La Commission mixte Cameroun/Nigeria, un mécanisme original de règlement des différends interétatiques - article ; n°1 ; vol.51, pg 162-184
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Description

Annuaire français de droit international - Année 2005 - Volume 51 - Numéro 1 - Pages 162-184
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

M. le Professeur Mohamed
Mahmoud Mohamed Salah
La Commission mixte Cameroun/Nigeria, un mécanisme original
de règlement des différends interétatiques
In: Annuaire français de droit international, volume 51, 2005. pp. 162-184.
Citer ce document / Cite this document :
Mohamed Salah Mohamed Mahmoud. La Commission mixte Cameroun/Nigeria, un mécanisme original de règlement des
différends interétatiques. In: Annuaire français de droit international, volume 51, 2005. pp. 162-184.
doi : 10.3406/afdi.2005.3878
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_2005_num_51_1_3878ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
LI - 2005 - CNRS Éditions, Paris
LA COMMISSION MIXTE CAMEROUN/NIGERIA,
UN MÉCANISME ORIGINAL DE RÈGLEMENT
DES DIFFÉRENDS INTERÉTATIQUES
M. Mahmoud MOHAMED SALAH
1. Au début des années 90, un auteur relevait, comme pour tempérer le pes
simisme consécutif au constat de la multiplication des conflits internationaux,
que le domaine du règlement pacifique des différends connaissait une
« effervescence » digne d'intérêt 1. Le champ d'illustration du propos était cepen
dant limité aux projets liés aux changements politiques en Europe et aux procé
dures de règlement dans les relations commerciales internationales 2.
Dans cette perspective, il paraît judicieux d'attirer l'attention sur un méca
nisme original de règlement des différends interétatiques, mis en place par deux
États africains, le Cameroun et le Nigeria, avec l'assistance des Nations Unies. Il
s'agit de la Commission mixte Cameroun-Nigeria, créée à l'issue de la rencontre
organisée entre les chefs d'États des deux pays, le 10 novembre 2002, à Genève,
par le Secrétaire général des Nations Unies. Pour comprendre les raisons de la
création de cette commission, il faut revenir au différend frontalier qui opposait
les deux États et qui a dégénéré en affrontement armé, en 1993, 1994 et, surtout
en 1996, dans la péninsule de Bakassi. L'occupation militaire d'une grande partie
de la presqu'île par le Nigeria avait conduit le Cameroun à saisir, le 29 mars
1994, la CIJ par une requête introductive d'instance contre ce pays3. Présenté
comme portant, au départ, essentiellement sur « la question de la souveraineté de
la presqu'île de Bakassi » et, accessoirement, sur la délimitation, demeurée
partielle, de la frontière maritime, l'objet du différend s'est, par la suite, élargi à
la « question de la souveraineté sur une partie du territoire camerounais dans la
zone du lac Tchad » et à la délimitation précise de la frontière terrestre entre les
deux pays, du lac Tchad à la mer 4.
C'est donc, en définitive, l'ensemble du différend frontalier entre les deux États
qui a été soumis à la Cour internationale de Justice. Il s'agit d'un différend multidi-
mensionnel qui fait entrer en ligne de compte, au-delà des paramètres proprement
juridiques concernant la délimitation de la frontière lacustre, terrestre et mari
time, des données historiques, sociologiques et symboliques, tant il est vrai que,
(*)M. Mahmoud MOHAMED SALAH, professeur à l'Université de Nouakchott, a travaillé comme
expert des Nations Unies à la Commission mixte Cameroun/Nigeria, de novembre 2003 à novembre
2005. Les opinions ici émises n'engagent que lui.
1. G. BURDEAU, La diversification des procédures de règlement des différends in Y. Daudet, Actual
ité des conflits internationaux, Paris, Pedone, 1993, pp. 147 à 170.
2. Ibid.
3. En invoquant comme fondement de la compétence de la Cour les déclarations par lesquelles les
deux parties avaient accepté sa juridiction au titre du paragraphe 2 de l'article 36 du statut de la Cour.
4. Le Cameroun avait demandé l'élargissement de l'objet du différend par une requête additionnelle
en date du 6 juin 1994, dans laquelle, il priait la Cour de fondre les deux requêtes et « d'examiner
