Tarare - article ; n°217 ; vol.39, pg 40-49
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Description

Annales de Géographie - Année 1930 - Volume 39 - Numéro 217 - Pages 40-49
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1930
Nombre de lectures 41
Langue Français

Extrait

Henri Bordas
Tarare
In: Annales de Géographie. 1930, t. 39, n°217. pp. 40-49.
Citer ce document / Cite this document :
Bordas Henri. Tarare. In: Annales de Géographie. 1930, t. 39, n°217. pp. 40-49.
doi : 10.3406/geo.1930.11285
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1930_num_39_217_1128540
TARARE
Parmi toutes les petites cités textiles de la montagne beaujolaise,.
vassales de Lyon ou de Roanne, Tarare tient une place originale et
reste, à mi-chemin des deux puissants foyers industriels, un centre
autonome qui doit à la fabrication de la mousseline sa fortune et son
indépendance. Du col des Sauvages, on découvre, comme à vol d'oi
seau, tapie au fond de la vallée, la petite ville et son paysage d'usines r
hérissé de hautes cheminées. Dans cet amas de bâtisses neuves, où
l'oeil cherche en vain un souvenir du passé, un axe se dessine, au long
duquel les maisons s'alignent et s'ordonnent : une percée, large et
rectiligne, traverse la ville de part en part ; c'est la route nationale
de Paris à Antibes, l'antique voie du Bourbonnais, aujourd'hui pres
que déserte, mais qui fut, durant des siècles, «un des plus grands
passages du royaume». Tarare est née de ce passage. Ce fut d'abord
un gîte d'étapes, et le paysage urbain, rajeuni par l'usine, garde encorer
comme une empreinte fossile, le tracé de la route morte. La route et
l'industrie, ces deux traits essentiels de la physionomie de la viller
révèlent deux genres de vie successifs et fixent le cadre de cette
étude.
I. — La route
Dans un cadre étroit de montagnes, avec des ressources limitées
par la nature même, une petite communauté agricole trouvait tout
juste place, sans grand espoir d'avenir. C'est à la grand'route qui
empruntait la vallée de la Turdine que Tarare doit d'être devenue
une ville.
Les monts du Beaujolais et du Lyonnais séparent deux grands axes
de circulation : les deux vallées de la Saône et de la Loire . Les pas
sages ne manquent pas à travers la montagne ; mais les chaînes beau-
jolaises opposent à la circulation transversale leurs alignements N-S~
Au Sud, au contraire, les anciens synclinaux approfondis par le Gier
et la Brévenne ouvrent des couloirs profonds et faciles sur la plaine
du Forez ; mais ce bassin, fermé au Nord par l'étranglement de Pinay,
est un véritable cul-de-sac ; animé un instant par la grande voie stra
tégique que les Romains avaient lancée sur l'Auvergne, le Fores
tombe bientôt, en même temps que la voie d'Aquitaine, dans une
décadence profonde, et les beaux passages naturels qui y conduisent
sont délaissés jusqu'au xixe siècle. C'est au centre, au contact des
monts du Beaujolais et des monts du Lyonnais, que s'ouvre le passage TARARE 41
le plus commode. A cet endroit, l'effondrement de tout un comparti
ment de montagne dessine un golfe transversal dont Tarare mar
que l'extrême pointe et qui détermine la direction des rivières ;
sapé par les cours d'eau, le massif se trouve réduit à ulie mince ligne
de crêtes que le col des Sauvages (764 m.) permet de franchir en
quelques heures. C'est par ce passage, frayé depuis l'époque préhis
torique, que fut établie la voie romaine de la Turdine, reliant en ligne
droite les ports de Lugdunum et de Rodumna. Voie secondaire,
elle ne tarda pas à se révéler comme le plus pratique des chemins, et
elle supplanta bientôt la voie d'Aquitaine ; au moyen âge, on l'appelle
la « Grande voie française». Dès le xie siècle, le village de Taratrum
apparaît, et son prieuré fortifié garde une des voies les plus fréquent
ées de France.
Le village occupe, sur la grand'route, une position de choix. A
Tarare finit la vallée riante et peuplée et commence la gorge. Aux
flancs des versants plus abrupts, plaqués çà et là de forêts sombres,
la vigne meurt, les cultures disparaissent. Les villages se réfugient à
700-800 m. d'altitude, sur les hautes surfaces ensoleillées, que les
