L intervention américano-caraïbe à la Grenade - article ; n°1 ; vol.29, pg 217-228
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Description

Annuaire français de droit international - Année 1983 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 217-228
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. le Professeur Olivier
Audeoud
L'intervention américano-caraïbe à la Grenade
In: Annuaire français de droit international, volume 29, 1983. pp. 217-228.
Citer ce document / Cite this document :
Audeoud Olivier. L'intervention américano-caraïbe à la Grenade. In: Annuaire français de droit international, volume 29, 1983.
pp. 217-228.
doi : 10.3406/afdi.1983.2548
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1983_num_29_1_2548L'INTERVENTION AMÉRICANO-CARAÏBE
À LA GRENADE
Olivier AUDÊOUD
Moins de 48 heures après que le quartier général des Marines à Beyrouth se fut
effondré faisant plus de 200 morts américains, une force militaire composée de
2 000 soldats américains et de 300 soldats originaires d'États Caraïbes débarquait
dans l'île de Grenade.
La décision d'intervenir directement avec ses propres militaires est, de la part
d'un supergrand, un acte de première importance qui participe gravement à la montée
de la tension internationale ; c'est pourquoi l'intervention américaine, attendue et
demandée par certains États caraïbes, redoutée par d'autres, aura marqué l'automne
1983.
La localisation spécifique de l'île et la situation qui y prévalait à la mi-octobre
1983 expliquent l'intérêt américain.
L'île de Grenade est une petite île montagneuse de 344 km2 ; sa population,
principalement noire, est de 110 000 habitants. Relativement pauvre, cette île, appelée
souvent « l'île aux épices », tire ses ressources de quelques produits agricoles (noix
de muscade, dont elle est le second producteur mondial, cacao, banane, sucre, café,
épices) et du tourisme. Sa position géostratégique lui confère une certaine import
ance. Située dans les petites Antilles entre Saint- Vincent-et-les-Grenadines d'un côté
et l'archipel de Trinidad-et-Tobago de l'autre, à environ 160 km au nord des côtes
vénézuéliennes, elle pourrait constituer une base prosoviétique stratégique à
10 minutes de vol supersonique des gisements pétroliers vénézuéliens et permettrait
de prendre la région caraïbe en tenaille en cas de conflit, avec Cuba au nord et la
Grenade au sud.
L'histoire de la Grenade, bien que mouvementée, n'est pas exceptionnelle parmi
les îles des Antilles. Découverte par Christophe Colomb en 1498, elle connut un
premier établissement anglais en 1609, qui fut détruit par les indigènes ; plus tard,
ce furent les Français qui s'y établirent jusqu'à la guerre de sept ans, durant laquelle,
en 1762, les Britanniques l'occupèrent. Définitivement reconnue britannique par le
traité de Versailles en 1783, l'île de la Grenade devint un État associé à la couronne
britannique en 1967 et obtint l'indépendance le 7 février 1974. La Grenade est un État
membre du Commonwealth qui, selon la constitution adoptée à son indépendance,
repose sur une démocratie parlementaire et la monarchie constitutionnelle ; la reine
(*) Olivier Audéoud, Maître-Assistant à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne.
Thèse : La détermination des compétences des organisations internationales. L'INTERVENTION AMÉRICANO-CARAÏBE À LA GRENADE 218
demeure le chef de l'État et est représentée par un gouverneur général. Le Premier
ministre désigné lors de l'indépendance, Sir Eric Gairy, leader du Parti travailliste,
fut renversé par un coup d'État en mars 1979. A ce coup d'État remonte la situation
particulière de la Grenade.
Le mouvement New Jewel, qui prend le pouvoir, suspend la constitution sans
l'abolir et désigne comme Premier ministre, son leader, M. Bishop, jeune avocat ami
de Fidel Castro. Vingt ans après le succès de la Révolution cubaine, une île des
Antilles affirmait suivre l'exemple de Fidel Castro. Bien qu'il eût annoncé la
restauration du régime constitutionnel et la tenue d'élections, M. Bishop maintint
le gouvernement révolutionnaire sans jamais procéder à des élections ; il convient
de remarquer que, malgré le régime révolutionnaire, le gouverneur général,
représentant de la Reine, put continuer ses fonctions.
