais phonét
ique. Le "rawi" désigne une fois encore le conteur et le "gallal" une espèce de
tambour en terre, long et étroit. Par ce rapprochement, B.H.A. n'obtient pas seul
ement un double effet d'allitération, il suggère aussi que le conteur est ravi et que le
tambour est une sorte de coursier fabuleux. Enfin, il soude si intimement le fran
çais et l'arabe qu'il aboutit, pour ainsi dire, à une tierce langue,, polyphonique et
très personnelle, une langue qui dit plus que le français seul ou l'arabe seul, une
langue proprement poétique.
Naissance (8) raffine encore sur ce procédé. En marge de chaque strophe,
une lettre de l'alphabet arabe. C'est cette lettre, apparemment séparée du texte,
qui inspire la strophe. Soit la première strophe :
A alif "Armée du lire à l'impératif
L'épine vaccine l'abeille
Le livre des livres conte un rythme
Au fleuve résumé dans sa source".
Ici, le poète joue tout à la fois sur l'équivalence phonétique de l'alif et du A fran
çais : armée, à, abeille et même impératif, vaccine ; sur la valeur grammaticale de
l'alif qui, ajouté à la racine du verbe arabe, sert à former l'impératif, et notamment
l'impératif des impératifs qu'est l'aura' coranique : lis, sous entendu le livre, ce
livre qui est nommément cité au vers 3 ; enfin, il joue avec la forme même de l'alif
qui lui suggère, dans sa verticalité pointue, l'image de l'épine. Nous laissons au lec
teur curieux le plaisir de décrypter les autres strophes du poème !
Ajoutons que là même où aucun mot arabe ne vient déceler la présence de

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