Agapè - article ; n°3 ; vol.53, pg 575-600
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Revue internationale de droit comparé - Année 2001 - Volume 53 - Numéro 3 - Pages 575-600
La Parabole biblique du bon Samaritain est souvent citée par des juristes dans le cadre de l'analyse de la responsabilité civile extra-contractuelle pour le préjudice causé par l'inaction. L'auteur examine comment les common lawyers et les civilistes utilisent la Parabole afin de bien formuler la question « qui est mon prochain ? » par rapport au problème de l'existence d'un devoir de porter secours dans le droit de la responsabilité civile des deux traditions juridiques. La lecture que font les juristes de la Parabole nous invite à remettre en question l'opinion généralement admise que le droit civil est plus charitable que la common law dans son attitude face à la personne en péril. Les juristes des deux traditions ont tendance à invoquer la Parabole à l'appui d'une conception libérale de l'obligation civile selon laquelle le devoir de porter secours est décrit comme une atteinte à la liberté individuelle de la personne sur laquelle il pèse. En revanche, lorsque la Parabole est interprétée à partir de l'idéal théologique d'agapè, on la considère comme une indication de la voie menant à la bonté plutôt qu'à la responsabilité. En ce sens, le message théologique de la Parabole s'oppose à la conception de l'obligation civile fondée sur la faute, laquelle est rattachée au principe de justice commutative qui est au cœur du droit de la responsabilité dans la common law et le droit civil. Agapè s'associe plus aisément avec une conception idéaliste de l'obligation, source de liberté, qu'avec une conception de l'obligation civile en tant que liberté négative. La question donc de savoir si agapè peut être imposé par le droit — que ce soit par la loi, le juge ou autrement — nécessiterait une reconfiguration importante du concept de l'obligation civile telle qu'imaginée actuellement par les juristes de common law et de droit civil.
The Biblical Parable of the good Samaritan is often invoked by legal experts in their analysis of liability for omissions that cause harm in the law of extracontractual obligations. The author examines how common lawyers and civilians use the Parable to help formulate the question « who is my neighbour ? » in connection with the problem of whether a duty to rescue exists in the law of civil liability. The manner in which lawyers represent the Parable in both traditions invites a reconsideration of the conventional view that the civil law is more charitable thon the common law in its attitude to the plight of persons in distress. Lawyers in both traditions tend to invoke the Parable in support of the liberal conception of the civil obligation according to which the duty to rescue is depicted as a restriction on the personal liberty of the person on whom it is imposed. By contrast, when the Parable is identified with the theological ideal of agape, it serves to indicate a path to goodness rather than to responsibility. As such, the theological message of the Parable would seem to contradict the fault-based view of the civil obligation, anchored as it is in a private law tradition of corrective justice shared by both legal traditions. Agape is best associated with an aspirational conception of the obligation viewed as a source of freedom rather than as a negative liberty. The question, therefore, as to whether agape can be imposed by law — whether legislati-vely, by judicial pronouncement or otherwise — would require a major reconfiguration of the concept of the civil obligation as it is currently imagined by jurists in both the common law and civil law.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 58
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Nicholas Kasirer
Agapè
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 53 N°3, Juillet-septembre 2001. pp. 575-600.
Citer ce document / Cite this document :
Kasirer Nicholas. Agapè. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 53 N°3, Juillet-septembre 2001. pp. 575-600.
doi : 10.3406/ridc.2001.17944
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_2001_num_53_3_17944Résumé
La Parabole biblique du bon Samaritain est souvent citée par des juristes dans le cadre de l'analyse de
la responsabilité civile extra-contractuelle pour le préjudice causé par l'inaction. L'auteur examine
comment les common lawyers et les civilistes utilisent la Parabole afin de bien formuler la question «
qui est mon prochain ? » par rapport au problème de l'existence d'un devoir de porter secours dans le
droit de la responsabilité civile des deux traditions juridiques. La lecture que font les juristes de la
Parabole nous invite à remettre en question l'opinion généralement admise que le droit civil est plus
charitable que la common law dans son attitude face à la personne en péril. Les juristes des deux
traditions ont tendance à invoquer la Parabole à l'appui d'une conception libérale de l'obligation civile
selon laquelle le devoir de porter secours est décrit comme une atteinte à la liberté individuelle de la
personne sur laquelle il pèse. En revanche, lorsque la Parabole est interprétée à partir de l'idéal
théologique d'agapè, on la considère comme une indication de la voie menant à la bonté plutôt qu'à la
responsabilité. En ce sens, le message théologique de la Parabole s'oppose à la conception de
l'obligation civile fondée sur la faute, laquelle est rattachée au principe de justice commutative qui est au
cœur du droit de la responsabilité dans la common law et le droit civil. Agapè s'associe plus aisément
avec une conception idéaliste de l'obligation, source de liberté, qu'avec une conception de l'obligation
civile en tant que liberté négative. La question donc de savoir si agapè peut être imposé par le droit —
que ce soit par la loi, le juge ou autrement — nécessiterait une reconfiguration importante du concept
de l'obligation civile telle qu'imaginée actuellement par les juristes de common law et de droit civil.
