Un exemple d organisation politique traditionnelle : une tribu kabyle, les Iflissen-Lebhar - article ; n°1 ; vol.2, pg 169-187
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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1966 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 169-187
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 153
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean. Servier
Un exemple d'organisation politique traditionnelle : une tribu
kabyle, les Iflissen-Lebhar
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°2, 1966. pp. 169-187.
Citer ce document / Cite this document :
Servier Jean. Un exemple d'organisation politique traditionnelle : une tribu kabyle, les Iflissen-Lebhar. In: Revue de l'Occident
musulman et de la Méditerranée, N°2, 1966. pp. 169-187.
doi : 10.3406/remmm.1966.934
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1966_num_2_1_934EXEMPLE UN
D'ORGANISATION POLITIQUE TRADITIONNELLE :
UNE TRIBU KABYLE, LES IFLISSEN-LEBHAR
L'étude des structures traditionnelles d'une tribu kabyle permet
de voir la continuité dans le temps des institutions méditerra
néennes, de la Cité Antique et de mieux comprendre le rôle que joue
ce substrat dans l'apparition et dans l'évolution de phénomènes
contemporains.
On a trop souvent dénié à ces villages de pierres sèches le nom
de cités. Leur relatif isolement géographique a fait conclure trop
hâtivement à un égal social et politique. L'autarcie éc
onomique de ces sociétés « polysegmentaires simples » a été souli
gnée à l'envie. Nul n'a su distinguer les frontières des tribus jalon
nées de sanctuaires et d'autels de pierres brutes, nul n'a signalé la
stricte division du travail et le système de castes socio-professionnelles,
endogamiques ou semi-endogamiques qui forment l'essentiel de la
cité kabyle.
L'étude des Iflissen, une tribu kabyle parmi les autres, nous
montre tout d'abord une division politique rigoureuse, l'existence
de réseaux spécialisés dont les maillons sont des villages voués à
certaines tâches particulières, nécessaires à la vie de la polis.
L'horizon social n'est pas en effet limité aux portes du village,
à la taddart, il s'étend à la tribu, elle-même élément d'une confédé
ration ou taqlailit que l'on peut comparer aux Sérénissimes Répub
liques de la Renaissance ou plus sûrement encore à l'Athènes dont
Pausanias essayait de retrouver les traditions déjà oubliées de son
temps.
* * *
L'origine des Iflissen est aussi incertaine que celle de la plupart
des tribus kabyles. Ce sont, comme leurs voisins, des hommes venus
de l'Est, poussés par des impératifs différents, à des époques diver- 170 JEAN SERVIER
ses et qui se sont mis à l'abri des montagnes kabyles, loin des plaines
trop parcourues.
Il semble possible de les faire remonter aux Pharusii ou Perorsi
dont parle Salluste {De Bello Jugurt. ch. XXI), aux Mèdes, aux
Perses ou Arméniens qui avaient accompagné Hercule en Espagne.
Pline mentionne des Pharusii et des Perorsi vivant à la limite de la
Mauritanie (Hist. Nat. V.VIII). Ibn Qoteïba cite dans la généa
logie des Berbères l'ancêtre des Persans, Fars ou Fares. Corippe,
dans la Johannide, mentionne des « Ifuraces farouches » dont il
décrit l'armement et Ammien Marcellin fait figurer des Isaflenses
parmi les quatorze tribus qu'il énumère.
Des recherches récentes sur les semi-nomades des plateaux ira
niens ne permettent pas de rejeter trop vite une hypothèse forte de
tout le poids d'une tradition (cf. C. G. Feilberg, Les Papis, une
tribu persane de nomades montagnards du sud-ouest de l'Iran :
Nationalmuseets Skrifter Etnografisk : Roekke IV Kbenhavn 1952).
Les Iflissen-lebhar sont des gens de plaine, des céréaliculteurs
que les hasards d'une série de migrations ont amenés au bord de
la mer sans que cet habitat ait développé chez eux une quelconque
vocation maritime. Leurs villages, à l'exception du poste de garde
de Taqsebt, sont établis loin de la côte.
ORGANISATION POLITIQUE
La tribu des Iflissen formait naguère encore une taqbaïlit,
c'est-à-dire une confédération avec les tribus voisines des At-Djennad
des Izarazen et des Wagennun : une ligue de défense dont l'eff
icacité ne se manifestait qu'en temps de guerre contre les tribus
voisines ou lors d'événements graves.