longs enneigements, un printemps tardif, un sol médiocre rendent
d'ailleurs assez pauvres. La route, après avoir cheminé au fond de
la vallée, désormais solitaire, s'élève en lacets au-dessus de la Turdine
et s'engage dans une côte longue de 7 km. Encore la route actuelle
est-elle aisée ; mais la voie romaine et la route royale abordaient
l'obstacle de front et s'élevaient toutes droites jusqu'au col par des
pentes vertigineuses. On comprend maintenant l'avantage de la posi
tion de Tarare : avant d'aborder la rude côte où il n'ose se risquer de
nuit, le voyageur ou le roulier laisse reposer les bêtes et ne gravira
la «montagne» qu'à l'aube, grâce au renfort que leur apportent les
bœufs ou les chevaux du village. En un mot, la position de Tarare
est celle d'un gîte obligatoire d'étapes, c'est un poste « de pied de
col». La position présente un autre avantage : de Tarare à Lyon la
circulation est aisée ; à cheval, on peut accomplir l'aller et le retour en
une seule journée ; d'autre part, la petite ville est en contact étroit
avec les gros villages des hauteurs qu'un sol ingrat ne suffit pas à
nourrir. Entre Lyon et la montagne, Tarare est l'intermédiaire obligé ;
le fait est capital ; l'industrie naîtra de ce double contact : de Lyon
viendra l'inspiration ; la montagne fournira la main-d'œuvre.
Aussi, très variées et très précieuses sont les ressources que les
gens du lieu tirent de la voie de passage, qu'ils soient forgerons,
charrons, bourreliers ou maréchaux-f errants, rouliers, bouviers, au
bergistes, marchands1. Dès le xvie siècle, les maisons du bourg, hôtell
eries, remises, ateliers, font à la route une interminable escorte
1. H. Forest, Le Prieuré de Tarare, 1897. 42 ANNALES DE GÉOGRAPHIE
Au cours du xvne et du xvine siècle, tout le trafic du Rhône
à la Loire a fini par se concentrer sur la route du Bourbonnais qui
passe par Tarare. Le percement du canal de Briare (1605), l'établi
ssement de coches d'eau de Roanne à Nantes et à Paris (1681-1691) et
du premier carrosse public de Lyon à Roanne (1686) déterminent un
nouvel essor. Dès cette époque, pour ses taffetas et ses balles de
soie, la Provence pour ses huiles et ses vins n'ont pas d'autre débouché
que la Loire vers le Bassin Parisien et l'Europe du Nord-Ouest.
Depuis longtemps, enfin, la route du Bourbonnais draine tout le trafic
vers l'Auvergne et le Limousin, Bordeaux et la Saintonge, au détr
iment de l'antique voie d'Aquitaine. Un embranchement se détache
à Roanne et gagne Clermont ; les Intendants, renonçant à ressusciter
la voie romaine du Forez, le font refaire entièrement et l'élèvent au
rang de route royale (1755). Désormais, par ce chemin rajeuni, Lyon,
que la Bourgogne et la Bresse ne suffisent plus à nourrir, fait venir de
la Limagne de lourds chargements de blé x. Déjà, tous les vins du Midi
passent par Tarare ; les vins du Beaujolais n'ont pas tardé à prendre
le même chemin2 : depuis 1690, le a entrepris d'exporter
sa récolte vers Paris, par la Loire ; mais, de Beau jeu à Pouilly, le
port le plus proche, il n'existe, à travers des chaînes mal orientées,
qu'un mauvais chemin muletier ; bon gré, mal gré, il faut acheminer
les fragiles cargaisons par la Saône d'abord, jusqu'à Anse ou Pierre-
Bénite, puis vers Roanne, parla route du Bourbonnais3 ; là, des relais
sont établis, où les voitures dételées attendent que des bouviers les
viennent prendre ; les paysans de Tarare y sont fort assidus. Ainsi le
transport des marchandises lourdes — blés et vins — fait du roulage
une industrie prospère et dont les profits — tous les Intendants le
déplorent — détournent le paysan du travail de la terre.
Le trafic des voyageurs est aussi intense que celui des marchand
ises ; au cours du xvine siècle, les entreprises de transports en com
mun se multiplient 4 ; les voyageurs entre Lyon et Paris préfèrent à
la route de Bourgogne la route du Bourbonnais, qui connaît bientôt
une extraordinaire vogue ; pourtant cette voie oppose au trafic de
singulières difficultés dans la traversée de la montagne. Cette rampe
1. Lettre du duc d'Harcourt à Trudaine, Arch. dép. du Rhône, С 71.
2. Jean Fayard, Les vins du Beaujolais au XVIIIe siècle {R

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