Permanence d Orphée. L unité du « nouveau lyrisme » apollinarien - article ; n°1 ; vol.47, pg 471-489
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Permanence d'Orphée. L'unité du « nouveau lyrisme » apollinarien - article ; n°1 ; vol.47, pg 471-489

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1995 - Volume 47 - Numéro 1 - Pages 471-489
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 75
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marie-Louise Lentengre
Permanence d'Orphée. L'unité du « nouveau lyrisme »
apollinarien
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1995, N°47. pp. 471-489.
Citer ce document / Cite this document :
Lentengre Marie-Louise. Permanence d'Orphée. L'unité du « nouveau lyrisme » apollinarien. In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1995, N°47. pp. 471-489.
doi : 10.3406/caief.1995.1889
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1995_num_47_1_1889PERMANENCE D'ORPHÉE
L'UNITÉ DU « NOUVEAU LYRISME »
APOLLINARIEN
Communication de Mme Marie-Louise LENTENGRE
(Université de Bologne)
au XLVIe Congrès de l'Association, le 21 juillet 1994
« Un esprit nouveau naîtra de cette guerre».
Fécondité du massacre, utilité du pire face auquel il
n'est d'autre remède que de «lire et regarder par les
yeux d'Erôs... ». J'entends déjà, une fois de plus, l'accu
sation d'optimisme «déconcertant» portée contre Guil
laume Apollinaire pour avoir tenu de tels propos. Or le
fait est que ces phrases ne sont pas d'Apollinaire mais
d'André Breton, qui les prononça au mois d'août 1941,
lors d'une interview réalisée à New York. En les extra
polant de leur contexte, j'ai beau jeu de m'en servir
pour leur prêter une signification passablement discu
table: je me livre à une simplification commode. Mais
si le propos de Breton est plus complexe (1), il est clair
que sa visée contredit l'attitude simplificatrice qui avait
permis vingt ans plus tôt au même Breton de discréditer
le comportement d'Apollinaire et de fonder, sur ce point
(1) Voir Entretiens, Paris, Gallimard, «Idées», 1969, p. 228 (dorénavant:
Entretiens). 472 MARIE-LOUISE LENTENGRE
comme sur tant d'autres, une vulgate bien ancrée dans
l'opinion critique.
Il n'est, pour s'en assurer, que d'ouvrir les divers
manuels, dictionnaires, histoires, encyclopédies de la
littérature française, tous lieux indubitablement com
muns du savoir courant, ou si l'on veut de ce que Ro
land Barthes appelait la doxa. Le siècle touche à sa fin,
et malgré un foisonnement d'exégèses, d'éditions crit
iques ou annotées, d'ouvrages de synthèse ou de lectures
minutieuses, en dépit même de travaux aussi décisifs
que ceux de Michel Décaudin, Jean Burgos, Margaret
Davies, Léon Somville, Pierre Caizergues ou Claude
Debon, qui malheureusement ne semblent donc pas
avoir franchi le cercle des apollinariens, une image pers
iste, admise, allant de soi, qui reste dans ses grandes
lignes celle de la vulgate constituée par les contempor
ains du poète, puis par les surréalistes.
Certes, on n'évoque plus la duhamellienne boutique
de brocanteur à propos à' Alcools, mais on ne remet
pas pour autant en question le manque d'unité de ce
recueil. L'évaluation change — le désordre devient un
principe d'ordre, donc une marque intentionnelle de
modernité — , mais la vision reste. Nul ne songerait
encore à dénoncer le souffle court, l'imagination pouss
ive du poète, contraint de puiser ailleurs — en des
curiosités livresques ou chez autrui — la matière de ses
poèmes. Mais les « accents verlainiens », le « symbolisme
érudit », la « versification classique », la « mélodie tradi
tionnelle», le «modernisme», l'« élégie», la «fantaisie
lyrique», le «mystère et parfois la mystification», la
«bonne humeur» et la «santé» rabelaisiennes, tout cela
(je glane au hasard dans le fonds commun) redit tout
de même un éparpillement suspect, une identité poétique
inqualifiable, à la lettre.
