La justice comme contre-pouvoir : regards croisés sur les pratiques américaine et française - article ; n°3 ; vol.53, pg 559-574
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 2001 - Volume 53 - Numéro 3 - Pages 559-574
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Elisabeth Zoller
La justice comme contre-pouvoir : regards croisés sur les
pratiques américaine et française
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 53 N°3, Juillet-septembre 2001. pp. 559-574.
Citer ce document / Cite this document :
Zoller Elisabeth. La justice comme contre-pouvoir : regards croisés sur les pratiques américaine et française. In: Revue
internationale de droit comparé. Vol. 53 N°3, Juillet-septembre 2001. pp. 559-574.
doi : 10.3406/ridc.2001.17943
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_2001_num_53_3_17943R.I.D.C. 3-2001
LA JUSTICE COMME CONTRE-POUVOIR :
REGARDS CROISÉS SUR LES PRATIQUES
AMERICAINE ET FRANÇAISE *
Elisabeth ZOLLER **
Monsieur le Premier Président de la Cour de cassation,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
C'est un grand privilège de parler en ces lieux et je suis profondément
sensible, M. le Premier Président, à l'honneur que vous avez bien voulu
me faire en m' invitant à y présenter la justice comme contre-pouvoir dans
les pratiques américaine et française.
La justice s'entend de l'ensemble des institutions qui permettent de
rendre justice, c'est-à-dire de juger les procès, de trancher des litiges
opposant de simples particuliers entre eux, ou des particuliers et l'État l.
En France, le terme justice s'applique aux cours et tribunaux des deux
ordres de juridictions, l'ordre judiciaire et l'ordre administratif. Aux États-
Unis, il s'applique aux juridictions fédérales et aux juridictions des cin
quante États.
En tant qu'elle consiste dans l'exercice de la fonction judiciaire, la
justice est toujours l'un des trois « pouvoirs » de l'État, en France comme
aux États-Unis. Jusqu'aux années récentes, il n'y avait toutefois qu'aux
États-Unis qu'on la tenait comme étant aussi un « contre-pouvoir ». En
France, il était exclu que la justice exerçât une telle fonction, le rôle de
« contre-pouvoir » lui ayant été expressément refusé par les articles 10
* Cet article est Le texte intégral d'une conférence donnée le 22 mars 2001 dans la
Grand'Chambre de la Cour de cassation devant la Société de législation comparée ; seuls
les inter-titres et les notes de bas de page ont été ajoutés pour publication.
** Professeur à l'Université de Paris II (Panthéon-Assas).
1 Sur les différents sens du terme «justice», v. J.VINCENT, S. GUINCHARD,
G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciaires : Organisation, Juridictions,
Gens de Justice, coll. « Précis Dalloz », 5e éd., 1999, p. 1, § 1. 560 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 3-2ÜO1
et 13 de la loi des 16-24 août 1790 2. Ce refus est en un sens rappelé
par le terme « autorité judiciaire » qui fut choisi pour la désigner dans
la Constitution de 1958 même si, à l'origine, le choix du Conseil d'État
fut motivé, nullement par la volonté de la marquer du sceau de l'infériorité,
mais par le souci de limiter la portée des dispositions constitutionnelles
à la seule « magistrature judiciaire » en tant qu' « autorité publique » 3.
Aujourd'hui, ce qualificatif d'« autorité judiciaire» a bien vieilli. Il ne
correspond plus à ce que l'on souhaite que la justice soit, à tout le moins
devienne. Une large partie de la doctrine et de l'opinion aspire à faire
de la justice un « Pouvoir », un « vrai pouvoir » 4. Certains vont même
jusqu'à souhaiter une justice «contre-pouvoir»5, ou plus pudiquement
une justice « tiers-pouvoir » 6 ; d'autres se défendent de nourrir des idées
aussi radicales et insistent qu'il n'est question que de faire de la justice
un pouvoir, tout court. Quels que soient les termes ^utilisés, tous expriment
une seule et même idée qui se résume à ceci : un État de droit commande
autre chose qu'une justice simple « autorité judiciaire » ; il appelle une
justice forte et indépendante, capable de faire face aux autres pouvoirs
et d'opposer à leurs abus le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales. Nonobstant les dénégations de ceux que le mot effraie,
c'est bel et bien la théorie des contre-pouvoirs qui inspire ces nouvelles
idées.
