Un défaut de vision. Les Arabes vus par des Pieds-noirs. Analyse d entretiens - article ; n°1 ; vol.30, pg 72-89
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Mots - Année 1992 - Volume 30 - Numéro 1 - Pages 72-89
UN DEFAUT DE VISION. LES ARABES VUS PAR DES PIEDS- NOIRS. ANALYSE D'ENTRETIENS Se basant sur un corpus d'une cinquantaine d'entretiens de Pieds-noirs recueillis il y a 13 ans et portant sur la vie quotidienne dans l'Algérie coloniale, l'auteur montre que l'Arabe n'avait guère d'existence pour l'Européen. Sa présence dans le discours se caractérise surtout par la dénégation, le conflit, voire le mépris.
A CASE OF DEFECTIVE VISION. THE ARABS SEEN BY « PIEDS- NOIRS ». AN ANALYSIS OF INTERVIEWS The author draws on some 50 interviews of « Pieds-noirs », conducted 13 years ago, which focus on daily life in colonial Algeria. He shows that the Arab scarcely existed in the eyes of the Europeans. He is only present in these interviews when associated with denials, conflict and contempt.
UN DEFECTO DE VISION. LOS ARABES VISTOS POR LOS « PIEDS NOIRS ». ANALISIS DE CONVERSACIONES A partir de un corpus representando unas 50 conversaciones de « Pieds noirs » recogidas háce 13 aňos y relacionadas con la vida cotidiana en la Argelia colonial, el autor révéla que el Arabe no existia para el Europeo. Su presencia en el discurso se caracteriza sobre todo por la denegación, el conflicto incluso el menosprecio.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Anne Roche
Un défaut de vision. Les Arabes vus par des Pieds-noirs.
Analyse d'entretiens
In: Mots, mars 1992, N°30. pp. 72-89.
Resumen
UN DEFECTO DE VISION. LOS ARABES VISTOS POR LOS « PIEDS NOIRS ». ANALISIS DE CONVERSACIONES A partir de
un corpus representando unas 50 conversaciones de « Pieds noirs » recogidas háce 13 aňos y relacionadas con la vida
cotidiana en la Argelia colonial, el autor révéla que el Arabe no existia para el Europeo. Su presencia en el discurso se
caracteriza sobre todo por la denegación, el conflicto incluso el menosprecio.
Abstract
A CASE OF DEFECTIVE VISION. THE ARABS SEEN BY « PIEDS- NOIRS ». AN ANALYSIS OF INTERVIEWS The author
draws on some 50 interviews of « Pieds-noirs », conducted 13 years ago, which focus on daily life in colonial Algeria. He shows
that the Arab scarcely existed in the eyes of the Europeans. He is only present in these interviews when associated with denials,
conflict and contempt.
Résumé
UN DEFAUT DE VISION. LES ARABES VUS PAR DES PIEDS- NOIRS. ANALYSE D'ENTRETIENS Se basant sur un corpus
d'une cinquantaine d'entretiens de Pieds-noirs recueillis il y a 13 ans et portant sur la vie quotidienne dans l'Algérie coloniale,
l'auteur montre que l'Arabe n'avait guère d'existence pour l'Européen. Sa présence dans le discours se caractérise surtout par la
dénégation, le conflit, voire le mépris.
Citer ce document / Cite this document :
Roche Anne. Un défaut de vision. Les Arabes vus par des Pieds-noirs. Analyse d'entretiens. In: Mots, mars 1992, N°30. pp. 72-
89.
doi : 10.3406/mots.1992.1681
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1992_num_30_1_1681Anne ROCHE
Université Aix-Marseille I (Provence)
Un défaut de vision
Les Arabes vus par des Pieds-noirs
Analyse d'entretiens
Un spectre hante le discours pied-noir : l'Arabe. Présence ou
absence également oppressantes, dénégation ou détournement, ami
ou ennemi : image tétanisée, entre des polarités contradictoires.
Cela ressort avec acuité des analyses que nous avons faites sur
un corpus oral d'une cinquantaine d'entretiens recueillis depuis
treize années auprès d'anciens d'Algérie, rapatriés et militaires
(voir annexe). Un classement des thèmes évoqués permet de voir
plus clair dans la représentation sociale de l'Arabe dont sont
imprégnés les témoignages du discours « pied-noir ».
Absence
Cela commence par de l'absence, dans les récits (faits aujour
d'hui) du temps des débuts : il faut que l'Algérie soit un désert,
tout juste peuplé de sauvages, pour que le mérite du colon ou
l'apport de la « civilisation » en soient plus flagrants. L'Arabe
sera donc, d'abord, éliminé du premier temps du discours, celui
de la conquête pacifique, celui du colonat. Dans l'ensemble du
« Grand Récit » qui valide, légitime l'aventure du Pied-noir,
l'indigène, on va le voir, est le plus souvent un implicite.