M. Bishop établit des liens étroits avec Cuba, qui fournit une aide financière et
technique importante. Les États-Unis manifestèrent leur hostilité à un régime qui
prenait Cuba comme modèle, mais leur inquiétude fut considérablement accrue par
la construction d'un aéroport international à Point Salines au sud de l'île et par
l'aggravation de la situation interne de l'île, notamment à l'automne 1983.
Le projet de construction d'un aéroport international à la Grenade est antérieur
au coup d'Etat de M. Bishop, mais l'importance des travaux envisagés inquiétait les
Américains, qui y voyaient une base militaire potentielle. De fait, le projet est
important ; d'un montant de 71 millions de dollars, son financement met en évidence
l'apport de Cuba (la prévision financière, sur 71 millions de dollars, se répartit entre
des contributions de Cuba 33,6, de la C.E.E. 2, de l'Algérie 6, du Venezuela 0,4, de
la Syrie 2 et de l'Iraq 5, des prêts de la Libye 5, de la Grande-Bretagne sous forme
de crédits à l'exportation 12 et de la Finlande 2,4, le financement de la Grenade étant
de 2,6 millions (1). Les Américains mirent en garde la Grenade contre ce projet. La
construction de l'aéroport, confiée au groupe nationalisé britannique Plessey aidé
par les techniciens cubains, était presque achevée à l'automne 1983, mais aucun
équipement propre à un aéroport militaire comme des réservoirs souterrains, des
hangars blindés, une protection de la tour de contrôle n'ont été mis en place. Il est
vrai que la longueur de la piste avec ses 3 300 m permet l'atterrissage d'avions
supersoniques.
Pour les Américains, l'existence de cet aéroport apparaissait à la fois comme une
menace contre leur sécurité et une sorte de provocation dans une zone d'intérêt vital.
La zone caraïbe, si proche des États-Unis, qualifiée par certains de « Méditerra
née américaine », est « protégée » de longue date par les États-Unis ; en 1898, ils
s'emparèrent de Cuba et de Porto Rico ; durant le premier quart du siècle, la
« politique du gros bâton » (2), formulée par Theodore Roosevelt en 1904, inspira le
débarquement de Marines à Cuba en 1912 et 1916, en République dominicaine en
(1) Réponse de la Commission des Communautés européennes à la question écrite n° 1545/83 de
M.P. WANKERKHOVEN, J.O.C.E. n° C 89, 1983, p. 10.
(2) Le Président Théodore Roosevelt définit cette politique dans son message annuel du 6.12.1904 : « Si
la nation montre qu'elle sait agir raisonnablement et décemment, si elle maintient l'ordre et remplit ses
obligations, elle n'a pas à craindre l'intervention des États-Unis. Des manquements répétés ou une faiblesse
du pouvoir se traduisant par un relâchement général des liens de la société civilisée pouvant, en Amérique
comme ailleurs, nécessiter en dernière ressource l'intervention de quelques nations civilisées et dans
l'hémisphère occidental l'adhésion des États-Unis à la doctrine de Monroe peut les pousser, dans de tels cas
flagrants de manquements ou d'impéritie, à exercer, bien qu'à contrecœur, un pouvoir de police internatio
nal. » L'INTERVENTION AMÉRICANO-CARAÏBE À LA GRENADE 219
1911, 1913, 1914 et 1916. Franklin Roosevelt, élu Président en 1933, préfère la
politique de « bon voisinage » (3) ; depuis la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis
n'étaient guère intervenus, avant l'automne 1983, directement par eux-mêmes, qu'une
seule fois à Saint-Domingue en 1965 (4). Au-delà de la « troisième frontière »
américaine, l'espace caraïbe, hormis Cuba, paraissait épargné par les crises inter
nationales.
Le succès de la révolution sandiniste au Nicaragua en 1979 a ranimé la crainte
de l'Administration américaine d'une nouvelle application de la théorie « des domi
nos » (5). En effet, se succédèrent en peu de mois l'installation d'u

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