D'où la simplification écartelant cette œuvre entre
les deux pôles que le poète, lui, prétendait unir : tradition PERMANENCE D'ORPHÉE 473
(lyrisme, nostalgie, élégie, etc.) et modernité (invention,
surprise, audaces, etc.). Il y aurait ainsi deux Apollinaire,
comme il y a deux recueils: Alcools, qu'on range du
côté de la tradition, et Calligrammes, qui « marque une
étape», soit le célèbre «changement de front» perçu
par les contemporains et entériné par la critique. C'est
le portrait d'Apollinaire vu par Jules Romains aux en
virons de 1907-1908:
En ce temps-là, il n'était pas question d'esprit nouveau. Même
le ton d'un morceau comme «Zone», par quoi débute Al
cools, ne se laissait pas prévoir. Je suis persuadé que, dans
l'intervalle, Apollinaire a été fort préoccupé par l'exemple
de ceux qui s'efforçaient de faire sortir la poésie nouvelle
non des rayons les moins fréquentés d'une bibliothèque, mais
de la réalité même où ils vivaient. Quant à la manière, Biaise
Cendrars en particulier, le Biaise Cendrars du «Poème du
transsibérien » (sic) et de « Pâques à New York », lui a certa
inement montré une voie, indiqué un accent (2).
On notera, en passant, l'opposition entre les «rayons
les moins fréquentés d'une bibliothèque» et «la réalité
même», car j'y reviendrai. Quant à l'influence de Cend
rars, j'ai montré ailleurs (3), à la suite des travaux de
M. Décaudin et de P. Caizergues, combien elle est l
égendaire, et qu'en fait de modernité, l'innovation est
bien plus radicale dans le texte de Zone, que dans celui
de Pâques à New York.
Ponctuellement, ces idées reçues continuent pourtant
d'être colportées par F« universel reportage» critique;
témoin cet exemple, valable pour tous, offert par
(2) J. Romains, Souvenirs et confidences d'un écrivain, Paris, Librairie
Arthème Fayard, 1958, p 32 (cité par Claude Debon dans son Guillaume
Apollinaire après Alcools. I. Le poète et la guerre, Pans, Minard, 1981, p.
32-33)
(3) « Guillaume Apollinaire et Biaise Cendrars : une question de modernité »,
QFR, Quaderni di Filologia Romanza dell'Universita di Bologna, 9, Bologna,
1992, p 141-163 La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France,
publiée en 1913, est postérieure à Zone. 474 MARIE-LOUISE LENTENGRE
Г Aragon de Pierre Daix, première édition en 1975, s
econde édition mise à jour en 1994:
Alcools, c'était le passage d'une poésie encore traditionnelle,
comme La Chanson du mal-aimé ou les Rhénanes — enten
dez traditionnelle au sens du symbolisme ou des Décadents
— , au modernisme proclamé de Zone. Zone, publié dans les
Soirées de Pans de décembre 1912, rajouté au dernier mo
ment sur épreuves, ouvrait Alcools. Ses cadences proches,
sinon imitées, de Cendrars, y prenaient valeur de manifeste (4).
Callligrammes, ce serait donc l'élan, suggéré par d'au
tres, vers la modernité. Mais Calligrammes, c'est aussi
les poèmes de guerre, et le leitmotiv est ici à peu près
universel : légèreté, aliénation, incapacité de prendre vra
iment conscience de l'événement, ludisme, esthétisme, et
ainsi de suite. A croire que, de ces poèmes, n'ont été
lus que ceux où la guerre est «jolie». Sur ce point, je
renvoie aux travaux de Claude Debon, non sans préciser
que la méconnaissance de cette partie de l'œuvre contri
bue à occulter le sens et la portée de la quête apollina-
rienne telle que par ailleurs elle s'énonce, par exemple
dans la fameuse conférence sur L'esprit nouveau, pro
noncée en novembre 1917.
Il est pour le moins curieux, en effet, qu'une évalua
tion définitive — j'entends par là historiquement offi
cialisée, écrite et récrite noir sur blanc dans des ouvrages
destinés à la divulgation la plus vaste — ait pu se for
muler en tenant pour nul tout un pan de l'œuvre, et
précisément celui où, à la veille de sa mort inattendue,
la conscience encore mêlée à cette guerre qui n'aura
donc pas eu de fin pour lui, Apollinaire est en train de
projeter son surréalisme, cette esthétique nouvelle as-
(4) P. Daix, Aragon. Une vie à changer, Paris, Flammarion, 1994, p. 65-
66. PERMANENCE D'ORPHÉE 475
sûrement nourrie de l'expér

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