La tribu, à proprement parler, est divisée en quatre fractions
désignées par le mot arabe de reb'aa — quarts — qui sont respec
tivement les groupes de villages de Tifra, des Aït-Himmed, des
Aït-Zrara, des Aït-Zwaw. Le groupe de Tifra comprend quatre vil
lages, les trois autres groupes douze. Chaque village a une fonction
précise dans l'ensemble de la tribu.
Ce souci de symétrie a quelque chose de frappant. Si des noms
apparaissent sur la carte au 1/50 000, comme Azib n-rabdha, Ighil
u'ammer, Tassira, etc., ils désignent des groupes d'habitations déta- UNE TRIBU KABYLE 171
chées des villages, fermes isolées ou faubourgs qui n'entrent pas en
ligne de compte. Le village kabyle se définit essentiellement comme
la réunion de familles descendant d'un ancêtre commun ou alliées
entre elles dont les membres participent une fois l'an au sacrifice
d'automne, un repas communiel appelé uzi'aa.
Je me propose d'étudier ailleurs et plus complètement les struc
tures de la cité kabyle; me bornant ici à étudier les grandes lignes
de l'organisation de la tribu.
Dans chacune des quatre fractions, chaque village envoyait un
délégué siéger à l'Assemblée des Douze ou Tadjemait en-tena'ash.
Chaque assemblée se réunissait jadis aux points suivants :
— Aguni musi, pour les Aït-Zwaw;
— Tazebusht g-ighil, pour les Aït-Himmed;
— Djema'a n-sidi lhadj, pour les Aït-Zrara.
Ges endroits sont de simples lieux-dits marqués par le tradi
tionnel kerkour, l'autel de pierres brutes qui atteste la présence de
l'Invisible.
Pour le groupe de Tifra, tous les hommes en âge de porter les
armes dans les quatre villages se réunissaient une année à Azera chez
les U-hamza, l'année suivants à Tamdesht chez les U-Shikh, ces
deux familles étant chargées d'accomplir, une année sur deux, un rite
de pluie très particulier que nous étudierons plus loin.
Ces réunions avaient lieu chaque année vers mars-avril. •
D'une façon générale, une djema'a de village est une assemblée
souveraine dont le pouvoir n'est limité que par le caractère extra
ordinaire des circonstances : famine grave, mésentente sérieuse entre
plusieurs villages de la même tribu. Sa compétence est limitée dans
l'espace par les bornes du village (Tilissa) qui définissent le
horma ou espace sacré du village (les Kabyles traduisent par « le
respect » du village). L'Assemblée des Douze connaissait en temps
de paix des cas qui mettaient en jeu les intérêts de plusieurs villages
de la même fraction : travaux à effectuer en commun, réparation
des voies de communication, etc.. De plus, elle répartissait les char
ges de chaque village pour les sacrifices aux sanctuaires communs
à toute la fraction et organisait les pèlerinages collectifs à ces sanc
tuaires. En temps de guerre, elle élisait un 'amin Vumena — un chef
des chefs de village chargé d'effectuer les réquisitions nécessaires
et d'assurer le ravitaillement du contingent. Les décisions de l'Assemb
lée des Douze annulaient les décisions des djema'a de villages et
pouvaient être appuyées, le cas échéant, par une expédition punitive
dirigée contre le village récalcitrant. JEAN SBRVIER 172
Au-dessus de l'Assemblée des Douze siégeait l'Assemblée de
la Tribu ou des Seize, qui connaissait des intérêts de la tribu, par-
delà des intérêts des villages et des fractions. Ces décisions pouvaient
arrêter une guerre entre fractions ou, au contraire, provoquer l'entrée
en guerre de la tribu entière. Elle était composée de seize membres
délégués à raison de quatre par fraction. Pour les Iflissen, elle se
réunissait à Timlilit : haut-lieu visité chaque année par de nombreux
pèlerins.
Enfin, les quatre tribus composant la confédération — la taq-
baïlit — les Iflissen, les At-Djennad, les Wagennun et les Izarazen
avaient une assemblée commune, la tadjemait n-taqbaïlit, qui sié
geait au lieu-dit Tafughalt, dans la forêt de Timizar, sur le terri
toire des Izarazen. Cet organisme jouissait du prestige et avait
l'inefficacité de nos organisations internationales modernes.

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