La pratique référendaire en France - article ; n°2 ; vol.28, pg 265-286
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1976 - Volume 28 - Numéro 2 - Pages 265-286
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 60
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Bouissou
La pratique référendaire en France
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 28 N°2, Avril-juin 1976. pp. 265-286.
Citer ce document / Cite this document :
Bouissou Michel. La pratique référendaire en France. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 28 N°2, Avril-juin 1976. pp.
265-286.
doi : 10.3406/ridc.1976.16657
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1976_num_28_2_16657LA PRATIQUE RÉFÉRENDAIRE EN FRANCE
par
Michel BOUISSOU
Professeur à l'Université de Paris x
« On peut faire qu'une partie du peuple gouverne constamment et
que tout le peuple gouverne une partie du temps, mais on n'obtiendra
jamais que tout le peuple gouverne tout le temps ».
Cette formule, dans laquelle l'historien G. Glotz amalgame deux
formules célèbres d'Abraham Lincoln pour dénoncer le caractère large
ment mythique de la démocratie athénienne, nous paraît devoir être placée
en exergue d'une étude sur la pratique référendaire en France.
Avant tout, le référendum apparaît, dans la tradition politique fran
çaise, comme le symbole du « mythe » démocratique, au sens où Freud
entendait cette expression : « Les mythes sont des débris déformés des
imaginations et des désirs des nations entières... ». Il est le symbole d'une
conciliation possible entre l'état de gouvernant et celui de gouverné.
La réalité du pouvoir, c'est une pratique oligarchique cautionnée par
(ou dissimulée derrière) la théorie du mandat représentatif. Le rêve, c'est
une formule aussi proche que possible de la démocratie directe, fondée
sur le double procédé du mandat impératif et des consultations référen
daires.
Episodiquement, le rêve référendaire prend corps. On l'a vu, dans
la décennie soixante, revêtir deux apparences successives : celle du dialo
gue direct entre le peuple et le Chef de l'Etat, celle ensuite de la partici
pation, à laquelle le référendum du 27 avril 1969 devait porter un coup
fatal.
Devrait-on, dès lors, parler d'une inactualité du thème ? La question
sans doute doit être posée. Mais combien même la réponse serait positive
— ce qui est loin d'être assuré — il n'y en aurait peut-être que plus de
raison de l'aborder, car c'est seulement dans l'état de veille que l'on peut
analyser les rêves avec lucidité.
De fait, évoqué en 1975, le thème du référendum en France pourrait
être considéré comme totalement inactuel. Après avoir suscité d'ardentes
polémiques sinon dans l'opinion publique du moins dans la classe poli
tique, au cours des années soixante, il paraît retombé au rang des sujets
académiques. On imagine mal l'actuel président de la République soumett
ant au peuple français, directement consulté, une option sur le type 266 LA PRATIQUE RÉFÉRENDAIRE EN FRANCE
de société qu'il appelle de ses vœux, alors que certains, cependant, l'y
poussaient à propos de la loi sur l'avortement. De même, c'est par la voie
parlementaire que s'est réalisée, en 1974, la dernière révision constitutionn
elle.
Les exemples les plus récents de pratiques référendaires — par
exemple, la consultation sur les Comores ou les référendums locaux sur
les fusions de communes — témoignent au contraire, selon nous, que l'in
stitution survit mais que, pour l'heure, elle est comme chloroformée : elle
serait plus une technique de sondage ou de concertation qu'une techni
que de décision. Peut-être en sortira-t-il cependant, si la « participation »
entre réellement dans les habitudes des Français, une institution entièr
ement rajeunie et dépouillée d'une large part de son côté mythique.