l'ensemble en une seule et même instance ». LA COMMISSION MIXTE CAMEROUN/NIGERIA 163
comme pour d'autres litiges territoriaux impliquant des pays africains, les
problèmes de frontière se compliquent, ici, du fait de l'enchevêtrement entre les
questions d'ethnies et de nationalités5. L'opinion publique ne retient, le plus
souvent, de ce différend frontalier, que l'épisode médiatisé de l'affrontement mili
taire dans la presqu'île de Bakassi. Pourtant, les enjeux sont également très
grands dans la zone du lac Tchad où il fallait préciser de quelle juridiction rele
vaient au moins trente-trois localités et sur la frontière terrestre où les instru
ments juridiques fondant la délimitation de cette manquaient de précision.
Par ailleurs, le différend revêt une dimension économique dont l'importance est
attestée par la présence de ressources pétrolières dans la zone de la frontière
maritime et probablement dans la presqu'île de Bakassi.
2. On pouvait penser que la soumission par les deux États de l'ensemble de
leur différend frontalier à la juridiction permanente 6 qui a pris le temps néces
saire pour étudier en profondeur les problèmes de fond qu'il soulevait7, consti
tuait le signe d'un apaisement irréversible des tensions qui les opposaient. Le
recours au règlement judiciaire ne suppose-t-il pas, paradoxalement, comme cela
a été souligné, « une bonne entente entre les parties ? » 8.
En acceptant de poser leur litige sur le terrain du droit et en confiant à un
organe juridictionnel le soin de le régler de façon définitive, les États se transfor
ment en plaideurs qui, tout en ayant des prétentions opposées, partagent des
prémisses communes sur la façon dont leur différend doit être tranché et sur
les obligations que cela implique pour chacun d'entre eux. Les litiges frontaliers
ne sont-ils pas, d'ailleurs, le prototype des conflits entrant dans « le champ opé
ratoire du règlement juridique international » 9, c'est-à-dire des conflits dans
lesquels « la justice internationale est considérée, en pratique par les États,
comme un instrument à la fois acceptable et utile de règlement pacifique de leurs
différends ? » 10.
En effet, si jusqu'aux années 70 du siècle précédent, beaucoup d'États afri
cains étaient peu enclins à soumettre leurs litiges territoriaux à un organe juri
dictionnel, et en particulier à la Cour internationale de Justice u, la tendance
s'est, depuis, inversée. La CIJ a été saisie par plusieurs États africains pour tran
cher les litiges frontaliers qui les opposaient 12, à tel point que l'on a pu écrire que
« l'Afrique est désormais le continent où l'on dénombre le plus d'affaires contentieuses
5. Voy. l'opinion individuelle du juge ad hoc Kéba M'Baye, p. 4, n° 20. Voy. l'arrêt de la CIJ du
10 octobre 2002 sur l'affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria, sur le
site Internet de la Cour [www.icj-cij.org]. Les opinions individuelles y sont jointes.
6. Il faut cependant rappeler que la Cour avait, en l'espèce, été saisie non par un compromis des
parties, comme cela a été le cas pour la quasi-totalité des questions de délimitation territoriale qui ont
été soumises par des États africains mais par une requête unilatérale du Cameroun. Le Nigeria a
d'ailleurs soulevé, pas moins de huit exceptions préliminaires relatives à la compétence de la Cour. Celle-
ci, en a rejeté, sept, dans son arrêt du 11 juin 1998, et a joint la huitième au fond (H. RUIZ-FABRI/J.-M.
SOREL, Chronique de jurisprudence de la CIJ, JDI, 1999, pp. 868-877).
7. La CIJ a rendu son arrêt le 10 octobre 2002, soit plus de huit ans après le dépôt de la requête
introductive d'instance du Cameroun.
8. Ch. PHILIP et J.-Y. de Cara, « Nature et évolution de la juridiction internationale », La Juridic
tion internationale permanente, SFDI, colloque de Lyon, Paris, Pedone, 1987, p. 6.
9. M. VlRALLY, « Le champ opératoire du règlement judiciaire international », RGDIP, 1983,
pp. 281-314.
10. M. BEDJAOUI, « Mythes et réalités d'une relance du règlement judiciaire des différends
internationaux », Actualités des conflits internationaux, colloque précité de la SFDI, sp. p. 137.
11. J.-P.

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