Violence et ethnicité dans l'école française - article ; n°1 ; vol.14, pg 77-91

Eric Debarbieux

Description

Revue européenne de migrations internationales - Année 1998 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 77-91
Violencia y etnicidad en la escuela francesa
Éric DEBARBIEUX
En los debates educativos en Europa, la violencia escolar ha alcanzado una importancia considerable durante estos últimos anos en Francia. La representación de una causalidad étnica de esta violencia esta fuertemente representada. Después de haber recordado cómo la etnicidad debe ser considerada no como una condición determinada sino como una construcción social, este articulo intenta describir el discurso de la decadencia educativa que se construye, a propósito de la violencia escolar, en un enfrentamiento Barbarie/Civilización. Muestra como la llamada a una restauración identitaria es la consecuencia de una crisis de sentido en las sociedades libérales, democráticas pero dualizadas.
Violence et ethnicité dans l'école française
Éric DEBARBIEUX
Dans les débats éducatifs en Europe, la violence scolaire a pris une place considérable ces dernières années. En France, la représentation d'une causalité ethnique de cette violence est fort prégnante. Après avoir rappelé comment l'ethnicité doit être considérée non comme un état donné, mais comme une construction sociale, cet article tente de décrire le discours de la décadence éducative qui se construit à propos de la violence scolaire, dans un affrontement Barbarie-Civilisation. Il montre comment l'appel en une restauration identitaire est la conséquence d'une crise de sens dans les sociétés libérales démocratiques mais dualisées.
Violence and Ethnicity in French School
Éric DEBARBIEUX
In the current educational debates in Europe, the issue of school violence receives an enormous attention. In France, the representation of an ethnic cause to violence has a strong impact. After reminding how ethnicity must be seen not as a given but as a social construct, this article attempts to describe the discourse related to educational decay and to the clash of Barbarism and Civilization, when the issue of school violence is raised. It shows how the call for the restoration of identity is the consequence of a crisis of meaning in democratic liberal -yet dual- societies.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_EUROPEENNE_DE_MIGRATIONS_INTERNATIONALES
• Publié le: 01 janvier 1998
• Nombre de lectures: 62
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Eric Debarbieux
Violence et ethnicité dans l'école française
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 14 N°1. La ville destabilisée ? Faits et représentations. pp.
77-91.
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Debarbieux Eric. Violence et ethnicité dans l'école française. In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 14 N°1.
La ville destabilisée ? Faits et représentations. pp. 77-91.
doi : 10.3406/remi.1998.1610
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1998_num_14_1_1610Resumen
Violencia y etnicidad en la escuela francesa
Éric DEBARBIEUX
En los debates educativos en Europa, la violencia escolar ha alcanzado una importancia considerable
durante estos últimos anos en Francia. La representación de una causalidad "étnica" de esta violencia
esta fuertemente representada. Después de haber recordado cómo la etnicidad debe ser considerada
no como una condición determinada sino como una construcción social, este articulo intenta describir el
discurso de la decadencia educativa que se construye, a propósito de la violencia escolar, en un
enfrentamiento Barbarie/Civilización. Muestra como la llamada a una restauración identitaria es la
consecuencia de una crisis de sentido en las sociedades libérales, democráticas pero dualizadas.
Résumé
Violence et ethnicité dans l'école française
Éric DEBARBIEUX
Dans les débats éducatifs en Europe, la violence scolaire a pris une place considérable ces dernières
années. En France, la représentation d'une causalité "ethnique" de cette violence est fort prégnante.
Après avoir rappelé comment l'ethnicité doit être considérée non comme un état donné, mais comme
une construction sociale, cet article tente de décrire le discours de la décadence éducative qui se
construit à propos de la violence scolaire, dans un affrontement Barbarie-Civilisation. Il montre
comment l'appel en une restauration identitaire est la conséquence d'une crise de sens dans les
sociétés libérales démocratiques mais dualisées.
Abstract
Violence and Ethnicity in French School
Éric DEBARBIEUX
In the current educational debates in Europe, the issue of school violence receives an enormous
attention. In France, the representation of an "ethnic" cause to violence has a strong impact. After
reminding how ethnicity must be seen not as a given but as a social construct, this article attempts to
describe the discourse related to educational decay and to the clash of Barbarism and Civilization, when
the issue of school violence is raised. It shows how the call for the restoration of identity is the
consequence of a crisis of meaning in democratic liberal -yet dual- societies.Revue Européenne des Migrations Internationales, 1998 (14) 1 pp. 77-91 77