L'idée qu'à chaque pouvoir il faut opposer un autre pouvoir et qu'il
n'y a pas de démocratie qui vaille sans contre-pouvoirs, nous vient d'Amér
ique. Elle fut découverte au moment de l'élaboration de la Constitution
fédérale américaine en 1787. James Madison, principal artisan de cette
2 Art. 10 : « Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune
part à l'exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l'exécution des décrets
du corps législatif, sanctionnés par le roi, à peine de forfaiture. »
Art. 13 : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées
des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de
quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les
administrateurs pour raison de leurs fonctions. »
Sur la « nouvelle justice » instituée par la Révolution, v. J.-P. ROYER, Histoire de la
justice en France, 2e éd., coll. « Droit Fondamental », Paris, PUF, 1996, pp. 261-309, surtout
les §§ 171-175 ; Lucien JAUME, L'individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français,
Paris, Fayard, 1997, pp. 371-374.
3 V. les explications données au cours du débat du 28 août 1958 à l'Assemblée générale
du Conseil d'Etat sur le projet de constitution, Documents pour servir à l'histoire de
l'élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, Paris, Documentation française, 1991,
vol. III, 4 L'abondante pp. 379-382. littérature existant sur le sujet est clairement résumée et présentée par
J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER, A. VARINARD, Institutions judiciair
es, op. 5 Parmi cit., pp. les travaux 134-140, les §86. plus représentatifs de ce courant de pensée, il faut citer ceux
de A. GARAPON, Le gardien des promesses, Justice et démocratie, Paris, Éd. O. Jacob,
1996, pp. 177-178 et p. 247 ainsi que son article « La culture juridique française au choc
de la "mondialisation" » in R. JACOB [dir. j, Le juge et le jugement dans les traditions
juridiques européennes, Études d'histoire comparée, Paris, LGDJ, 1996, pp. 379-394, surtout
p. 390. ft V. D. SALAS, Le tiers pouvoir, Vers une autre justice, coll. « Pluriel », Paris,
Hachette, 1998, p. 13, p. 169 et pp. 278-279. E. ZOLLER : LA JUSTICE COMME CONTRE-POUVOIR 561
ingénieuse mécanique, la présenta au public américain en ces termes :
«Quand on dessine le cadre d'action d'un [futur] gouvernement qui va
donner à des hommes le pouvoir de gouverner d'autres hommes, la [plus]
grande difficulté est la suivante : il faut donner aux gouvernants les moyens
de contrôler les gouvernés, mais il faut en retour donner aux gouvernants
les moyens de se contrôler eux-mêmes. Le premier moyen pour y parvenir
consiste évidemment à rendre les gouvernants dépendants [du suffrage]
des gouvernés ; mais l'expérience nous a appris que d'autres précautions
supplémentaires sont nécessaires » 7. Ces « précautions supplémentaires »,
ce sont les checks and balances, autrefois désignés par la terminologie
classique de « freins et contrepoids », aujourd'hui traduits par l'expression
plus forte, plus séduisante, de « contre-pouvoirs ». Certains sont prévus
dans la Constitution ; par exemple, le Congrès contrôle le Président par
l'initiative des lois et le vote du budget, mais inversement le
contrôle le Congrès par le droit de veto. Les autres relèvent moins du
texte constitutionnel que de l'interprétation qui en a été faite ; ainsi, du
pouvoir de contrôler la constitutionnalité des lois qui a fait du pouvoir
judiciaire un contre-pouvoir du Congrès.
La théorie des contre-pouvoirs resta longtemps propre à l'Amérique.
En France (comme en Angleterre), un long passé monarchique inclinait
à faire une autre lecture de la séparation des pouvoirs. On y estimait que,
prise au pied de la lettre, la « » des pouvoirs, au fond, ne
pouvait pas véritablement ex

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