Faut-il rappeler ce qui fit l'actualité du thème autour des années
soixante ? Le Général de Gaulle utilisant avec maestria cette technique
de « dialogue » en fit un moyen privilégié pour triompher des résistances
du Parlement en le « court-circuitant », pour « ressourcer. » de temps à
autre son autorité personnelle ou pour modifier la Constitution en dehors
de la procédure normale de l'article 89. Ces détournements de procédure
— et même, dans le dernier cas, cette violation flagrante de la constitu
tion écrite — suscitèrent des réactions passionnelles dans les milieux poli
tiques et une condamnation quasi-unanime chez les spécialistes du droit
public, sans émouvoir autrement l'opinion. Cependant, après la crise de
mai- juin 1968 — au cours de laquelle le Général de Gaulle avait songé
un instant à organiser par référendum un appel à la majorité silencieuse
— l'échec du référendum sur la participation et la réforme du Sénat
(1969), puis, sous le septennat de Georges Pompidou, le fiasco du réf
érendum sur l'adhésion de la Grande-Bretagne à la C.E.E. (avril 1972),
sonnèrent le glas de ces pratiques destinées plus à asseoir le pouvoir per
sonnel que la démocratie directe. Certaines thèses, très en vogue à l'épo
que, tendaient, cependant, à présenter l'appel au peuple comme une forme
moderne de la directe. En posant la question de confiance
devant le suffrage universel (comme les présidents du Conseil devant
l'Assemblée sous la IVe République), le Président de la République insti
tuait, selon René Capitant, un contact direct avec le peuple, au lieu du
processus médiatisé (par les partis et par les assemblées) tel qu'on le
connaît dans le régime parlementaire. Au reproche que de telles méthodes
ressortissaient aux pratiques plébiscitaires chères aux régimes bonapart
istes, M. Michel Debré répliquait : la différence est qu'en cas de « non » ,
le Président s'en va. Ce qui eut effectivement lieu en 1969.
Quoi qu'il en soit, le recours au référendum direct, soit pour cau
tionner la politique présidentielle, soit pour réviser la Constitution, paraît
hautement improbable dans la conjoncture actuelle, et pour un certain
temps. L'heure de l'appel au peuple est passée, en grande partie sans
doute, parce que le peuple s'est lassé d'être appelé et n'a plus voulu
répondre.
On pourrait appliquer à la notion de référendum cette citation fort
célèbre (encore que le plus souvent inexactement reproduite et inter
prétée) de Paul Valéry : « La politique fut d'abord l'art d'empêcher les PRATIQUE REFERENDAIRE EN FRANCE 267 LA
gens de se mêler de ce qui les regarde. A une époque suivante, on y
adjoignit l'art de contraindre les gens à décider sur ce qu'ils n'entendent
pas. Ce dernier principe se combine avec le premier ». Ainsi le Français,
qui fait profession de scepticisme, inclinerait-il à croire qu'on lui demande
de se prononcer sur ce qu'il n'entend pas et à quoi il s'intéresse peu, pour
mieux l'empêcher de se faire entendre sur ce qu'il connaît le mieux et qui
l'intéresse au premier chef. Par exemple, on le consulte sur les principes
abstraits d'une réforme administrative, destinée à ne lui donner que l'ill
usion de la participation. Ou encore, on tire argument, après coup, d'un
référendum sur l'élection du Président de la République au suffrage uni
versel, pour affirmer l'absolutisme d'un pouvoir solitaire.
Mais jusqu'au tournant marqué par l'année 1968, cet usage « personn
alisé » du référendum coïncidait avec le renforcement de la puissance
bureaucratique et le déclin correspondant des corps intermédiaires. Le
référendum apparaissait ainsi comme l'alibi démocratique à l'institution
du centralisme autoritaire.
Si bien que, passé le « boom » des années soixante, les pratiques réfé
rendaires auraient perdu en France toute crédibilité, au moins en tant
que technique de gouvernement. Ce discrédit gagnant d'ailleurs également
les Etats neufs du groupe francophone : les observateurs ont pu noter, à
cet égard, que les constitutions africaines faisaient une large place au
référendum dans les années soixante, mais que celui-ci disparaît au
contraire dans les versions plus récentes.
Faut-il alors conclure à la

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