Violence et ethnicité dans l'école française
Eric DEBARBIEUX
Les débats politiques et éducatifs de la société française, et de bien des
sociétés libérales (Mooij, 1997, Lindstrôm, 1998, Van Zanten et alli, 1998) sont
actuellement fortement imprégnés par les problèmes que pose à l'enseignement ce qu'il
est convenu de nommer « la violence à l'école ». En Suède ou en Angleterre, en
Hollande ou au Québec de vastes programmes d'action sont mis en place pour tenter de
la prévenir, sinon de l'éradiquer. En France, le débat prend un tour plus vif, et
particulièrement identitaire tant la République et son École entretiennent des rapports
passionnels. Dans la Presse, dans les discours officiels parfois, dans les salles des
professeurs souvent, resurgit le thème d'une brutale dégradation des moeurs
éducatives, l'idée d'un manque épouvantable dans la transmission des « valeurs » qui
ensauvage l'enfance et menace culture et paix sociale.
Ce thème de la sauvagerie renaissante hésite entre la sauvagerie native des
enfants, homologue au vieux scheme anthropologique de « l'enfant- sauvage », et le
thème de « l'enfant de sauvages », qui ethnicise, voire racialise la violence scolaire.
Ainsi de cette Une du quotidien d'extrême droite Présent (1991) : « Ce n'est pas parce
que ce sont des jeunes, c'est parce qu'ils sont restés des sauvages ». L'on sait aussi
qu'en Allemagne, la plupart des travaux sur la violence scolaire ont surgi au moment de
la réunification, qui avait provoqué une forte poussée de fièvre xénophobe dans certains
établissements (Krâmer, 1995). Lors d'un entretien avec un professeur de collège, dans
une zone particulièrement sensible du Sud-Est de la France, celui-ci, décrivant les
graves difficultés qu'il avait connu avec certains de ses élèves « gitans » nous disait :
« ces enfants sont naturellement agressifs ». Cette difficulté d'acceptation des
populations gitanes a d'ailleurs été à l'origine d'un des plus vastes programmes de lutte
contre la violence en Espagne (Moreno, 1998). La naturalisation ethnique de la
violence scolaire se nourrit souvent du thème de l'invasion de l'école par des éléments
extérieurs, dont on sait pourtant à quel point les intrusions sont extrêmement limitées
(moins de 10 % des cas probablement) (Bottin, 1993, 1998). L'explication « ethnique »
* Maître de Conférences, Département des Sciences de l'Education, Université de Bordeaux II,
3 place de la Victoire, 33076 Bordeaux Cedex, France. 78 Eric DEBARBIEUX
de la violence est devenue plus fréquente, s'associant fréquemment d'ailleurs au thème
du refus du « voile islamique » (Lorcerie, 1996, Debarbieux et Tichit, 1997a, 1997b,
Barrère et Martucceli, 1997). Paradoxalement des faits de culture sont utilisés comme
des faits de nature, et cette naturalisation de la violence est désignation ethnique. A la
croyance au « handicap socioculturel », qui avait gauchi les thèses pourtant non
fatalistes de Bourdieu1, succède une croyance en un « handicap socio-violent » qui
s'associe parfois avec une croyance en « l'ethno- violence ».
Un bel exemple de ce processus peut nous être fourni par cette délibération du
conseil régional de Haute-Normandie adoptant le lundi 15 décembre 1997 une motion
d'urgence suite à des incidents dans un collège d'Evreux et demandant « des mesures
concernant les fauteurs de trouble pouvant aller jusqu'à l'exclusion définitive des
établissements, l'expulsion du territoire français s'ils sont étrangers, la suppression
des aides sociales et familiales ». Récemment, des présidents de Conseils régionaux,
issus des partis conservateurs, ont été élus avec le soutien controversé de l'extrême
droite xénophobe, sur un programme minimum contenant l'obligation « d'assurer la
sécurité dans les lycées ». Le rapprochement violence-ethnicité est donc à fort risque
politique. Il est déjà si difficile de penser l'ethnicité dans la sociologie française (Payet,
1995), par peur du « racisme » latent dont serait accusé le chercheur, qu'il est encore
plus difficile de tenter de démêler les liens entre violence et ethnicité, surtout à
proximité de ce sacré républicain : l'Ecole publique, laquelle est en principe fermée à
toute xénophobie puisque postulant l'égalité universelle, et ne pouvant fort
heureusement admettre une quelconque « inégalité des races ».
Une des conclusions des travaux de notre équipe (Debarbieux, 1996) ose
pourtant affirmer que « ce qui nous semble le plus préoccupant, et peut-être aussi le
plus inéluctable, est "V ethnicisation" du problème de la violence à l'École », voulant
d'abord signifier par là que, sur le terrain, la représentation sociale de la violence inclut
désormais cette croyance en une causalité ethnique, même sous le genre moins
infamant du conflit « culturel » (voir aussi Payet, 1992). Il ne s'agit pas de faire des
enseignants des « racistes », et nous avons rencontré une majorité de personnes
profondément choquées par la xénophobie ambiante. Il s'agit plutôt de montrer
comment le monde scolaire est, en France, devenu perméable à un discours ethnicisant,
qui n'est pas nécessairement négatif : un aménagement plus tolérant du discours laïque
vers une reconnaissance des minorités serait peut-être, après