À la confluence des droits : la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées - article ; n°1 ; vol.53, pg 129-156
28 pages
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Description

Annuaire français de droit international - Année 2007 - Volume 53 - Numéro 1 - Pages 129-156
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 49
Langue Français

Extrait

(*) Bérangère TAXIL t, professeur à l’Université d’Angers. Ce article a été préparé dans le cadre du centre de recherche de l’Universi té de La Rochelle (LASAPE). L’au teur remercie Morgane Guillou, étu-diante à l’Université de La Rochelle , pour l’aide qu’elle lui a apportée. 1. Ce sont les mots de conclusion prononcés par l’ambassadeur français Bern ard Kessedjian, le jour de l’adoption du texte par le Groupe de travail in tersessions intergouvernemental chargé d’élaborer un projet d’instrument normatif juridiquement contraig nant sur les disparitions forcées ou involontaires, qu’il présidait (ci-après le « Groupe normatif »). Voy. FIDH, «Compte rendu de la 5esession (Partie II) du 19 janvier au 23 septembre 2005», p. 44, disponible sur [www.fidh.org]. 2. C’est déjà ce qu’affirmaient de nombreux juristes réunis lors d’un colloque remarqué à Paris en 1981, qui proposaient de consacrer un nouveau traité au phénomène : Institut des droits de l’homme du barreau de Paris,l’oubli. La politique de disparition forcée de personnesLe refus de , Paris, Berger-Levrault, 1982, 449 p. Louis Joinet ét ait déjà présent à ce colloque. Ex pert indépendant auprès de l’ONU, il a contribué depuis à l’élaboration de nombreux textes de lutte cont re l’impunité, dont le projet de convention sur les disparitions forcées, doc. E/CN.4/Sub.2/1998/19.
À LA CONFLUENCE DES DROITS : LA CONVENTION INTERNATIONALE POUR LA PROTECTION DE TOUTES LES PERSONNES CONTRE LES DISPAR ITIONS FORCÉES BÉRANGÈRETAXIL
« Un triple Non a été affi rmé ici : Non au silence, Non à l’oubli, Non à l’impunité» † Bernard Kessedjian, Ge nève, 22 septembre 20051 Des personnes sont arrêtées, par des in dividus armés, membres de forces de sécurité, qui souvent ne s’identifient pas et n’ont pas de mandat officiel ; elles sont enlevées, réduites au silence, déte nues dans des endroits inconnus, fréquem-menttorturées, puis exécutées ; leur sort et leurs corps sont dissimulés aux familles. Il s’agit là d’un terrorisme d’État clandestin, usant du secret et du mensonge, provoquant la peur au sein de la population civile qui se tait, car chacun peut être soupçonné d’appartenir à une opposi tion subversive qu’il faut éliminer. L’acte peut être érigé en véritable politique d’État (« pratique administrative », selon les cours régionales des droits de l’homme), ou être utilisé occasionnellement pour faire taire un opposant gênant. Par le biais des conven-tions de protection des droits de l’homm e, nombre des éléments de ce comporte-ment sont déjà interdits et sanctionnés. Cependant, la disparition forcée n’est pas une violation des droits de l’homme pa rmi d’autres ; ce n’est pas seulement un enlèvement, un acte de torture, une déte ntion arbitraire ou une exécution extra-judiciaire. Elle est tout cela et plus encore : il s’agit d’ un acte spécifique, global, et qui doit être appréhendé comme tel par le droit2. C’est à cette fin que la convention internationale po ur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a été adoptée par le nouveau Conseil des droits de l’homme le
11
ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL LIII – 2007 – CNRS Éditions, Paris
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3. Le texte de la convention figure dans la résolution de l’Assemblé e générale A/RES/61/177 du 12 janvier 2007. Pour une présentation très approfondie des négociations, voy. O.DE FROUVILLE, « La convention des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées : les enjeux juridiques d’une négoci ation exemplaire – Première partie : les dispositions substantielles », Droits fondamentaux ., 2006, 92 p, [www.droits-fondamentaux.org] Ce nouveau traité a fait l’objet d’une attention nettement plus soutenue de la part des au teurs francophones que de la littérature anglophone, qui s’est jusque-là surtout penchée sur l’analyse de situations géographiques spécifiques. Cependant, un ouvrage lui est dédié : T. SCOVAZZI/G. CITRONI,The struggle against enforced disappearances and the 2007 United Nations Convention, Leiden, Nijhoff, 2007, 432 p. Voy. Également S. MCCRORY, « The Inter-national Convention for the Protection of All Persons Against Enforced Disappearances »,Human Rights Law Review, 2007, vol. 7, n° 3, pp. 545-566. F. ANDREU-GUZMAN, « Progress towards a United Nations Treaty against Enforced Disappearances »,Yearbook of the International Commission of Jurists, 2004, pp. 325-337. 