L invention de la diversité culturelle - article ; n°1 ; vol.51, pg 512-523
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Description

Annuaire français de droit international - Année 2005 - Volume 51 - Numéro 1 - Pages 512-523
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 75
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Musitelli
L'invention de la diversité culturelle
In: Annuaire français de droit international, volume 51, 2005. pp. 512-523.
Citer ce document / Cite this document :
Musitelli. L'invention de la diversité culturelle. In: Annuaire français de droit international, volume 51, 2005. pp. 512-523.
doi : 10.3406/afdi.2005.3895
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_2005_num_51_1_3895ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
LI - 2005 - CNRS Éditions, Paris
L'INVENTION DE LA DIVERSITE CULTURELLE
Jean MUSITELLI
La diversité culturelle, si elle est un fait ancien, est une idée neuve sur la
scène internationale. Sa brève genèse tient en quelques dates clés. L'expres
sion apparaît dans le vocabulaire officiel français à la fin de l'année 1998, lors
de la signature par les ministres des affaires étrangères de la déclaration
franco-mexicaine sur la diversité culturelle, le 12 novembre 1998, suivie de
près par le communiqué conjoint des premiers ministres canadien et français
sur « l'importance de la culturelle dans une économie mondiale »,
publié à Ottawa le 17 décembre suivant. Jusqu'alors, c'était la notion d'excep
tion culturelle qui prévalait, en France et en Europe, depuis l'achèvement du
cycle d'Uruguay des négociations commerciales du GATT (1994), et celle
d'exemption culturelle au Canada, depuis la signature, en 1992, de l'accord de
libre échange nord-américain (ALENA). Sa première occurrence dans un texte
multilatéral date de l'adoption par l'UNESCO, le 2 novembre 2001, de la décla
ration universelle sur la diversité culturelle. Auparavant, cette organisation
privilégiait le concept de « créatrice » lequel a donné son titre, en
1996, à un rapport issu des travaux de la Commission mondiale de la culture et
du développement présidée par l'ancien Secrétaire général de l'Organisation
des Nations Unies, Javier Perez de Cuellar 1. C'est le 3 septembre 2002 que le
président de la République française a proposé, lors du sommet sur le dévelop
pement durable de Johannesburg, que soit donnée force de loi internationale
aux principes de la déclaration de 2001 et que l'UNESCO prépare une convent
ion en ce sens. Ce texte, dont l'intitulé complet est « convention sur la protec
tion et la promotion de la diversité des expressions culturelles », a été adopté
par l'UNESCO lors de sa 33e Conférence générale le 20 octobre 2005, après
deux années de négociation, par cent quarante-huit voix pour, deux contre
(celles des États-Unis et d'Israël) et quatre abstentions. Il est peu d'exemples,
dans l'histoire de la négociation multilatérale, qu'un délai aussi bref s'écoule
entre l'expression d'un objectif politique et celui de sa formalisation dans le
droit international.
Nul ne conteste que la France ait tenu un rôle central dans l'entreprise. Pour
quoi les autorités françaises ont-elles pris l'initiative de lancer cette idée,
comment en a-t-on défini le contenu, quel accueil a reçu cette proposition : telles
sont les trois questions que le présent article se propose d'aborder.
(lf> Jean MUSITELLI, conseiller d'État, ancien ambassadeur auprès de l'UNESCO. L'auteur a été
membre du groupe d'experts internationaux constitué par le directeur général de l'UNESCO pour prépa
rer le projet de convention sur la diversité culturelle.