Celui qui arrive sur la terre algérienne est démuni, armé de
72 ses seuls bras1. Il est chassé de son pays natal par la pauvreté,
ou par d'autres raisons tout aussi honorables : c'est un exilé
républicain espagnol, mais de l'autre République, celle de 1871 2
ou du temps de Franco, ou il a fui l'Alsace annexée3 ou une
famille trop bourgeoise4. Il arrive sur une terre inconnue, hostile
et inquiétante : très représentatif à ce propos, le récit d'Odon
Gomez Fernandez qui imagine les impressions de son aïeul, en
1873:
« On peut imaginer dans quel désarroi devait se trouver le père
Tomas à son débarquement au port d'Arzeu. Que devait-il penser
en mettant les pieds sur cette terre d'Afrique dont il n'avait
jamais rien su d'autre que ce que l'on en disait. C'était la terre
de ces pirates barbaresques qui venaient parfois ravager les côtes
espagnoles et emporter des femmes en esclavage »5.
Le nouvel arrivant, sans se décourager, cherche du travail,
obtient un lopin de terre, met en valeur cette terre jadis inculte,
luttant contre les sauterelles, le simoun, les gelées, les inondations,
et « travaillant de soleil à soleil » 6. Dans ce récit, il travaille
seul ou entouré de sa famille : il n'a pas de main-d'œuvre indigène
— ou elle va sans dire. Jules Roy, Pied-noir natif de Rovigo,
d'une famille modeste de petits colons, et dont on connaît les
positions libérales pendant la guerre d'Algérie, dit avec une fausse
innocence : « Moi qui les ai toujours vu travailler, je me suis
1. « (Mes parents) Ils avaient beaucoup souffert, ils avaient élevé cinq filles
avec, en démarrant dans la vie avec trois fois rien, ils peut-être un cheval
et puis c'est tout » (Michèle Férise, entretien 397 par Nathalie Gomez).
2. C'est le cas relaté par les mémoires inédits d'Odon Gomez Fernandez, dont
le grand-père avait participé à la sédition de Carthagène en 1873. Les Espagnols
partis sous le franquisme sont évidemment plus nombreux dans le corpus, mais
l'émigration espagnole est un fait ancien.
3. « Mon grand-père a quitté l'Espagne pendant la guerre (civile), mes parents
sont nés là-bas, frères et sœurs aussi. Du côté de ma grand-mère, c'était de
souche alsacienne, en 1800 et des poussières, après la guerre de je ne sais pas
quoi, ils n'ont pas voulu être Allemands » (Joseph, entretien 500 par Marie
Amorin). Voir aussi le témoignage de Georges Kopp, Un rayon de soleil perdu,
Paris, Editions de l'Atlanthrope, 1979.
4. Par exemple, le livre (à compte d'auteur) de Simone Meynadier, Les
oranges amères, Paris, La Pensée universelle, 1976.
5. Odon Gomez Fernandez, mémoires inédits, p. 30.
6. Ibid. Par ailleurs, les diverses calamités naturelles sont souvent évoquées,
avec plus ou moins de précisions, dans les témoignages : par exemple, un appelé
faisant son service en Algérie, mais viticulteur dans le civil, décrit en détail un
vol de sauterelles et un simoun, expériences neuves pour lui mais qui ont leurs
correlate dans son expérience paysanne (Charles Plantevin, entretien 491 par
Valérie Ferrando).
73 toujours étonné d'entendre dire que les Arabes ne faisaient rien
/.../ Ce que je savais parce qu'on me le répétait, c'était qu'ils
étaient d'une autre race que moi, inférieure à la mienne. Nous
étions venus défricher leurs terres et leur apporter la civilisation
/.../ Dans la famille de ma mère, on est mort de travail et de
paludisme » \
Roy, qui donne bien au discours pied-noir un statut citationnel,
sans du tout reprendre à son compte la notion de « race
inférieure » et tout ce qui la cerne, n'en prélève pas moins ce
qui fait le fondement justificatif de ce discours : « On est mort
de travail et de paludisme », la majorité des colons sont de
« petits » colons, durs à la peine, qui ont chèrement payé leur
droit à cette terre.
L'Arabe absent, ou plutôt implicite, de ce premier discours, a
des caractéristiques que dessinent en creux les qualités du colon.
Ce que nous disent — sans le dire — ces récits de fondation,
c'est que les indigènes étaient incapables (par paresse ou bêtise)
de mettre en valeur les ressources de leur pays : « C'étaient des
bandits, tout juste capables de travailler le cuivre, les tissus
brochés. La France leur a apporté la culture » 2.
Rencontres
Mais à partir du moment où le colon est implanté, va se poser
la question de la rencontre avec l'indigène : elle se pose du moins
aujourd'hui, dans le récit que le témoin adresse à ses enfants ou
petits-enfants. Or, cette rencontre et cette coexistence se marquent
de ce que l'on pourrait appeler une logique du chaudron. On en
connaît le principe : tu ne m'as jamais prêté de chaudron, d'ailleurs
je te l'ai déjà rendu, et de toute façon il était fêlé quand tu me
l'as prêté... De la même manière, les énoncés concernant l'Arabe
vont être écartelés entre une affirmation et une négation de la
différence, contradiction qui cUve non seulement les locuteurs
entre eux, mais souvent un même locuteur.
Il faut ici distinguer les affirmations de principe, les généralités
et les énoncés concrets, notamment à caractè

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