Abstract
The Biblical Parable of the good Samaritan is often invoked by legal experts in their analysis of liability
for omissions that cause harm in the law of extracontractual obligations. The author examines how
common lawyers and civilians use the Parable to help formulate the question « who is my neighbour ? »
in connection with the problem of whether a duty to rescue exists in the law of civil liability. The manner
in which lawyers represent the Parable in both traditions invites a reconsideration of the conventional
view that the civil law is more charitable thon the common law in its attitude to the plight of persons in
distress. Lawyers in both traditions tend to invoke the Parable in support of the liberal conception of the
civil obligation according to which the duty to rescue is depicted as a restriction on the personal liberty
of the person on whom it is imposed. By contrast, when the Parable is identified with the theological
ideal of agape, it serves to indicate a path to goodness rather than to responsibility. As such, the
theological message of the Parable would seem to contradict the fault-based view of the civil obligation,
anchored as it is in a private law tradition of corrective justice shared by both legal traditions. Agape is
best associated with an aspirational conception of the obligation viewed as a source of freedom rather
than as a negative liberty. The question, therefore, as to whether agape can be imposed by law —
whether legislati-vely, by judicial pronouncement or otherwise — would require a major reconfiguration
of the concept of the civil obligation as it is currently imagined by jurists in both the common law and civil
law.R.I.D.C. 3-2001
AGAPÈ
Nicholas KASIRER
La Parabole biblique du bon Samaritain est souvent citée par des juristes
dans le cadre de l'analyse de la responsabilité civile extra-contractuelle pour
le préjudice causé par l'inaction. L'auteur examine comment les common
lawyers et les civilistes utilisent la Parabole afin de bien formuler la question
« qui est mon prochain ? » par rapport au problème de l'existence d'un
devoir de porter secours dans le droit de la responsabilité civile des deux
traditions juridiques. La lecture que font les juristes de la Parabole nous
invite à remettre en question l'opinion généralement admise que le droit
civil est plus charitable que la common law dans son attitude face à la
personne en péril. Les juristes des deux traditions ont tendance à invoquer
la Parabole à l'appui d'une conception libérale de l'obligation civile selon
laquelle le devoir de porter secours est décrit comme une atteinte à la
liberté individuelle de la personne sur laquelle il pèse. En revanche, lorsque
la Parabole est interprétée à partir de l'idéal théologique d'agapè, on la
considère comme une indication de la voie menant à la bonté plutôt qu'à
la responsabilité. En ce sens, le message théologique de la Parabole s'oppose
à la conception de l'obligation civile fondée sur la faute, laquelle est
rattachée au principe de justice commutative qui est au cœur du droit de
la responsabilité dans la common law et le droit civil. Agapè s'associe plus
aisément avec une conception idéaliste de l'obligation, source de liberté,
qu'avec une conception de l'obligation civile en tant que liberté négative.
* Faculté de droit et l'Institut de droit comparé de l'Université McGill et directeur du
Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec. Une version antérieure de ce
texte a été présentée aux Journées Strasbourgeoises de l'Institut canadien d'études juridiques
supérieures en juillet 2000. L'auteur exprime sa reconnaissance aux organisateurs de ces
journées et aux Éditions Yvon Biais pour leur autorisation à la publication de ce texte.
L'auteur tient également à remercier ses collègues du Centre, Paul- André Crépeau, Daniel
Jutras et Roderick Macdonald pour leurs réponses, si charitables, à la question « qui est
mon prochain ? » posée par l'auteur pendant la préparation de ce texte, ainsi qu'à Timothy
Reibetanz, Caroline St-Pierre et Nicolas St-Pierre pour leur généreuse contribution à titre
d'assistants de recherche. REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 3-2001 576
La question donc de savoir si agapè peut être imposé par le droit — que
ce soit par la loi, le juge ou autrement — nécessiterait une reconfiguration
importante du concept de l'obligation civile telle qu'imaginée actuellement
par les juristes de common law et de droit civil.
The Biblical Parable of the good Samaritan is often invoked by legal
experts in their analysis of liability for omissions that cause harm in the
law of extracontractual obligations. The author examines how common
lawyers and civilians use the Parable to help formulate the question « who
is my neighbour ? » in connection with the problem of whether a duty to
rescue exists in the law of civil liability. The manner in which lawyers
represent the Parable in both traditions invites a reconsideration of the
conventional view that the civil law is more charitable than the common
law in its attitude to the plight of persons in distress. Lawyers in both
traditions tend to invoke the Parable in support of the liberal conception
of the civil obligation according to which the duty to rescue is depicted
as a restriction on the personal liberty of the person on whom it is imposed.
By contrast, when the Parable is identified with the theological ideal of
agapè, it serves to indicate a path to goodness rather than to responsibility.
As such, the theological message of the Parable would seem to contradict
the fault-based view of the civil obligation, anchored as it is in a private
law tradition of corrective justice shared by both legal traditions. Agapè
is best associated with an aspirational conception of the obligation viewed
as a source of freedom rather than as a negative liberty. The question,
therefore, as to whether agapè can be imposed by law — whether legislati
vely, by judicial pronouncement or otherwise — would require a major
reconfiguration of the concept of the civil obligation as it is currently
imagined by jurists in both the common law and civil law.
1. Un devoir juridique de donner ? — Peut-être avez- vous, tout
comme moi, commencé

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