1. Javier PEREZ DE CUELLAR, (dir.), Notre diversité créatrice, Rapport de la Commission mondiale
de la culture et du développement, Paris, Éditions UNESCO, 1995. L'INVENTION DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE 513
I. - LES PRÉMISSES INTELLECTUELLES ET GÉOPOLITIQUES
A. L'impasse des stratégies défensives
À partir des années 1980, la pression pour la libéralisation du secteur et des
échanges culturels ne cesse de s'accroître au détriment des politiques publiques
dont les objectifs - promotion de la diversité et de la créativité, élargissement de
l'accès aux œuvres - participent d'une certaine conception du bien public général,
non réductible à la seule rentabilité financière ou commerciale. C'est la perspect
ive de la reprise des négociations commerciales multilatérales sur la libéralisa
tion des services culturels et audiovisuels, dans le cadre de l'Organisation
mondiale du commerce (OMC), prévue à Seattle en décembre 1999, qui est à
l'origine du débat sur la diversité culturelle. Confrontés à cette échéance, les
responsables français se posent la question de savoir comment donner un fonde
ment juridique durable aux politiques culturelles, en tant qu'elles constituent la
garantie d'une offre diversifiée face à l'ouverture des frontières, et comment parer
au risque de démantèlement que la libéralisation totale des échanges fait peser
sur ces politiques.
À cette question, ni l'exception culturelle, parade imaginée en 1993-94 à la
fin des négociations du GATT pour dispenser les États de prendre les engage
ments de libéralisation de leurs services culturels et audiovisuels prévus par
l'accord général sur le commerce des services (AGCS), ni les réflexions de
l'UNESCO sur la notion de diversité créatrice n'apportaient alors de réponse
pertinente.
1. La double limite de l'exception culturelle
Sur le plan pratique, l'exception culturelle n'avait pas empêché le déficit des
échanges audiovisuels entre les États-Unis et l'Europe de se creuser au détr
iment de cette dernière, passant, au cours de la décennie 1990, de 2,1 à
8,1 milliards de dollars. Sur le plan juridique, la protection offerte s'avérait tout
aussi illusoire puisque sa variante canadienne, l'exemption, n'avait pas évité au
gouvernement d'Ottawa le désagrément d'une condamnation par un panel de
l'OMC dans le litige l'opposant aux États-Unis sur les périodiques à tirage
dédoublé. À quoi s'ajoutait la tentative de contourner l'exception par la négocia
tion d'un accord multilatéral sur l'investissement (AMI) à l'OCDE. La notion
était de surcroît mal comprise et peu mobilisatrice. D'une part, parce que, portant
exclusivement sur le cinéma et l'audiovisuel, elle laissait à l'écart les pays
dépourvus d'industries culturelles. D'autre part, parce que les pays émergents et
en développement avaient l'impression qu'on les sommait d'arbitrer une querelle
de riches mettant aux prises les industries culturelles du nord par États inter
posés pour la conquête du marché mondial.
Les limites de l'exception reflètent celles de politiques de soutien inscrites
dans un espace national, alors que, dans ce qu'il faut bien appeler le marché
mondialisé de la culture, les dispositifs nationaux, pour indispensables qu'ils
demeurent, ne suffisent plus à freiner la course à la libéralisation des échanges
culturels. La globalisation postule le démantèlement des régulations publiques.
« Ce qui ne signifie aucunement l'absence de règles mais l'instauration d'un cadre
juridique propice au déploiement de l'espace de la marchandise » 2. Dans un
2. Armand MATTELART, Diversité culturelle et mondialisation, Paris, La Découverte, 2005, p. 62. L ' INVENTION DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE 514
paysage caractérisé par la consolidation de la puissance de groupes économiques
organisés en oligopoles, par les possibilités accrues de contournement des normes
protectrices qu'autorise le déploiement des technologies numériques et du réseau
internet et par la diffusion universelle d'un modèle de culture ou de divertiss
ement conforme au dessein hégémonique des compagnies hollywoodiennes et à la
propension américaine à fonder sa domination sur le soft power, les politiques
nationales n'ont pas les moyens de traiter dans sa globalité l'enjeu de la diversité.
La régulation n'a de chance de produire des effets que si elle est planétaire. Elle
présume la conception d'outils de gouvernance mondiale et la constitution d'un
rapport de forces mondial, ce que l'exception, conçue comme rempart du modèle
culturel français ou européen face au défi commercial, ne permettait pas.
2. Les inhibitions de l'UNESCO
L'UNESC

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