4. Il est composé de cinq experts indépendants ; so n mandat est renouvelé tous les trois ans depuis 1992. Il fut d’abord chargé d’un « mandat humanitaire » d’élucidation de cas de disparitions forcées sou-mis à son attention. Il étendit ensu ite lui-même ses travaux à l’étude des pratiques et législations des États. Sur les travaux de ce grou pe thématique, à ne pas confondre avec le groupe normatif, voy. F. ANDREU-GUZMAN, « Le Groupe de travail sur les disp aritions forcées des Nations Unies »,RICR, n° 848 (numéro spécial sur les « personnes disparues »), 2002, pp. 803-818. 5. CourIADH, 29 juillet 1988,Velázquez Rodríguezc.Honduras, Série C, n° 4. Sur ce point, voy. J. BENZIMRA-HAZAN, « Disparitions forcées de personnes et prot ection du droit à l’intégrité : la méthodo-logie de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme »,RTDH, 2001, pp. La Cour euro- 765-796. péenne se montre, quan t à elle, beaucoup moins audacieuse pour sanctionner ces actes. Voy. T. BOUZENOUZE du crime de disparition forcée de person-, « Ni mort ni vivant : les éléments constitutifs nes devant la Cour européenne des droits de l’homme »,L’observateur des Nations Unies, 2004, n° 17, pp. 51-66. 6. Convention interaméricaine sur la disparition forcée de personnes du 9 juin 1994, entrée en vigueur le 28 mars 1996 ; elle ne lie que treize États parties (au 15 avril 2008).
29 juin 2006, puis par l’Assemblée gé nérale de l’ONU le 20 décembre 20063. La cérémonie de signature a eu lieu à Paris le 6 février 2007, réunissant soixante-et-une délégations. Négociée et adoptée très rapidement, la convention est cependant le fruit de presque trois décennies de travaux au sein de l’ONU. En effet, pour faire face au phénomène dénoncé en Argentine et au Chili, la Commission des droits de l’homme mit en place pour la première fois en 1980 un mécanisme « thématique », extra-conventionnel, se déma rquant des organes de suivi des traités relatifs aux droits de l’homme : le groupe de travail sur les disparitions forcées ou involon-taires vit le jour4. Ce dernier fut ensuite chargé de suivre l’application du premier instrument universel dédié à la qu estion : la déclaration pour la protec-tion de toutes les personnes adoptée par l’Assem- rcées,contre les disparitions fo blée générale de l’ONU le 18 décembre 1 992. Cependant, en l’absence d’instru-ment spécifique et obligatoire, la respon sabilité des États n’était mise en cause que de façon indirecte, par les constats de violations de multiples droits de l’homme effectués par le Comité des droits de l’homme de l’ONU ainsi que par les juridictions régionales, interaméricaine et européenne. Ainsi, dès son premier arrêt, la CourIADH a développé une véritable « méthodologie » analysant la disparition forcée comme une violation de plusieurs normes (interdiction de la torture, droits à la vie, à la liberté, à la sécurité, à la dignité, à un procès équitable, etc.)5. Or, malgré ces développements, la prise en compte du phéno-mène sous l’angle des droits de l’homme ne contribue nullement à le réprimer pénalement. Dès lors, en 1994, l’Organisation des États américains adoptait la convention interaméricaine sur les disparitions forcées des personnes(CIDF) qui comporte des dispositions pénales. La na issance d’un outil contraignant contri-buant à la prévention et à la répression (interne) d’ un crime spécifique était certes bienvenue ; toutefois, son champ d’application régional est bien limité6.
130LA CONVENTION INTERNATIONALE CONTRE LES DISPARITIONS FORCÉES
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